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Depuis la loi de séparation des Églises et de l’État, la question de savoir si un président de la République en exercice peut assister à une messe fait toujours débat.
À partir de l’adoption de cette loi en 1905, aucun président ne participe à un office. Survient la Grande Guerre. Les instances catholiques espèrent alors réveiller la piété des dirigeants du pays face aux dangers qui menacent la France. Quand en mars 1918, la situation militaire est critique sur le front et que les lignes françaises sont enfoncées par l’offensive printanière des Allemands, le cardinal Andrieu, archevêque de Bordeaux, écrit avec une pointe de provocation à Clémenceau, chef du gouvernement et anticlérical intransigeant :
“La situation était critique à Tolbiac et Clovis remporta la victoire après avoir promis, si elle lui était accordée, de faire du Dieu de Clotilde son Dieu. La situation était critique à Bouvines et Philippe Auguste remporta la victoire après avoir entendu la messe et fait porter sur le champ de bataille l’oriflamme de saint Denis. La situation était critique à Orléans et Jeanne D’Arc délivra miraculeusement cette ville à l’aide d’une bannière sur laquelle des mains pieuses avaient gravé le nom de Jésus et Marie. La situation est critique et elle peut s’aggraver sur la Somme. Ne vous semble-t-il pas que le moment est venu de mobiliser, après les forces matérielles, les forces spirituelles ?”.
Clémenceau annote ce courrier d’un très bref commentaire : “pas de réponse”.
Le « Tigre » intransigeant
Quelques mois plus tard, il s’agit cette fois d’une lettre du cardinal de Luçon auquel il choisit cette fois d’accorder une réponse :
“Le pouvoir que le gouvernement détient lui vient uniquement de la loi. Vous comprendrez qu’il n’est pas possible d’en organiser la subversion.”
Ni lui ni le président de la République Poincaré n’assistent donc à la messe. Une fois la victoire acquise, l’archevêque de Paris organise un Te deum à Notre-Dame de Paris pour célébrer le succès des armes françaises. Toutes les autorités de l’État y sont à nouveau conviées. Le “Tigre”, toujours aussi ferme, autorise seulement à l’épouse du président de la République d’effectuer le déplacement. Poincaré déclare pourtant qu’il aurait été prêt à accepter cette proposition. Certains, comme Paul Deschanel, futur président de la République, juge alors mesquine la position de Clémenceau, mais cette règle républicaine devient la norme pendant toute l’Entre-deux-guerres.
En 1940, la situation dramatique du pays amène cependant un assouplissement de cet usage républicain. Le président du Conseil et certains ministres assistent ainsi à une messe propitiatoire afin d’implorer le soutien divin pour les armées françaises. Le 31 mai suivant, c’est à l’épouse du président de la république Albert Lebrun d’être présente à une messe en la basilique Montmartre, même si le chef de l’État, lui, n’y participe toujours pas. La Libération amène un changement. Le chef du gouvernement provisoire de la République française, le général de Gaulle assiste à un Magnificat à Notre-Dame de Paris après sa descente glorieuse des Champs Elysées.
Catholique pratiquant, l’homme du 18 juin bouleverse la tradition à partir de son retour au pouvoir en 1958. Le premier président de la Ve république accepte d’assister aux offices, mais sans communier toutefois. Une fois seulement, lors d’une messe en déplacement officiel à l’étranger, il est “contraint” de communier à cause d’un quiproquo de l’un de ses collaborateurs.
L’initiative provoque la colère du Général, sincèrement attaché au principe de laïcité. En privé cependant, il continue à communier au cours de messes célébrées à l’Elysée.
La règle du général de Gaulle
Les rapports de ses successeurs avec la religion sont plus distants. Tous continuent à suivre la règle instaurée par le Général. En privé, Georges Pompidou et sa femme, lors de leurs vacances estivales à Bornes-les-Mimosas, assistent à la messe dominicale et s’y présentent comme des paroissiens ordinaires. De même pour Valéry Giscard d’Estaing qui accompagne régulièrement son épouse à l’église et quitte le pouvoir avec cette déclaration bien peu laïque : “Je souhaite que la Providence veille sur la France.”
François Mitterrand, malgré sa fameuse phrase sur les forces de l’esprit, a un rapport plus distant et ambigu avec le catholicisme, même s’il laisse ce mot lapidaire à propos de ses funérailles : “une messe est possible.” Jacques Chirac assiste, lui, à des messes lors de ses vacances, accompagné de Bernadette Chirac qui n’a jamais caché son catholicisme. Nicolas Sarkozy lui n’hésite pas à se signer ostensiblement lors de certaines cérémonies officielles telle cette visite au Vatican qui ne manqua pas de faire polémique. François Hollande, agnostique revendiqué, marque quant à lui une rupture avec ses prédécesseurs par son désintérêt profond pour les questions religieuses et le catholicisme dans lequel il fut pourtant élevé.
Emmanuel Macron, baptisé catholique, n’est pas pratiquant même si la question de la transcendance revient régulièrement dans ses discours. En tant que président de la République, il a assisté en 2017 à la messe d’hommage célébrée un an après la mort du père Hamel. La même année, en décembre, il s’est rendu aux obsèques de Johnny Hallyday dans l’église de la Madeleine à Paris. En 2019, Emmanuel Macron a assisté à deux messes : obsèques de Jacques Chirac et office en mémoire de Georges Pompidou.
Il s’inscrit ainsi dans la pratique instaurée par le général de Gaulle selon laquelle les présidents de la République expriment une volonté de neutralité au cours des cultes religieux lorsqu’ils sont dans leurs fonctions officielles, au-delà de leur croyance personnelle, mais s’autorisent toutefois à assister aux offices.
Cependant, dans leur vie privée, comme tout citoyen, ils conservent la possibilité de pratiquer leur religion en toute liberté car, évidemment, la loi de 1905 n’impose heureusement à personne de renier sa propre foi et, ceci, même au représentant suprême d’une république laïque.