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Mercredi 13 décembre 2017. Il pleut. Il fait froid. Il est 20h15, 20 000 spectateurs, cheveux mouillés, s’agitent et prennent place en attendant qu’entre sur scène le poète. Le poète, albatros et géant de la chanson française ; celui qui, en 1963, a écrit les tendres paroles de « Retiens la nuit » que chantait Johnny, fantôme de Bercy qu’il enflamma 96 fois.
Ce soir-là, c’est la première fois qu’Aznavour chante seul à Bercy. Mais que craindre après avoir affronté le Madison Square Garden de New York ? En fait, la dernière fois qu’il s’est trouvé à Bercy, c’était pour les 70 ans de Johnny, le 15 juin 2013. Ils avaient chanté ensemble la très émouvante chanson « Sur ma vie ».
« Sur ma vie Je t’ai juré un jour De t’aimer jusqu’au Dernier jour de mes jours Et le même mot Devait très bientôt Nous unir devant Dieu et les hommes »
Désormais on ne les verra plus ensemble, et cette vie sur laquelle ils juraient d’aimer plus et d’aimer mieux c’est Charles Aznavour qui la fait vibrer. Charles Aznavour a 93 ans, il a les yeux clairs et droits, tout pétris de musique et de souvenirs. Toutes ses chansons célèbrent la tendresse, appellent la charité, tiennent à distance les fourberies et les bassesses, avec des rires dans les yeux.
Ses belles mains tremblent, il ne s’en cache pas, au contraire, il explique entre deux musiques que c’est normal, que ce n’est pas le trac, que ce soir il n’a pas pris les médicaments qui limitent ces tremblements parce qu’ils sont mauvais pour la voix. Il a cette humilité des personnes qui n’ont plus rien à prouver. Mais on sent que cette humilité est ailleurs également. Elle est dans la sobriété de son élégance, dans le sérieux avec lequel il vouvoie ses musiciens. À aucun moment il ne cherche à paraître fringant, à échapper à la vieillesse, mais, parfois, un peu comme à son insu, il redevient enfant. Un pas de danse, un éclat de voix, un rayon de lumière. Enfant.
Sa voix retentit et parfois on a du mal à croire que cette voix sort de ce corps si débile que j’aperçois de si haut. Et puis je comprends. La salle devient bleue. Charles Aznavour semble plus petit, plus fragile, dans cette salle démesurée, dans ce bleu qu’il aime tant, et il se met à chanter, plus abandonné, plus tranquille ; et plus les beaux soleils de son visage s’abandonnent, plus sa voix se fait sûre. Il chante, il chante un Ave Maria, avec une force incroyable, et Bercy se tait. Bercy se tait face à cet homme, seul et inondé de bleu, qui invoque la Vierge et qui lui demande de consoler ceux qui pleurent, ceux qui souffrent, elle, qui sait la souffrance, qui a épousé la souffrance, avec délicatesse et courage, en offrant son fils dont la mort rachète tous les hommes.
"Ave Maria" et grande croix à Bercy #Aznavourpic.twitter.com/bDiLUTxvIY
— Bertrand Dicale (@BertrandDicale) December 13, 2017
La puissance qui émane des humbles. La lumière à travers la fêlure. C’était beau. Un amen éclatant a résonné dans la salle immense et les lumières de la salle, partant de la scène, ont passé sur les têtes des spectateurs comme un faisceau d’espérance. Et tout le reste est littérature…
Voici les paroles de son Ave Maria :
Ave Maria Ave Maria Ceux qui souffrent viennent à toi Toi qui as tant souffert Tu comprends leurs misères Et les partages Marie courage Ave Maria Ave Maria Ceux qui pleurent sont tes enfants Toi qui donnas le tien Pour laver les humains De leurs souillures Marie la pure Ave Maria Ave Maria Ceux qui doutent sont dans la nuit Maria Éclaire leur chemin Et prends-les par la main Ave Maria Ave Maria, Ave Maria Amen