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Frédéric Bourcier est photographe. Entre le 10 avril 2010 et le 20 décembre 2017, il tient un journal de bord intitulé Mon pote à cinq euros, au sein duquel il décrit ses rencontres avec Monsieur Bernard, un clochard qui sonne chez lui “régulièrement ou irrégulièrement”. Si Frédéric voyage beaucoup pour des raisons professionnelles, une relation se crée pourtant au fil du temps entre les deux hommes et un rituel s’installe. Monsieur Bernard sonne à la porte et essaie à l’occasion de vendre des objets à son hôte : calendrier, casse-noix, escargots en chocolat, boîte de pâtes de fruits… Celui-ci le prend en photo et lui glisse 5 euros dans la main.
Ils partagent parfois un café ou un Coca-Cola. Ils papotent de tout : du cours du pétrole, des fromages, de la météo. Selon les jours, Monsieur Bernard arrive fatigué, enjoué, avec sa tête des mauvais jours, nerveux ou “l’œil pétillant”. Les photos le montrent tantôt en blouson de cuir, tantôt en veste élégante. À l’occasion du festival de Cannes, il arrive même “habillé comme un milord”. Ses cheveux et sa barbe poussent au fur et à mesure des photos. La relation prend du temps.
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“Une manière de maintenir un lien avec ce monsieur solitaire et digne”
Quand il ne voit plus Monsieur Bernard, son ami s’inquiète et le temps lui semble long. Le vieil homme a une bonne mémoire. Quand Frédéric se casse la cheville, il est là, avec un bouquet de fausses fleurs chipées au cimetière voisin. Il explique qu’il vendait autrefois du lait au Havre. L’auteur est ému par son regard malicieux et par la main qu’il a “toujours aussi douce”. “Il est sale et il pue mais, c’est vrai, ses visites me font plaisir”, témoigne-t-il. Ils se dévoilent avec pudeur et une estime mutuelle semble naître. Monsieur Bernard livre des fragments de sa vie au détour de leurs échanges. Les versions peuvent varier d’une fois sur l’autre. Dit-il toujours la vérité ? Peu importe, puisque le lien est là et qu’il est essentiel.
Aujourd’hui, Monsieur Bernard est accueilli au foyer Notre Dame des Sans-Abris, à Lyon, ce qui explique des visites moins régulières. Son ami photographe reste néanmoins en contact avec les infirmières de ce centre d’hébergement. Et ce qui le lie à cet homme à la fois filou, fragile et digne, s’inscrit dans un autre temps, celui du mystère de la relation.