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Les enfants sont repartis à l’école après le déjeuner, le café est avalé. Jeanne se remet au travail. Elle n’a qu’à traverser le salon de son appartement de Blois pour ouvrir la porte de son atelier : dans le secret, une chasuble se prépare. Celle-ci partira bientôt à la communauté Saint-Martin.
À 31 ans, Jeanne Regnier est chasublière. Un métier peu répandu. Et tant mieux pour la petite entreprise de Jeanne, qui ne connaît pas la crise : “Je n’ai pas beaucoup de concurrence !”
Tous les jours depuis 2010, la jeune femme s’exerce donc à la paramentique : l’art des vêtements religieux. Chasubles, tentures et ornements, elle habille les prêtres pour les célébrations.
Une vocation que Jeanne s’est découverte il y a sept ans, lorsque son meilleur ami lui a demandé de confectionner ses chasubles pour son ordination sacerdotale. “J’ai accepté en tremblant. Je n’y connaissais rien !”
La couture, elle l’a appris… à l’école ! « Les religieuses qui tenaient l’établissement nous donnaient des cours de couture. C’était obligatoire, comme le sport et la musique. » La voilà sortie du collège, sachant monter une jupe et coudre une chemise. L’air de rien, la passion l’a piquée : Jeanne coud sa propre robe de mariée.
Une fois en congé maternité, Jeanne s’amuse à créer des petites robes pour ses filles et celles de ses amies. Jusqu’à la demande de son ami ordinand : “Il y a toute une symbolique que je ne connaissais pas ou peu. C’était un domaine et des tissus complètement différents.”
“Pour créer, il faut avoir un bagage historique”
Pas de liberty pour un prêtre : Jeanne part à Rome avec son ami pour acheter les plus beaux tissus. “Je devais coudre quatre chasubles. Je ne savais pas du tout où trouver les galons, les franges d’étole…”
Après l’ordination de son ami, la jeune couturière se fait connaître dans le diocèse d’Ars. « Ses copains de séminaire m’ont demandé de préparer leurs ornements » raconte-t-elle.
Une page Facebook et un peu de bouche à oreille plus tard, Jeanne a reçu une grande grâce : c’est elle qui a confectionné le pontifical pour l’ostension de la sainte Tunique à Argenteuil. Chasubles, dalmatiques, chapes… “et tout cela assorti !” s’exclame Jeanne, pas peu fière du travail accompli. “Cela m’a fait une pub dingue.”
Cette année, c’est aux 70 ans de l’Île Bouchard que les fidèles ont pu admirer le travail de notre chasublière, porté par Monseigneur Perrier.
Autodidacte, Jeanne se perfectionne avec les moines de Saint-Wandrille et de Solesmes. « Je me forme au style et à l’historique des ornements. Pour créer, il faut avoir un bagage historique. »
Si son activité est empreinte de spiritualité, et qu’elle se dit infiniment touchée de voir ses créations portées pendant l’élévation à la messe, la chasublière reste les pieds sur terre : “Est-ce-que j’ai le droit de dire que j’ai regardé des dizaines de séries télé pendant que je les cousais ?” demande-t-elle dans un éclat de rire.