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Tant de gens aujourd’hui cherchent Dieu au-dehors d’eux-mêmes. La jeune Élisabeth l’a trouvé tout au fond de son âme ; telle fut sa joie. Elle a trouvé un sens à son existence en vivant en présence de la Trinité, qu’elle appelait ses Trois, à l’intérieur d’elle-même. Elle s’en ouvre au chanoine Angles alors qu’elle n’a que vingt ans. « C’est si bon, cette présence de Dieu ! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme, que j’aime le trouver puisqu’Il ne me quitte jamais. "Dieu en moi, moi en Lui", oh ! c’est ma vie !… J’aime tant ce mystère de la Sainte Trinité, c’est un abîme dans lequel je me perds » (Les textes d’Élisabeth de la Trinité sont tirés des Oeuvres complètes, Cerf, 1991).
Musicienne de Jésus
Née à Avord près de Bourges le 18 juillet 1880, Élisabeth Catez a une enfance joyeuse. Elle se sent appelée par l’amour de Dieu dès l’âge de 8 ans. Artiste et musicienne, elle se passionne pour le piano. Elle obtient le premier prix du Conservatoire à 13 ans. La jeune fille est très coquette et aime voyager, mais son cœur n’appartient qu’à Jésus et le voyage qui l’intéressera est celui de la vie intérieure. Pour bien marquer qu’elle prend Jésus comme unique époux, elle se lie à Lui par un vœu de virginité perpétuelle. Elle a 14 ans.
Comme Thérèse de Lisieux, qui l’influencera plus tard dans sa spiritualité, Élisabeth veut entrer au carmel assez jeune. Sa mère s’y oppose, compte tenu de son âge. Ce sera pour elle une grande épreuve, car elle se sent prête à vivre dans ce qu’elle appelle « un petit coin du Ciel ». Cette attente renforce son désir d’amour pour Dieu et l’unit à Jésus sur la Croix. Elle entre au carmel de Dijon à 21 ans. Les premiers mois sont difficiles. Elle traverse déjà une nuit obscure. Les écrits de saint Paul lui sont d’un grand secours. Elle ne désire que se perdre dans la Trinité, se laissant envahir par ses Trois. Elle développe une grande autonomie spirituelle dans la beauté de la Trinité, d’où son nom de religieuse, Élisabeth de la Trinité.
Dieu présent dans le ciel de l’âme
Élisabeth parle avec enthousiasme de la présence des Trois dans le
« Ciel de son âme ». Trois mois avant de mourir, elle écrit : « Faire l’unité en tout son être par le silence intérieur, c’est ramasser toutes ses puissances pour les occuper au seul exercice de l’amour, c’est avoir cet œil simple qui permet à la lumière de Dieu de nous irradier. Une âme qui discute avec son moi, qui s’occupe de ses sensibilités, qui poursuit une pensée inutile, un désir quelconque, cette âme disperse ses forces, elle n’est pas tout ordonnée à Dieu ».
À l’exemple de Thérèse de Lisieux, Élisabeth met toute sa confiance en Dieu, espérant nuit et jour en sa miséricorde infinie. Elle sait que Dieu prend plaisir à porter dans ses bras ceux et celles qui sont les plus faibles, les plus coupables, car ils donnent à Dieu la joie de les aimer gratuitement. « Il me semble que l’âme la plus faible, même la plus coupable, est celle qui a le plus lieu d’espérer, et cet acte qu’elle fait pour s’oublier et se jeter dans les bras de Dieu Le glorifie et Lui donne plus de joie que tous les retours sur elle-même et tous les examens, qui la font vivre avec ses infirmités, tandis qu’elle possède au centre d’elle-même un Sauveur qui veut à toute minute la purifier » (Lettre 249).
Pour Élisabeth, la personne la plus libre est celle qui est la plus oublieuse d’elle-même. La prière l’aide à vivre cette liberté en communiant à la prière du Christ. Lettre 122 : « Il me semble que j’ai trouvé mon Ciel sur la terre puisque le Ciel, c’est Dieu, et Dieu, c’est mon âme. Le jour où j’ai compris cela, tout s’est illuminé en moi et je voudrais dire ce secret tout bas à ceux que j’aime afin qu’eux aussi, à travers tout, adhèrent toujours à Dieu, et que se réalise cette prière du Christ : "Père, qu’ils soient consommés en l’Un !" »
Ce Dieu d’amour, elle Le trouve partout, « à la lessive comme à l’oraison ! » (Lettre 91). « Il est en moi, je suis en Lui, je n’ai qu’à L’aimer, qu’à me laisser aimer, et cela en tout temps, à travers toutes choses » (Lettre 177). Ainsi est-elle toujours en prière puisqu’elle aime comme Dieu l’aime. « Quand je dis la prière, ce n’est pas tant s’imposer quantité de prières vocales à réciter chaque jour, mais c’est cette élévation de l’âme vers Dieu à travers toutes choses qui nous établit avec la Sainte Trinité en une sorte de communion continuelle, tout simplement en faisant tout sous son regard » (Lettre 252).
Me reposer en un Dieu qui m’aime
Aujourd’hui, dans la nébuleuse aux contours flous de spiritualités à la carte, qu’on appelle « Nouvel Âge » ou autre, l’être humain est perçu comme une étincelle du divin. Ce Dieu n’est pas une personne, c’est un Esprit universel, cosmique, qui s’identifie au moi. Élisabeth témoigne d’un Dieu personnel qui réside en elle et en chaque personne comme étant l’Amour. « S’éveiller dans l’amour, se mouvoir dans l’Amour, s’endormir dans l’Amour, l’âme en son Âme, le cœur en son Cœur, les yeux en ses yeux, afin que par son contact Il me purifie, Il me délivre de ma misère » (Lettre 177).
Élisabeth revient toujours à cette simplicité de la prière de présence qui n’est que repos en Dieu qui aime. Il s’agit de se tenir près de lui, de laisser aller son cœur, d’être une louange de gloire. « C’est si simple, cette intimité avec Dieu ; cela repose plutôt que de fatiguer — comme une enfant se repose sous le regard de sa mère » (Lettre 301).
La spiritualité contemporaine se réfère à la vie de l’esprit humain, la spiritualité chrétienne est la vie de l’Esprit Saint en nous. C’est lui qui, dans le silence, produit en nous un magnifique cantique à Dieu qui n’est qu’Amour. Pour la musicienne Élisabeth de la Trinité, vivre de ce silence, c’est être une louange de gloire, c’est-à-dire « une âme de silence qui se tient comme une lyre sous la touche mystérieuse de l’Esprit Saint » (Le Ciel dans la foi, 43).
Élisabeth meurt à l’infirmerie du carmel le 9 novembre 1906 à l’âge de 26 ans. La veille, elle avait prononcé ces paroles : « Je vais à la Lumière, à l’Amour, à la Vie ». Elle est béatifiée à Rome par le pape Jean-Paul II en 1984. Le procès sur le miracle pour sa canonisation s’est terminé en août 2012. Elle est fêtée le 9 novembre. Comme cette date est occupée par la fête de la dédicace de Saint-Jean de Latran (qui prime sur la fête d’un saint), l’Ordre du Carmel célèbre sa fête le 8 novembre.
Du blog de Jacques Gauthier, ce texte est également paru dans Feu et Lumière, novembre 2014, p. 33-35.
Pour aller plus loin, lire Les maîtres spirituels chrétiens (Novalis).