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En arabe, isrâ’ signifie « voyage nocturne » tandis que mi’râj veut dire « ascension ». Cette fête évoque ainsi le voyage qu’entreprit Mahomet en une nuit, de la Mecque jusqu’aux cieux, en passant par la mosquée « lointaine » (al-Aqsa) à Jérusalem, guidé par l’ange Gabriel. Un songe qui fonde l’attachement des musulmans à la ville sainte de Jérusalem.
En effet, le Mont du Temple, premier lieu saint du judaïsme, est aussi le troisième lieu saint de l’islam. Pour les musulmans, le Dôme du Rocher, situé au beau milieu de l’Esplanade des Mosquées, à quelques pas du lieu où s’élevait le temple de Salomon, abrite la pierre sur laquelle Mahomet aurait commencé son périple vers les cieux.
Les archéologues ne sont toutefois pas parvenus à confirmer que ce « Rocher de la fondation » soit la pierre d’assise du Saint des saints des deux Temples successifs de Jérusalem aujourd’hui disparus. La revendication de ce lieu saint commun aux deux religions monothéistes est aujourd’hui encore la source d’intenses polémiques, la dernière en date ayant été ravivée par une résolution de l’Unesco en avril 2016.
Quant à la célébration de cet évènement, la tradition diffère selon les pays. Certains étudient l’histoire de cette montée vers Allah ou prient particulièrement à la mosquée. D’autres préparent un repas partagé en famille.
Une approche chrétienne
Ne rejetant rien de ce qui est vrai et saint dans les religions non chrétiennes, l’Église “considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes.” La déclaration du Concile Vatican II Nostra-Aetate du 28 octobre 1965, exhorte ainsi les chrétiens et les musulmans à “s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle”. À cet égard, le récit du voyage nocturne du prophète Mahomet présente d’étonnantes ressemblances avec certains passages des manuscrits paléochrétiens parvenus jusqu’à nous.
À la première lecture, le récit semble ainsi puiser aux sources apocryphes* comme l’ascension du prophète Isaïe. Cet ouvrage chrétien du IIe siècle, qui serait d’origine syriaque et d’inspiration docète, décrit pour la première fois un ciel à sept degrés. Degrés que le prophète gravit comme les barreaux d’une échelle. Or, dans le récit de son ascension, Mahomet traverse lui aussi sept cieux. Ce n’est pas la seule illustration de la grande perméabilité de la lettre coranique aux textes chrétiens des premiers siècles de notre ère. En effet, les récits véhiculés par la littérature apocryphe* abondent dans le Coran. Au point même que certains historiens affirment que « la conception de Dieu, la christologie, l’eschatologie et de nombreuses autres affirmations théologiques du Coran proviennent du sein de la tradition chrétienne syriaque. »
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Les origines chrétiennes de l’islam
Le protévangile de Jacques, par exemple, est à la source de la fête de la Nativité de la Vierge inscrite au calendrier liturgique de l’Église universelle. Il influencera considérablement l’iconographie byzantine dans la représentation de l’enfance de Marie ou celle de Jésus. Ce texte apocryphe datant du IIe siècle, est également cité par bribes pas moins de treize fois dans le Coran !
Plus tardif (fin du VIe siècle), l’Évangile du pseudo-Matthieu, en rapportant qu’un âne et un boeuf se trouvaient dans l’étable autour de l’enfant Jésus, a fourni le décors de la traditionnelle crèche si chère à saint François d’Assise. Ce texte contient la jolie fable du dattier qui penche ses rameaux sur la tête de Marie, épuisée par la fuite en Égypte, pour lui offrir le réconfort de ses fruits. Cette scène, rarissime dans l’iconographie chrétienne qui a boudé ce prodige, fut retrouvée peinte à fresque en 1999 dans la crypte du Duomo de Sienne où elle était restée cachée 700 ans. Une scène rapportée… dans une sourate du Coran (s. XIX “Marie”, v. 23).
L’Évangile de l’enfance du pseudo-Thomas (IIIe siècle) figure lui aussi à plusieurs reprises dans le Coran, notamment aux passages concernant l’enfance de Jésus avec le célèbre récit des oiseaux d’argiles à qui le petit-Jésus donne vie en soufflant dessus…
Notons enfin que de ce voyage mystique de Mahomet puise aussi dans les récits mythologiques arabes ou perses. Ainsi, Bouraq, la monture fantastique confiée à Mahomet par l’ange Gabriel, est souvent représentée comme une sphinge mésopotamienne, avec une tête de femme, des ailes et une queue de paon. Cet étrange animal n’est pas mentionné explicitement dans le Coran. Mais une description du Sahih d’al-Bukhari, le plus authentique et ancien recueil des Hadiths, les actes et paroles du prophète, décrit le Bouraq comme « Un animal blanc et long, plus grand qu’un âne mais plus petit qu’une mule, qui pose son pied aussi loin que le regard peut porter. »
* Poèmes, récits, contes ou véritables romans, les évangiles apocryphes ou “extra-canoniques” ne sont pas admis parmi les textes retenus par le canon de l’Église car ils présentent des déformations sensibles de la personne de Jésus et de son message de Salut.