Il avait dit que ce qui lui plaisait, ce n’était pas un hommage national quand il serait mort, ce qui lui plaisait, c’était de connaître un hommage national de son vivant : des rires, des cœurs soulevés, des hommes, des femmes, des enfants qui se précipitent au pied de la scène, lorsque, debout et tranquille, il tire son mouchoir avec un doux sourire pour chanter l’éternelle chanson qu’éternellement les moins de 20 ans connaîtront !
Un hommage national
Sa famille non plus ne voulait pas d’un hommage national. Et pourtant, ce vendredi 5 octobre au matin verra se lever le drapeau français sur les Invalides pour un dernier adieu. Le président de la République doit prononcer, devant la famille et des invités officiels, un discours pour célébrer le poète.
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Pour la cérémonie et l’enterrement, beaucoup de discrétion. Marcel Amont, pour qui Charles Aznavour avait écrit Le Mexicain, a annoncé ce mercredi soir à La Dépêche : « L’enterrement de Charles aura lieu à Montfort-L’amaury samedi ». C’est dans cette ville des Yvelines que ses parents et son jeune fils Patrick, mort à 25 ans, reposent déjà. En 2009, il disait à Corse Matin son attachement à cette terre française qu’il a choisi comme dernier berceau : « Ma terre est française, j’ai fait construire un petit caveau dans un cloître du XIIe siècle de ma commune, Montfort-l’Amaury ». Sur France 2, il déclarait qu’il voudrait qu’on inscrivît sur sa tombe : « Ci-gît l’homme le plus vieux du cimetière ». Tout simplement. Une belle ode à la vieillesse dont il assumait joyeusement les tremblements et la sagesse.
Alors voilà, Aznavour est parti rejoindre le Ciel, lui qui, dans quelques élans immenses y aspirait : la chanson « Sur ma vie » par exemple, qu’il avait chantée à Bercy pour les 70 ans de Johnny Hallyday, témoigne de cette soif d’amour infini à laquelle seul Dieu peut répondre pleinement.
« Près des orgues qui chantaient, Face à Dieu qui priait, Heureux je t’attendais… Mais les orgues se sont tues. »
Près des orgues qui chantaient
— Gianfranco Ravasi (@CardRavasi) October 1, 2018
Face à Dieu qui priait
Heureux je t'attendais
Mais les orgues se sont tues
(#CharlesAznavour Sur ma vie)
Désormais, Aznavour chantera d’en haut, et parmi les chansons qui passeront certainement le filtre du purgatoire, ce cri du cœur extraordinaire qui se détache de tous les autres : l’Ave Maria. Un texte qui résonne harmonieusement avec son engagement auprès des persécutés, arméniens, juifs, chrétiens et de toutes les autres formes que peut revêtir de persécution ; un chant qui est un cri vers le Ciel. Quand il chantait cet Ave Maria, sa voix semblait venir d’au-delà de lui-même et, comme s’il voulait laisser parler tous les hommes, il fermait les yeux.
En 1994, Aznavour fait entrer sur la grande scène du Palais des Congrès, et sous un tonnerre d’applaudissement, les jeunes Petits Chanteurs à la Croix de Bois, une voix d’enfant parmi les autres :
https://youtu.be/zdukSxqt0eM
https://twitter.com/abbeamar/status/1046810226823979009?s=19
En 2001, odyssée arménienne : les mains tremblantes, très humble, soutenu par un chœur de femmes, il chante l’Ave Maria, devant le pape Jean Paul II, en Arménie, sur cette colline qui surplombe l’Erevan. Deux voix fortes qui cherchent, par cette journée ensoleillée du 26 septembre, à honorer la mémoire des Arméniens morts pendant le génocide (1915-1917). Charles Aznavour a chanté avec une application sans égale, les deux hommes ont prié, se sont serré la main avec ferveur ; aujourd’hui, les Arméniens ont déclaré une journée de deuil national.
Il y reviendra en 2006 pour chanter à nouveau cette émouvante prière, près de la flamme, au pied du cénotaphe.
https://youtu.be/MFCvafQwFMg
À Bercy, en novembre 2017, dans une lumière bleue éclatante, il avait enflammé le cœur de 20 000 spectateurs.
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Quand Charles Aznavour invoque la Vierge à Bercy devant 20 000 spectateurs
"Ave Maria" et grande croix à Bercy #Aznavourpic.twitter.com/bDiLUTxvIY
— Bertrand Dicale (@BertrandDicale) December 13, 2017
« L’Église n’a pas besoin de critiques mais d’artistes », affirmait Bernanos ; dans quelque jours c’est Marie qui accueillera l’artiste dans ses bras maternels. À Dieu, Charles !
Ave Maria Ave Maria Ceux qui souffrent viennent à toi Toi qui as tant souffert Tu comprends leurs misères Et les partages Marie courage Ave Maria Ave Maria Ceux qui pleurent sont tes enfants Toi qui donnas le tien Pour laver les humains De leurs souillures Marie la pure Ave Maria Ave Maria Ceux qui doutent sont dans la nuit Maria Éclaire leur chemin Et prends-les par la main Ave Maria Ave Maria, Ave Maria Amen.