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La crémation favorable à l’environnement, vraiment ?

PERE LACHAISE

Badahos I Shutterstock

Philippe de Saint-Germain - publié le 29/10/18

Les Français font de plus en plus le choix de la crémation, malgré les objections de l’Église catholique mais avec les encouragements à peine voilés des pouvoirs publics… arguments écologiques surprenants à l’appui.

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Selon une enquête Ipsos pour la Fondation des Services funéraires de la Ville de Paris, environ 60% des Français optent pour la crémation plutôt que pour l’inhumation. Une demande qui ne cesse de croître. En 1979, l’incinération représentait 1% des obsèques, en 2010, le nombre de crémations bondit à 30% et un Français sur deux souhaitait être incinéré (Ifop-Pompes funèbres). Ils sont désormais largement majoritaires.

Brûler le corps d’une personne défunte est autorisé en France depuis 1889. L’habitude s’est répandue depuis la levée de l’interdit de l’Église catholique en 1963, même si l’Église n’encourage aucunement cette pratique. Les zones où la pratique religieuse demeure plus forte restent attachées à l’inhumation [1]. Dans un rapport de 2009, le Credoc, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie confirmait que le choix de la crémation était « beaucoup plus fréquent chez les non-croyants et les non-pratiquants ».

Répondre à la demande

Les collectivités suivent le mouvement. Ne faut-il pas répondre à la demande ? En 2012, le directeur général des Services funéraires de la Ville de Paris, François Michaud-Nérard, auteur d’Une révolution rituelle, accompagner la crémation (Éd. de l’Atelier) expliquait à l’agence Sipa que les Français ne veulent pas « peser » sur l’avenir de ceux qui restent. « L’idée se répand, expliquait-il, qu’au-delà de ma mort je ne serai pas une charge. Après les visites à l’hôpital, plus question d’infliger à ma famille des visites au cimetière pour aller fleurir ma tombe. »


Woman mourning by the coffin
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Le Credoc relevait pour sa part « une recherche de sens dans le choix des produits, par exemple le respect de l’environnement ». D’après l’enquête Ipsos-Ville de Paris, 40% des Français choisissant la crémation le font avec l’environnement pour principal critère de choix. Pourtant, l’impact écologique de la crémation est suspect. Les polluants rejetés dans l’atmosphère par les crématoriums ne sont pas neutres : dioxyne, monoxyde de carbone, oxydes de soufre, oxydes d’azote, composés organiques volatiles, acide chlorydrique, acide sulfurique… L’Association française d’information funéraire (AFIF) précise que l’empreinte écologique de l’incinération s’élève à 160 kg d’émission de gaz à effet de serre, contre 39 kg pour une inhumation. Mais après cinquante ans, le rapport s’inverserait : une tombe de pleine terre émettrait 10% de CO2 de plus que la crémation.

L’argument écologique

Il est raisonnable de se demander si les autorités publiques ne vont donc pas encourager le recours à la crémation, sans égard pour les recommandations de l’Église catholique, en s’appuyant à la fois sur l’évolution de l’opinion et la pression de l’argument « écologique ».

Alors que la moitié des crématoriums ne respecterait toujours pas les normes environnementales [2],  le directeur des services funéraires de la Ville de Paris avance que « le coût d’installation de filtres, après une trentaine d’années d’exploitation, revient à seulement 2 euros supplémentaires par crémation ». Pourquoi donc attendre ? Interrogé par le Parisien, François Michaud-Nérard précisait non sans cynisme qu’on pourrait même recycler l’énergie produite au lieu de la laisser se perdre : « Le plus grand crématorium danois permet de chauffer deux écoles, tandis qu’à Paris, celui du Père-Lachaise récupère l’énergie pour chauffer les salles du crématorium. »



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Des chiffres opportunément mis en avant ? Pour convaincre les hésitants, rien ne vaut quelques chiffres bien placés. Il y a un an, la Ville de Paris a demandé une Étude environnementale comparative du rite de la crémation et de l’inhumation en Ile-de-France à l’association Durapôle, qui se présente comme « l’unique “cluster de startups greentech” » d’Île-de-France. Que nous apprend cette étude, réalisée en octobre 2017 ? Une inhumation équivaut à 3,6 crémations en termes d’émission de CO2 équivalent. Autrement dit, l’empreinte carbone de l’inhumation est lourde, et il serait préférable d’enterrer les enterrements, au moins en Île-de-France. Les chercheurs de Durapôle ont réussi à chiffrer leurs projections avec des comparaisons irrésistibles : une inhumation équivaut en moyenne à 11% des émissions en carbone d’un Français moyen sur un an (crémation = 3%). Mieux, nous savons désormais qu’une inhumation pèse en empreinte carbone 4.023 km en voiture intermédiaire transportant une personne. Pour une crémation, cela ne représente que 1.124 km ! Si vous accompagnez votre grand-mère pour son dernier voyage en cercueil, c’est comme si celle-ci consommait 260.209 km en train ! Mais si vous passez par la case crématorium, son voyage ne coûtera que 72.677 km en empreinte carbone.

Taxer les enterrements ?

Nous savons donc grâce à la Ville de Paris que les cimetières polluent, et que les enterrements vont finir par tous nous asphyxier. Aujourd’hui, contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, la crémation est plus coûteuse que l’inhumation. En 2017, le prix moyen d’une inhumation en France est de 3.350 € contre 3.609 € pour une crémation (source UFC que choisir). Cela restera-t-il vrai longtemps ? Dans le but de sauver la planète, peut-être verra-t-on les collectivités locales étudier l’opportunité de taxer les enterrements…


[1] Étude réalisée du 30/08 au 07/09 sur 1000 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Échantillon interrogé par Internet via le panel d’Ipsos.

[2] L’État a publié un arrêté en février 2010 fixant « les quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés à l’atmosphère ».

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