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Le regard que le patient pose sur moi, celui que je pose sur le patient, mon regard également posé sur mes collègues et le regard que Dieu pose sur moi. Voilà en quelques mots ce qui a été abordé lors de ces deux jours ponctués de temps fraternels et spirituels.
Aleteia : Quels sont les enjeux de ces rencontres ?
Dr François Mabilais : Le médecin est un professionnel très seul, à la fois par sa pratique et par toutes les décisions qu’il a à prendre, même s’il travaille en équipe. Et le médecin catholique est encore plus seul ! L’idée est de créer un réseau à la fois fraternel et professionnel où il possible d’échanger dans un cadre serein avec des gens qui partagent les mêmes convictions. Ce qui est remarquable, c’est de voir que nous avons tous les mêmes préoccupations, à la fois au niveau humain, dans notre rapport au patient, que dans nos choix à poser. On se place d’abord sous le regard de Dieu par une louange ou une prière et après on échange de manière très conviviale. Toutes les questions du magistère de l’Église, de bioéthique, ou tout ce qui manque de cohérence comme parfois le non respect du handicap, sont des sujets qui nous intéressent tout spécialement, pour apprendre à exercer nos métiers de manière ajustée avec notre foi. Pour tout cela, les fraternités de médecins et ces week-ends annuels à Paray-le-Monial sont une vraie réponse à la solitude des généralistes ou spécialistes.
Être médecin et catholique, quelle différence avec vos confrères ?
En soi, ça ne change pas grand chose car comme pour n’importe quelle profession il n’est pas nécessaire d’être catholique, ni pour être bienveillant ni pour travailler mieux, ni pour avoir une conscience professionnelle. En revanche ça change tout de savoir qu’on n’est pas seul parce que le matin, on sait qu’on part avec le Christ. Et à travers nos patients nous servons le Christ aussi, donc ça change notre regard sur ce que nous sommes appelés à vivre au quotidien.
Qui avez-vous rencontré sur place ?
Un panel d’orateurs était présent comme le père Pascal Ide, médecin, formateur en philosophie et en psychologie au séminaire de Bordeaux et le docteur Claire Fourcade, responsable du pôle de soins palliatifs, à la polyclinique Le Languedoc à Narbonne. Un prestigieux membre du groupe de travail sur la fin de vie de la Conférence des évêques de France était là, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon ainsi que le père François Buet, médecin en soins palliatifs à la clinique Sainte-Élisabeth à Marseille et prêtre de Notre-Dame de Vie. Nous avons vécu des temps spirituels dans une démarche sacramentelle : ce sont des week-ends très riches aussi bien sur la dimension humaine, que spirituelle et de détente aussi !
Quelles seraient les grandes urgences dans la formation des médecins ?
Je les verrais précisément dans la sélection des candidats qui ne tient absolument pas compte des valeurs humaines des futurs médecins. Avec le principe de sélection actuel, si vous avez une excellente mémoire vous pouvez devenir médecin sans problème mais personne ne se pose la question de savoir si vous avez des qualités relationnelles. Ce serait une bonne base que de commencer par là. Je considère que la mémoire ne fait pas tout mais en revanche, le regard d’un praticien sur ses patients peut faire toute la différence. Qu’il ait une vision globale de l’être humain et peut-être moins cloisonnée ou scientifique pure, ce serait un atout pour le corps médical et l’ensemble de toutes ces personnes en souffrance que nous recevons chaque jour. C’est un métier qui nécessite beaucoup de qualités humaines pour éviter de faire de gros dégâts.
Quel est votre meilleur souvenir lors d’un de ces week-ends à Paray-le-Monial ?
Je me souviens d’un médecin spécialisé en soins palliatifs qui nous racontait qu’un de ses patients demandait l’euthanasie. Pour essayer de répondre en vérité à cet homme, il a laissé tomber sa cuirasse de médecin. Il s’est mis à lui parler non plus comme un référent ou un “savant” mais comme un simple homme et de lui expliquer que ce qu’il demandait « ne collait pas ». Finalement c’était deux hommes qui s’étaient retrouvés dans ce débat et non plus le malade et le médecin. C’est cette simplicité et cette humilité qui a permis au patient de se sentir rejoint dans sa douleur et de changer d’avis. Ce patient a terminé sa vie de façon radicalement différente. Je trouve que ce côté humain et capable de changer de posture n’est pas une chose que l’on apprend au cours de nos nombreuses années d’études et je le regrette. Savoir dire qu’on ne sait pas et que la médecine a des limites ou qu’on n’est pas des touts puissants, c’est faire un acte d’humilité pas courant dans la profession.
Créé en 2007, Emmanuel Médecins est une proposition lancée à l’adresse de tous les médecins catholiques à partir de l’internat, c’est-à-dire de tous ceux qui sont en contact direct avec les patients. Le but n’est pas de faire un énième colloque scientifique ! D’ailleurs c’est très accessible pour les conjoints des médecins qui sont invités à participer au week-end. Pour ce 9e Rassemblement International des Médecins, la communauté de l’Emmanuel invite ces praticiens de la santé à des temps d’enseignement plénier, abordant des aspects philosophiques, anthropologiques et théologiques de leur profession. Des ateliers et carrefours déclineront d’autres aspects sensibles qui interpellent les médecins et notamment les jeunes internes qui représentent la moitié des participants.
Propos recueillis par Sabine de Rozières.
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