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Comment hiérarchiser l’emploi de son argent ? À titre illustratif, la logique de cette hiérarchisation peut se résumer de la façon suivante : le minimum nécessaire pour vivre au minimum décent ; le don de la dîme (pour l’Église et ses œuvres d’une part, et d’autre part les pauvres, éventuellement la médecine, les prisonniers, etc.) ; ensuite un niveau de dépense utile et cohérent avec notre rôle dans la société (en y incluant l’épargne de précaution et la constitution d’un patrimoine familial), ainsi que l’investissement créatif et la “munificence” (dons additionnels et investissements — y compris pour l’emploi, ou les arts et lettres).
Recevoir et donner selon sa vocation
Naturellement il ne saurait s’agir d’un empilement mécanique successif : il s’agit au cas par cas de situer dans cette échelle la dépense concernée, selon son montant et sa nature, comparée avec nos ressources. Le niveau le plus délicat à déterminer est celui du niveau approprié de dépense, dépendant de notre position, notamment dans une société comme la nôtre. Il est évident qu’aucune recette ne peut être donnée. L’essentiel est de se dire d’abord qu’aucune dépense même matériellement possible n’est justifiée par nature, sauf besoin inéluctable. Ensuite qu’elles ne sont justifiées que si elles sont sources d’un bien manifeste, c’est-à-dire qu’elles sont bonnes et/ou nécessaires pour parvenir à un bien, ou maintenir une situation qui peut être source de biens supérieurs. Il va de soi d’emblée que cela ne justifie pas une vie somptuaire. Mais cela autorise pour l’homme vraiment opulent un niveau de dépense sensiblement supérieur, afin de jouer dans l’économie un rôle cohérent avec son rang, par exemple en encourageant les arts ou les techniques nouvelles. Car c’est pour cela qu’il a reçu plus : pour donner plus, donc aussi pour dépenser plus. Mais au-delà des besoins indispensables, ou plus exactement, au fur et à mesure que, pour un revenu et une position sociale donnés, on augmente la dépense, l’exigence d’intérêt collectif doit croître.
Tout ceci dépend et de notre vocation propre, et en conséquence de notre degré d’avancement spirituel. Plus on progresse dans la voie de Dieu, plus on voit son propre rapport aux richesses évoluer. Pas toujours dans le sens de l’abandon total (en témoignent par exemple les monarques qui ont été canonisés, comme saint Louis ou saint Henri). Mais sûrement dans leur orientation vers les autres, et leur signification.
Le choix des bénéficiaires
À qui donner ? Cela dépend là aussi de notre vocation propre et de l’appel que Dieu nous adresse. Cet appel est d’ailleurs évolutif puisque plus on progresse dans la voie de Dieu, plus on voit son propre rapport aux richesses évoluer… Cela dit, une portion appréciable de nos dons doit aller à l’Église, qui en France n’est pas riche. Nos paroisses, nos communautés religieuses vivent de don. Elles ne reçoivent rien du système étatique. L’Église catholique parle de 1 à 2 % du revenu de chacun. Là encore, c’est un bon point de départ ; mais on peut faire bien mieux. Au-delà, c’est notre responsabilité — si nous savons rester à l’écoute de ce qui nous est demandé par Dieu. Et de même pour le choix des œuvres, même si privilégier les œuvres chrétiennes ou de son Église paraisse aussi une priorité naturelle : c’est un moyen de contribuer à signifier la Bonne Nouvelle.
Le cas des très riches
Que dire des plus riches ? Leur responsabilité est évidemment énorme, au point que la richesse peut être spirituellement une calamité, en tout cas une responsabilité aux risques majeurs : les traits de la facilité peuvent s’y combiner avec ceux de la puissance pour les exposer de façon quasi-irrésistible à la complaisance en eux-mêmes. L’Évangile est très clair là dessus. Mais cependant il y a des fortunes, donc des gens qui les possèdent, et c’est voulu par Dieu. Bien compris, c’est-à-dire comme une responsabilité collective confiée à quelqu’un, lourde mais passionnante, ce peut et doit être positif. En fait aucun des progrès qu’a pu effectuer l’humanité dans les sciences, les techniques ou la culture, n’aurait été possible sans de riches personnes qui en ont assumé les risques ; il en est d’ailleurs de même de la vie de l’Église elle-même. Donc celui qui est dans cette situation, sauf vocation personnelle à la pauvreté notamment dans le cadre monacal, doit en assumer consciemment et résolument les conséquences. Ce qui veut dire vivre au milieu des richesses sans en être le prisonnier, accepter de les perdre ou de les donner le cas échéant, et ordonner au mieux ces moyens dans le sens qui apparaît le plus conforme au Bien commun, c’est-à-dire donner, dépenser pour le Bien, et investir – autrement dit entreprendre. Mais malheur à lui si ses richesses le dominent…