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La capitale française subit depuis quelques jours les conséquences d’un pic de pollution d’une rare intensité : la préfecture de Paris a décidé de mettre en place la circulation alternée. Si certains semblent exaspérés de devoir se passer de leurs véhicules pendant quelques jours, rares sont les voix qui s’élèvent contre l’absurdité même de la situation dans laquelle se trouvent plongées les métropoles modernes.
L’homme est devenu une espèce qui se nuit à elle-même et qui empoisonne son espace vital, en dépit de tout bon sens où même du plus basique instinct de conservation. À peu de détails près, nous ressemblons au poisson surnageant dans les eaux bréneuses de son aquarium — s’il le pouvait, il y a fort à parier que même le poisson prendrait soin de ne pas vicier l’eau de son bocal au point de s’en rendre malade.
Évidemment, l’honnêteté nous pousse à affirmer que cet empoisonnement est le fait de certains, d’une industrie affranchie de toute contrainte écologique, de règles environnementales mal conçues ou mal appliquées, d’une course au profit sacrifiant la vie humaine à ses intérêts… Toutes ces remarques sont vraies : elles n’en demeurent pas moins incomplètes. Car ce n’est pas l’abus de la technique ni sa mauvaise utilisation qui nuisent à la nature, mais la technique elle-même, dès lors que lui est dévolu le rôle de structure.
Lire le mot de la semaine dernière : “Cahuzac”
Car sitôt que nous rejeterions toute accusation de responsabilité collective qui incomberait à “l’espèce humaine” dans son ensemble, pour blâmer certaines “multinationales polluantes” en particulier, que ferions-nous d’autre que de nous réfugier derrière une hypocrisie pleine de bonne conscience ? Réintroduire la priorité de la lutte des classes dans la problématique environnementale est une impasse : non pas qu’elle en soit totalement absente, mais elle ne résout pas le problème.
Et pour cause : au nom de la défense des plus pauvres, tout incite à encourager l’agriculture intensive qui permet de nourrir les ventres. Au nom de la nécessité à se chauffer à bas prix, tout encourage à développer l’énergie nucléaire. Au nom du droit aux pays émergeant à s’industrialiser, tout justifie que ceux-ci aient le droit, comme l’Occident avant lui, de polluer pour répondre aux défis économiques et alimentaires qu’ils doivent affronter.
Raisonner ainsi, c’est se plonger dans un puits sans fond. Sans cynisme, il faut admettre que la technique comme système, la course au développement comme politique et la croissance comme idéologie sont autant de non-sens qui finissent par détruire ceux-là mêmes dont ils prétendent servir la cause. La pollution est le prix à payer pour ce choix de société, et soyons certains que si ses méfaits frappent indifféremment les riches et les pauvres, seuls les premiers seront en capacité d’en limiter les dégâts sur eux-mêmes. C’est précisément parce que ses conséquences sont injustes que notre responsabilité est collective.