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“On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu”, a écrit le général de Gaulle, alors capitaine, dans son livre Le fil de l’épée. Ces mots, applicables dans de nombreuses circonstances, prennent un sens tout particulier lors de la Seconde Guerre mondiale. Des milliers de femmes et d’hommes ont choisi de résister face à Hitler et au nazisme. Grands, ils l’ont été par leur volonté, leur conviction et leur dévouement.
Cette résistance n’a pas été le fait d’un milieu politique, d’une classe sociale, d’une religion ou d’une tranche d’âge. Elle a été le fait de personnes qui se sont retrouvées et reconnues autour d’une idée, la France, et d’une conviction, être libre. Cette conviction a été, pour certains, doublée d’une autre certitude : l’amour universel de Jésus-Christ.
Animé du désir de leur rendre hommage, Dominique Lormier, historien, écrivain et membre de l’Institut Jean Moulin, a publié en 2018 un livre intitulé Ces chrétiens qui ont résisté à Hitler (éd. Artège). À travers 27 portraits, des personnalités marquantes ou méconnues, l’auteur donne à (re)découvrir ces femmes et ces hommes qui, habités par leur foi et leurs convictions, se sont dressés contre la barbarie.
Aleteia : Pourquoi avoir choisi d’écrire ce livre ?
Dominique Lormier : J’ai choisi d’écrire ce livre pour démontrer l’incompatibilité du christianisme avec le nazisme, une thèse pourtant défendue par Michel Onfray dans son livre Décadence. Les fondements du christianisme reposent sur l’amour universel du prochain, ce qui est en totale opposition avec les fondements du nazisme, à savoir le racisme et l’antisémitisme. En mettant en avant sa lutte contre le communisme, Adolf Hitler a tenté de séduire de nombreux chrétiens et leur faire oublier les origines païennes, antichrétiennes et antisémites du nazisme.
Les personnages évoqués dans mon ouvrage, mais tous ceux que je n’ai pu citer, démontrent, par leur engagement courageux, l’incompatibilité foncière du christianisme avec le nazisme. Au risque de me répéter, l’amour universel de Jésus-Christ représente l’antithèse de la haine antisémite et raciste du nazisme. Il suffit de lire les Évangiles :
“Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” (Mt, 25, 40).
Quelle place ont eu les chrétiens dans la résistance face à Hitler ?
La Résistance française compte dans ses rangs de très nombreux chrétiens, engagés dans les réseaux, les maquis, les forces français libres, l’armée d’Afrique… Le général de Gaulle est un fervent catholique, de même que les quatre futurs maréchaux de la victoire, Philippe Leclerc de Hautecloque, Pierre Koenig, Jean de Lattre de Tassigny, Alphonse Juin. Des résistants de la première heure sont souvent des catholiques comme Gilbert Renault (le colonel Rémy), Edmond Michelet, Honoré d’Estienne d’Orves, de même que les premiers ralliés à la France libre (Jacques Savey, Pierre Messmer…).
Plus globalement, je dirais que l’ensemble des Français est resté relativement passif devant les lois anti-juives de Vichy durant les années 1940-1941, mais on a assisté à un revirement de l’opinion après les grandes rafles de l’été 1942. Dès lors, les Français non juifs ont aidé les juifs pourchassés ou menacés. Un grand nombre d’établissements religieux, couvents, écoles, pensionnats, orphelinats ont ouvert leurs portes aux proscrits.
On a reproché à l’Église et au pape Pie XII de ne pas se prononcer plus fermement sur la politique d’extermination d’Hitler… Qu’en pensez-vous ?
Il me semble nécessaire de rappeler un fait souvent oublié : l’encyclique Mit brennender Sorge (Avec une brûlante inquiétude) écrite dans le plus grand secret par Pie XI et son Secrétaire d’État Eugenio Pacelli (le futur pape Pie XII), avec l’aide de plusieurs évêques allemands. Ce document, qui paraît en mars 1937, est une charge contre le nazisme, désigné comme clairement incompatible avec la foi de l’Évangile. L’encyclique est publiée en allemand et imprimé à plusieurs milliers d’exemplaires distribués clandestinement dans les paroisses allemandes.
Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Église catholique a dû agir avec discrétion pour ne pas mettre en danger ceux de ses membres qui agissaient dans la Résistance ou en cachant des juifs. Coincé entre le marteau et l’enclume, le pape Pie XII a agi habilement. Plus généralement, du fait du rayonnement universel et international du christianisme dans le monde, on peut dire que les chrétiens ont eu une influence importante. Si elle n’a pas été nécessairement groupée, elle a été réellement effective.
Pourquoi avoir choisi de mettre en avant, dans votre ouvrage, ces 27 personnalités ?
Il y en a tellement ! J’ai essayé de mélanger des personnalités connues et peu connues afin de présenter une image complète des chrétiens qui ont résisté à la barbarie nazie. Toutes les personnes qui se trouvent dans ce livre ont su puiser à l’intérieur d’elles-mêmes, dans les fondements du christianisme, cette source divine, cette étincelle de l’âme, qui leur a donné la force d’entrer en résistance.
Certains témoignages vous ont-ils plus particulièrement touché ?
Ils m’ont tous marqué ! Pour ne citer que deux d’entre eux je dirais Théodose Morel, dit “Tom” Morel. Après une brillante carrière parmi les chasseurs alpins au sein du 27e bataillon de chasseur alpins (27e BCA), cet officier remarquable est rentré dans la Résistance française. Dès les premiers instants qui suivent la défaite française, Tom Morel est passé dans la clandestinité et a rejoint les groupes de résistances basés en Haute-Savoie. Il prend la tête d’un bataillon, adopte la devise “Vivre libre ou mourir” et participe à des opérations depuis le fameux maquis du plateau des Glières.
Il trouve la mort au cours d’une entrevue qu’il avait demandée à ses vaincus, des miliciens de Vichy, afin d’épargner une effusion inutile de sang français. Lors des pourparlers, un milicien sort une arme et tire sur lui. Il meurt à 28 ans, le 10 mars 1944. “Quand on a connu un homme comme Tom, il y a quelque chose de changé pour la vie”, a ainsi témoigné le père André Ravier, vétéran du maquis des Glières, ancien compagnon et biographe de Tom Morel.
Le parcours de mère Marie Skobtsov, née en 1891 dans l’Empire de Russie, et installée en France en 1923 est tout aussi saisissant. Cette religieuse orthodoxe s’est entièrement consacrée aux autres. Sa conviction : « Vaincre la démesure du mal par l’amour et le bien sans mesure ». Dès l’automne 1939 elle fonde un atelier de confection d’uniformes pour l’armée française, où travaillent des émigrés russes qui fournissent leur machine à coudre. C’est en chrétienne qu’elle entre dans la Résistance, dès l’occupation allemande de la France. Elle sauve de nombreux juifs de la déportation (elle sera par la suite reconnue Juste parmi les nations, NDLR). Elle sera finalement déportée en avril 1943 à Ravensbrück où elle mourra en mars 1945.
Pratique