Il y a 490 ans, l’empereur répond en envoyant son armée mettre la ville à sac : pillages, incendies et profanations qui laissent Rome dans un triste état… Cet épisode a profondément marqué l’histoire du siège de l’Église.
Au matin du 6 mai 1527, depuis son quartier général situé au couvent de Sant’Onofrio, sur la colline du Janicule, Charles de Bourbon — connétable français qui s’était mis au service de Charles Quint — lance les assauts. C’est au cours de l’un d’entre eux, à la Porta del Torrione, qu’il est mortellement blessé. Un contingent d’environ 15 000 lansquenets — mercenaires allemands — franchit, néanmoins, cette porte et commença à envahir le Borgo Santo Spirito et Saint-Pierre.
En moins d’une heure, la citadelle est conquise et les 189 gardes suisses postés sous l’obélisque — qui se trouvait alors sur le côté de la basilique, près du Campo Santo Teutonico — avec un groupe de 200 italiens tentent de protéger la tombe de saint Pierre. 147 suisses trouvent la mort sur les marches de la basilique, et le commandant de la garde, Kaspar Roist, alors blessé, est massacré chez lui, sous les yeux de sa femme. Les 42 survivants ont pu aider le Pape à fuir par le Pasetto vers le château Saint-Ange, dirigés par Hercules Göldli. Cette vieille muraille reliant le palais apostolique à l’ancien mausolée d’Hadrien cachait un passage secret que les papes avaient l’habitude d’utiliser pour fuir : sa dernière utilisation remontait à l’invasion de la ville éternelle par les français, sous le pontificat d’Alexandre VI Borgia.
En seulement huit heures, Rome est tombée dans les mains de l’empereur : les Allemands se regroupent près du Campo de’ Fiori et les Espagnols à la place Navone. Dès ce moment le signal est lancé : les trois jours de pillage commencent. Certains propriétaires font de la résistance ou d’autres offrent une importante somme d’argent aux mercenaires pour préserver leurs palais. Au bout de huit jours d’horreur, plus de 5000 cadavres attendent une sépulture et une odeur pestilentielle planent sur les églises profanées ou les palais incendiés. Les différentes chapelles de la basilique Saint-Pierre sont transformées en étables, la Sainte Lance est traînée sur la pointe d’une hallebarde dans les tavernes et d’autres reliques sont consumées dans des brasiers.
Du point de vue artistique le sac de Rome a été terrible. Outre les magnifiques pièces d’orfèvrerie volées ou fondues, les fresques de Raphaël ont été victimes de ce théâtre de l’horreur. Achevées peu de temps auparavant, les fresques de la Villa Farnesina furent abîmées et on peut encore y lire des inscriptions comme « 1527 […] Clemente VII ». Pour les fresques des appartements de Jules II, et notamment la Dispute du Saint Sacrement, dans la chambre de la Signature, c’est l’inscription “Vivat Lutherus Pontifex” (“Vive le pape Luther”) qui est gravée à l’épée.
Ce même slogan, le Pape pouvait le lire depuis la loge du château Saint-Ange. En effet, les lansquenets se faisaient les promoteurs d’une croisade anti-papiste engendrée par les thèses de Luther. Sous les yeux du Pape, une parodie de procession religieuse passait sous son refuge où l’on demandait à Clément VII de céder les voiles et les rames du « vaisseau de l’Église » à Luther.
Après avoir trouvé refuge au château Saint-Ange, puis à Orvieto pendant près d’un mois, Clément VII finit par se rendre après avoir accepté les lourdes conséquences imposées par l’empereur : l’abandon des différentes forteresses disposées aux alentours de Rome, la cession des villes de Modène, Parme et Plaisance, le versement de la somme de 400 000 ducats. S’ajoute à cette somme la rançon pour la libération de ses soldats.
L’Europe entière se moque ou pleure la ville auparavant « caput mundi” et désormais « coda mundi ». Mais Rome ne s’avoue pas vaincue. Du point de vue doctrinal, le statut des reliques est réaffirmé, elles qui avaient souffert du sac. Le chantier de la nouvelle basilique voulue par le pape Jules II a été arrêté quelques années, Clément VII et ses successeurs décident de reconstruire Rome, mais le chemin est long pour redorer l’image de la ville éternelle. Certaines créations l’aideront comme la commande du Jugement Dernier de Michel-Ange par Paul III (Farnese).
La Garde Suisse est remplacée un temps par un contingent d’Espagnols et d’Allemands : environ 200 lansquenets prennent la place des Helvètes. Le Pape obtient le retour des Suisses dans sa garde personnelle, mais seuls douze d’entre eux acceptent, les autres refusant de côtoyer ceux qui avaient massacré leurs 147 frères. Le Sac de Rome de 1527 est célébré encore chaque année par la Garde Suisse, qui fait mémoire du sacrifice de leurs prédécesseurs. En effet, les nouvelles recrues prêtent serment chaque année le 6 mai, promettant de sacrifier, si nécessaire, leur vie pour protéger celle du souverain pontife.