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Première résolution : « Rien qu’aujourd’hui, j’essaierai de vivre exclusivement la journée sans tenter de résoudre le problème de toute ma vie. »
« Le problème de toute ma vie »
Quel est-il, ce problème de toute ma vie ? Je suis baptisé, et à ce titre je suis prêtre, prophète et roi. Cela me confère plus de devoirs que de droits. Prêtre : pour chacun de mes frères, je dois être un médiateur entre lui et Dieu. Prophète : ma parole doit s’inspirer de Dieu. Roi : c’est plus complexe, ça ne tient pas en une sentence lapidaire. Comme roi, je suis au service de l’autre, pour le guider. Je suis aussi une personne sacrée.
Enfin, le sacrifice qui peut m’être demandé par Dieu est la conséquence de mon sacre, de même que le règne des rois archaïques se terminait dans leur sacrifice1. Ma vocation devrait donc être rien moins que la sainteté. Et le problème, c’est que, objectivement, je ne suis pas un saint. J’ai beau dire au bon Dieu dans ma prière du matin que je veux devenir ce saint qu’il aimerait que je sois, la pierre qui fait trébucher, le « scandale » se trouve bien vite sur ma trajectoire. Ma prière du soir constate que ce jour qui s’achève n’a pas fait de moi un saint. Il y a chez saint Paul ce témoignage célèbre : « En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais. » (Rm 7, 15). Il semblerait que j’aie le même problème que lui !
Faut-il refuser l’obstacle ?
Et là, en nous conseillant de ne pas trop en faire, le saint pape Jean XXIII ne nous inciterait-il pas à ne pas résoudre ce problème ? Devons-nous refuser l’obstacle comme un cheval qui le trouverait trop haut et trop large ? Ce défaitisme et cette capitulation semblent impensables, indicibles. Ils sont tellement opposés au discours attendu d’un souverain pontife ! Parce qu’un pape, vicaire de Dieu sur la Terre, son travail de pasteur est de nous convertir, nous convaincre de renoncer au péché pour vivre dès cette vie terrestre dans la plus parfaitement possible communion avec Dieu, en attendant cette communion de l’au-delà dont nous ne savons rien. Et lui se dispenserait de se convertir lui-même définitivement et nous le ferait savoir ?
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Être lucide
La lucidité, c’est peut-être cela la clef. Le problème de toute une vie se peut-il résoudre en une seule journée, celle d’aujourd’hui ? Est-ce qu’une journée pourrait être suffisante pour faire de moi un saint ? Il y a eu certes, saint Dismas, le Bon Larron, qui s’est converti sur la croix, et nous savons de source sûre qu’il est sauvé, lui ! Mais nous ne vivons pas la même expérience, nous ne sommes pas crucifiés à côté du Messie, de l’innocent dont le sacrifice librement consenti nous rachète, prends le poids de nos fautes. Il y a sans doute eu d’autres hommes qui se sont convertis juste avant de rejoindre le Père, parce que des circonstances exceptionnelles l’ont permis. Sans doute cahotons-nous sur ce chemin de sainteté, alternant péché et rédemption. C’est juste lucide de reconnaître que nous n’y parvenons pas, qu’il ne suffit pas de décider de devenir saint pour l’être.
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Finalement, dans ce conseil du pape Jean XXIII, est-ce que le mot important n’est pas cet « exclusivement » qui se rapporte à une et une seule journée ? C’est dans notre rapport au temps que nous sommes interpellés. Nos boulimies nous conduisent à tout anticiper, tout prévoir, tout organiser, tout planifier. Est-ce ainsi que je deviendrais saint ? Est-ce que le Christ ne nous dit pas le contraire lorsqu’il justifie l’insouciance des oiseaux dont nous devrions nous inspirer2 ? Si nous sommes les esclaves du temps, parce que nous nous réduisons volontairement à cette servitude, sommes-nous assez libres pour répondre à l’appel du Christ qui ne nous impose jamais son salut, mais veut que nous l’acceptions de nous-mêmes ?
« Modère mes ambitions »
La modération de ne considérer que ce jour et non pas les suivants alors prend un autre sens. Si je deviens saint aujourd’hui, il y aura de la joie sur la terre et dans les cieux. N’abandonnons pas cette opportunité de joie contre celle, plus hypothétique, d’une sainteté qui durerait jusqu’à la fin de notre vie sur cette terre. Prenons René Descartes au mot et appliquons le second précepte de la deuxième partie du discours de la méthode3. Puisque devenir saint définitivement n’est pas conforme à notre nature de pécheur, divisons le temps en journées, et soyons-le aujourd’hui.
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Mon Dieu, modère mes ambitions, ramène-moi au niveau de la glaise dont tu as façonné mon père Adam.
[1] René Girard, La Violence et le Sacré.
[2] « Levez les yeux et regardez les oiseaux des cieux / ils ne sèment pas ils ne moissonnent pas / ils n’amassent pas dans les greniers / et votre père / celui qui est dans les cieux / il les nourrit / est-ce que vous / vous ne valez pas beaucoup plus qu’eux ? » (Mt 6, 26, traduction Cl. Tresmontant.)
[3] « Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre. »