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Prématurité : changeons de regard sur les bébés nés trop tôt

Bébé dans une couveuse

© Shutterstock

Mathilde de Robien - publié le 16/11/17

A l’occasion de la Journée Mondiale de la Prématurité, le 17 novembre, apprenons à « apprivoiser la prématurité », pour reprendre le titre de l’ouvrage du Docteur Frédérique Berne-Audéoud, L'apprivoisement du monde de la prématurité, afin de changer notre regard sur les enfants prématurés et d’accompagner au mieux leurs parents.

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Aujourd’hui, dans le monde, 1 enfant sur 10 naît prématuré, ce qui représente 15 millions de naissances par an, dont 65 000 en France. La prématurité est de plus en plus fréquente en raison des progrès en néonatologie, et des conséquences des traitements pour infertilité. Charlotte Bouvard, fondatrice de l’association SOS Préma, écrit : « Les enfants prématurés sont nos plus petits, nos plus fragiles et sont aussi notre avenir, comme tous les enfants. Il est de notre devoir à tous de tout faire pour aider ces enfants, qui n’arrivent pas dans la vie avec les mêmes chances que les autres ».

Qu’est-ce que la prématurité ?

Une naissance est considérée comme prématurée si elle survient avant 8,5 mois de grossesse (soit 37 semaines d’aménorrhée), contre 41 semaines d’aménorrhée (SA) pour les bébés à terme. On distingue la très grande prématuré (avant 28 SA), la grande prématurité (de 28 SA à 31 SA + 6 jours), et la prématurité moyenne (de 32 SA à 36 SA + 6 jours). Au total, cela représente environ 65 000 naissances par an, en France.

La prématurité ne cesse d’augmenter : elle est passée de 5,9% en 1995 à 7,4% en 2010, toutes prématurités confondues, soit une augmentation de 15% en 15 ans, selon un rapport du Ministère de la Santé (DREES), paru en octobre 2011. Plusieurs raisons à cela : des traitements pour infertilité qui engendrent parfois des grossesses à risque (notamment des grossesses multiples), un âge maternel de plus en plus élevé, des antécédents de prématurité, l’appartenance à une classe sociale défavorisée, et enfin, et surtout, les progrès de la médecine en réanimation néo-natale. En 1970, 80% des prématurés de moins de 1 200 grammes décédaient. En 2010, 90% d’entre eux survivent, et la limite de la viabilité est même repoussée à 24 semaines d’aménorrhée, soit 5 mois de grossesse (à condition que l’enfant pèse au minimum 500 grammes).

Quels soins pour les enfants prématurés ?

« À 24 SA, les organes sont entièrement formés, mais ils manquent de maturité. Les soins dispensés en service de néonatologie vont donc avoir comme but de suppléer les fonctions déficientes. Bien sûr, plus l’enfant va naître en avance, plus les soins vont être importants et complexes, » explique le docteur Frédérique Berne-Audéoud, pédiatre dans le service de néonatalogie du CHU de Grenoble.

Il s’agit d’aider l’enfant à respirer correctement, avec des machines telles qu’un respirateur, un masque nasal, des lunettes délivrant de l’oxygène. Le scope surveille en permanence les rythmes respiratoires et cardiaques. Il faut également l’aider à s’alimenter par perfusion, puis par sonde, jusqu’à ce qu’il soit capable de digérer seul. Tout est également mis en œuvre pour l’aider à maintenir une température corporelle satisfaisante. Enfin, une surveillance accrue est consacrée aux risques d’infections et de complications cérébrales. Ceci nécessite de nombreux examens au quotidien (radios, échographies, électro-encéphalogrammes).

« Le bébé, même prématuré, est une personne »

Le docteur Frédérique Berne-Audéoud, pédiatre dans le service de néonatalogie du CHU de Grenoble, a publié un ouvrage : Histoires d’Avant – L’apprivoisement du monde de la prématurité, pour lequel elle a photographié, pendant 3 ans, des bébés soignés dans son service. Elle explique l’objectif de cette démarche :

« Ce que j’ai voulu montrer, c’est ce que beaucoup de personnes ignorent : le bébé, même prématuré, est une personne. Ce n’est pas facile à voir, ni à photographier, ce sont des moments très fugaces, mais bien présents. Quand je m’occupe d’un bébé du service, j’ai conscience que j’ai affaire à une vraie personne, et ce, non seulement en raison de ses particularités médicales, mais aussi et surtout, de sa personnalité, de son caractère. Etre sensible à la question de la douleur et à la présence des parents dans le service, c’est reconnaître que nous avons affaire à un individu, qui appartient à une famille, à un groupe social, et qui n’est pas un objet sur lequel on pratique des soins. Le bébé prématuré est une personne, ce n’est pas une « petite crevette » comme je l’entends parfois, c’est un être humain. Oui, ce sont des bébés qui ont une histoire néonatale difficile, pour eux comme pour leur famille. Ils auront peut-être une petite enfance complexe, parfois une expérience scolaire difficile, à cause de troubles des apprentissages dont ils peuvent être victimes, mais la plupart d’entre eux accèderont à une vie adulte tout à fait normale. Pour toutes ces raisons, nous nous devons de nous occuper d’eux avec tout le respect qu’ils méritent. »

Une épreuve pour les parents

Charlotte Bouvard, fondatrice de l’association SOS Préma, elle-même maman d’un enfant prématuré, évoque le lapsus qu’elle a souvent fait en évoquant la sortie de son enfant du service de néo-natalogie : « Lorsque je suis sortie de l’hôpital… » Elle analyse : « Probablement parce que pendant un mois, c’était une partie de moi-même que je laissais chaque soir en néonatalogie. »

En plus de la séparation d’avec son enfant, à un moment où parents et enfant auraient besoin de cette proximité, le père et la mère d’enfant nés prématurément ressentent une foule d’émotions fortes et parfois contradictoires, qui mêlent la culpabilité d’avoir accouché trop tôt, la joie de la naissance, l’angoisse des premiers jours…

Myriam Dannay, psychologue de l’association SOS Prema, explique : « Cette naissance prématurée va provoquer chez les parents des émotions contradictoires : la joie d’être parents cohabite avec l’anxiété sur la santé de leur enfant, la culpabilité vient ternir le bonheur d’être mère. Il y a de doux moments, et des périodes de doute, de frustration, de colère… C’est souvent après la sortie de l’hôpital…ou quelques mois plus tard, à un moment où la famille a retrouvé enfin ses repères, que peuvent surgir de nombreuses questions, que des parents vont retrouver ces émotions légitimes, mais bien enfouies car l’urgence de la situation du moment l’exigeait. »

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