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Le burn out serait-il la maladie du XXIe siècle ? Quand l’Agence nationale de santé publique estime qu’il y a quelque 30.000 victimes avérées d’épuisement professionnel en France, le cabinet Technologia évalue à près de 3,2 millions les Français qui seraient en risque élevé de burn-out. Ce mot anglais popularisé dans les années 1970 désigne un état de fatigue émotionnelle, mentale et physique causé par un épuisement professionnel. Depuis deux ans, la maison “Au temps pour toi” propose à des personnes traversant ce type de crise un lieu pour se reposer et prendre du recul.
Jean-Baptiste van den Hove, 35 ans, est à l’origine du projet. Cet ancien cadre en télécommunications qui a grandi à Bruxelles en a lui-même fait l’expérience il y a quatre ans. Alors qu’il grimpe à toute vitesse l’échelle hiérarchique de son entreprise, il traverse une crise forte. “En deux mois, je suis passé d’un jeune cadre dynamique à une espèce de zombie”, explique-t-il à Aleteia. Alors qu’on lui diagnostique un burn out, du fond de sa douleur et de son isolement, cet ancien scout qui a également fait un passage dans l’armée ressent le besoin de faire des choses concrètes et de sortir de chez lui. “Tout ce qui était extérieur pouvait me faire du bien. Dans des moments comme ceux-là, vous avez besoin d’être soutenu socialement”, souligne-t-il. Il part donc pendant quatorze mois à Saint-Jean Espérance, un lieu où vivent des personnes touchées par des addictions (essentiellement la toxicomanie). “Cela a été l’une des expériences les plus décapantes de ma vie, raconte-t-il. Ces jeunes étaient tout ce que je n’étais pas, et inversement. En déconstruisant ce qui était mal construit chez moi, ils m’ont permis de me révéler à moi-même”.
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Le jeune trentenaire sent alors “un appel à vivre quelque chose de plus doux et de plus centré sur la relation” et part faire ses classes à L’Arche de Cognac pendant dix mois. Une étape supplémentaire dans son chemin de reconstruction. Peu à peu, il devient convaincu qu’il faut répondre au besoin des personnes en situation de burn out en créant une structure d’accueil spéciale. Il s’entoure de deux amis : le projet mûrit, s’enrichit au contact de diverses personnes qui le soutiennent, comme Jean Vanier, le père Nicolas Buttet, le père Guy Gilbert, Christophe André… En mars 2017, la maison, située à une vingtaine de kilomètres de Limoges (Haute-Vienne) accueille son premier résident.
La vie communautaire : un choix central
Celle-ci peut accueillir jusqu’à quatre résidents en même temps. Leurs itinéraires sont variés. Ici, la jeune institutrice anarchiste côtoie le curé de paroisse ou la fonctionnaire parisienne. Le projet est très simple. Il s’agit de “permettre à des gens de terreaux différents de se reconstruire sur cette fragilité commune”, explique celui qui s’est appuyé sur l’enseignement de Jean Vanier. Pendant la journée, les résidents s’occupent des moutons et des poules, assistent à un agnelage, se promènent dans la nature environnante, préparent les repas… entourés par quelques animateurs.
“C’est l’isolement qui guette le plus ces personne”, poursuit Jean-Baptiste van den Hove. Les fondateurs ont fait le choix de s’appuyer sur la vie communautaire, centrale dans le processus de reconstruction. “Ce sont de toutes petites choses qui créent la communauté et un espace où la confiance s’installe”, insiste-t-il. “Ces personnes ont déjà tout vu, tout lu, tout écrit. Elles ont été abreuvées de formations sur la gestion du stress et la méditation, sans que cela n’ait eu de prise sur elles. Elles savent, mais la mise en application est difficile, poursuit-il. Le burn out, c’est le mécanisme de rupture d’un système de défense. On peut prendre l’image d’une charpente qui s’effondre en hiver, écrasée en raison de la pression extérieure causée par la neige. La personne est dans un état d’hébétude. Elle n’avait pas vu cela arriver. Quand les gens viennent, ils sont dans une phase critique où il faut qu’ils se récupèrent. Cette crise les force à entreprendre un chemin de remise en question très profond que peu de gens font au milieu de leur vie quand ils vont bien. Cela les contraint à se refonder”. L’équipe travaille également avec des professionnels de la thérapie qui peuvent proposer un accompagnement plus spécifique.
“C’est comme la spéléo, cela nécessite du temps”
Pour une personne en burn out, il est primordial de changer d’air. “L’environnement pénalise, même s’il est bienveillant”, souligne le fondateur. Il évoque ce père de famille qui ne supportait plus de pleurer tous les matins devant ses enfants. “Il est très fréquent que les gens disent que même le regard de leur épouse est difficile à supporter. Car même si une épouse encourage, son regard est une invitation angoissée à se reconstruire”, explique-t-il. “La boulangère qui me voyait comme un winner me voit aujourd’hui mal rasé. Tout cela m’enfonce plus que cela ne m’aide. Il est fondamental de s’extraire de cet environnement afin de se permettre d’aller questionner des choses profondes. Nous avons des gens qui arrivent avec un orgueil à genoux. Il faut qu’ils puissent se permettre de retrouver une vie adolescente, d’oublier leur condition et leur rôle social, à l’abri de tout regard. C’est comme la spéléo, cela nécessite du temps”.
Les résidents s’engagent à rester au moins un mois. En moyenne, ils restent deux mois et demi. À ce jour, la maison a accueilli vingt-trois personnes. “Le burn out dans un environnement bienveillant, c’est une expérience de refondation formidable. Elle ne laisse pas indemne. C’est souvent sur le très long terme que l’on voit les résultats. Aujourd’hui, “Au temps pour toi”, qui vit essentiellement grâce à des dons, reçoit une dizaine de demandes par semaine et envisage d’ouvrir une seconde maison.
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