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Parents, sachez que vous êtes les heureux procréateurs de ceux que l’on appelle les digital natives (“natifs du numérique”). Vos enfants sont en quelque sorte des “Obélix du numérique” : ils sont tombés dedans quand ils étaient petits et sont très forts et très à l’aise dans tout ce qui touche aux nouvelles technologies. Et ce n’est pas une armée d’adultes ignorants en la matière qui va les arrêter. Marc Prensky, chercheur américain spécialiste des questions d’éducation à l’heure du numérique, utilise pour la première fois le concept de digital natives en 2001, pour définir les individus nés dans l’ère numérique, qui considèrent la technologie comme partie intégrante et nécessaire de leur vie. On les distingue des digital immigrants (“migrants du numérique”), nés avant 1980, et qui ont, bon gré mal gré, migré vers le numérique.
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Cependant, malgré l’aisance et la fascination (pour ne pas dire addiction) des digital natives pour le monde virtuel, il est urgent, selon Stéphane Blocquaux, docteur en sciences de l’information et de la communication, de les accompagner et de les éduquer à Internet. Et pour cela, il y a une vraie nécessité, de la part des parents, à s’interroger et s’informer sur l’usage que leurs enfants font des réseaux sociaux, d’Internet et des jeux vidéo. Selon une étude menée en 2017 par l’association Ennocence, “moins d’un parent sur deux sait ce que fait son enfant sur Internet”. Alors oui, c’est une charge supplémentaire dans le métier de parents, que n’avait pas la génération précédente, qui demande du temps, mais que l’on ne peut ignorer si l’on tient un tant soit peu au bon développement de ses enfants. “Le numérique est tombé sur la parentalité à une rapidité fulgurante”, constate Stéphane Blocquaux. “En quelques années seulement, la parentalité s’est faite surprendre et a un métro de retard dans la gestion des outils numériques à la maison. Parents, il y a urgence à aller à la rencontre du monde virtuel dans lequel évoluent vos enfants”, exhorte-t-il, avant de plaider pour une véritable éducation au virtuel.
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Le virtuel n’est pas fictif
Maîtriser les outils et réseaux numériques permet de mieux appréhender la réalité qui se trame via Internet. Car même si la distance instaure un climat qui pourrait s’apparenter à la fiction, il s’agit bel et bien d’une réalité. En témoignent les multiples conséquences, bien réelles et parfois désastreuses, qui se répercutent dans la vraie vie des internautes. “L’erreur la plus grossière”, souligne Ludovic Frère dans son livre Déconnexion Reconnexion (Artège), “serait de considérer le temps passé en connexion comme du temps en dehors de l’existence réelle. La distinction entre réel et virtuel n’est donc pas pertinente. Beaucoup préfèrent parler aujourd’hui d’une distinction entre le temps en ligne (online) et le temps hors ligne (offline), pour bien signifier que le temps passé sur écran n’est pas l’absence de vie.” Le document préparatoire au synode des jeunes de 2018 précise en ce sens que “ce qu’on appelle communément le monde virtuel comporte aussi des effets bien réels”, les plus dramatiques étant les jeunes poussés au suicide dans des cas de cyberharcèlement.
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Maîtriser pour mieux contrôler
Connaître les failles et les dangers d’Internet, c’est savoir qu’une fenêtre pop up à caractère pornographique peut apparaître instantanément à l’écran, notamment si l’adolescent visite des sites de streaming et de téléchargements illégaux, et ce malgré tous les logiciels de contrôle parental possibles. C’est avoir conscience qu’en moyenne, les jeunes sont exposés pour la première fois à des contenus malveillants à l’âge de 10 ans, selon Ennocence. C’est être au courant que malgré la “promesse” de Snapchat d’effacer les photos au bout de dix secondes, l’application — quasiment incontournable chez tout jeune adolescent qui se respecte — est le premier fournisseur de photos détournées à caractère sexuel. Et n’oublions pas que quiconque reçoit un “snap” est en mesure de faire une capture d’écran : le “nude” (photo d’une partie du corps dénudée) n’aura donc plus rien d’éphémère. C’est également réaliser que n’importe quel compte Facebook ou Insta peut être piraté en moins de dix secondes par un hacker malintentionné, capable ainsi de modifier les paramètres de confidentialité, révélant au monde entier, et notamment aux futurs employeurs de vos enfants, leur vie privée. Combien de jeunes gens se sont déjà vus fermer des portes à cause de photos compromettantes qui erraient sur la toile ?
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Vers une éducation au monde virtuel
Éduquer à Internet ne signifie pas tout interdire, ni résilier dès maintenant votre abonnement, mais prévenir, accompagner et contrôler.
Prévenir. Connaître le fonctionnement d’Internet et des réseaux sociaux comme Facebook, Snapchat ou Tik Tok, donne au parent la possibilité d’intervenir en amont dans l’usage que l’enfant fait du numérique. Sans compter qu’il gagne en crédibilité ! Serge Tisseron, psychiatre membre de l’Académie des technologies, a défini par “extimité” le désir de rendre visibles certains aspects de soi jusque-là considérés comme relevant de l’intimité. L’extimité est particulièrement forte chez les jeunes filles, et exacerbée par les moyens que fournissent les réseaux sociaux pour partager l’intimité de leur corps. Il est donc indispensable d’informer chaque enfant que sa vie, ses photos et ses vidéos privées ne sont pas protégées sur Internet. Les mots de passe sont faillibles, les paramètres piratables, les contenus à caractère sexuel recherchés. Bref, rien n’est jamais protégé indéfiniment sur Internet !
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Accompagner. Ne serait-ce que pour les recherches scolaires ! Comment limiter et contrôler l’accès à Internet alors que l’école elle-même pousse l’élève à se connecter ? Stéphane Blocquaux est très clair sur le sujet : “C’est l’implication parentale qui est le meilleur filtre pour effectuer la médiation de l’information”. Le parent doit être présent, aux côtés de l’enfant, lorsqu’il fait ses recherches. Une fois les pages trouvées, une solution est de les imprimer, ou de faire des captures d’écran copiées sur Word, afin de travailler ensuite hors connexion.
Contrôler. Stéphane Blocquaux invite à établir un “contrat parental numérique”. Cela passe par une certaine vigilance, notamment au niveau des horaires et des durées de connexion, et par une analyse précise du comportement numérique de son enfant : combien de temps passe-t-il devant Internet ? Son comportement change-t-il lorsqu’il est privé de connexion ? Éprouve-t-il un sentiment de vide, de dépression, d’irritabilité ? Selon l’étude Statista 2017, les enfants âgés de 7 à 12 ans passent en moyenne plus de six heures par semaine sur Internet. Les adolescents de 13 à 19 ans sont connectés plus de 15 heures par semaine. Le contrôle de l’activité numérique est possible via des logiciels tels que LogMeIn qui informent les parents, en direct, des sites visités et du temps passé sur Internet par leurs enfants, et qui permettent également de prendre la main à distance sur l’écran.
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“En quoi cela va-t-il favoriser le développement humain de mon enfant ?”
Quel parent n’a pas été berné par l’argument : “Je suis le seul à ne pas avoir de portable !” ou “Tout le monde est sur Facebook sauf moi !” ? Stéphane Blocquaux invite à se poser la question : “En quoi cela va-t-il aider le développement humain de mon enfant ?” Il est parfois nécessaire de savoir dire non, et de répondre : “Eh bien oui, tu ne seras pas comme tout le monde”. Et si bon nombre de parents font acte de résistance, l’imparable argument n’en sera plus un ! Il s’agit aussi bien d’une responsabilité individuelle vis-à-vis de son propre enfant, que d’une responsabilité collective vis-à-vis des autres enfants, car photos et vidéos inappropriées proviennent bien souvent “des copains”.