Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
L’art est depuis toujours une voie d’accès à Dieu, un chemin vers la beauté. L’Écriture Sainte célèbre la beauté dès l’origine. Devant la création artistique, l’homme peut s’ouvrir à quelque chose qui le dépasse, à quelque chose qui est au-dessus de lui. Il existe une conception chrétienne de l’art comme chemin de vérité qui renvoie à la beauté, qui révèle la beauté. C’est le sens de l’art chrétien. La beauté est promesse et splendeur de la vérité et de la bonté, c’est-à-dire de Dieu. Dieu est beau et bon. Le Christ est « le plus beau des enfants des hommes » (Ps 44, 3) et le « beau pasteur » (Jn 10, 11) venu rendre à l’homme sa beauté première.
Une voie vers le transcendant
La philosophe française Simone Weil, écrivait : « Dans tout ce qui suscite en nous le sentiment pur et authentique de la beauté, il y a réellement la présence de Dieu. Il y a presque une incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est le signe. » Et Benoît XVI, qui cite ce passage de Simone Weil, écrit : « La beauté – de celle qui se manifeste dans l’univers et dans la nature à celle qui s’exprime à travers les créations artistiques – peut devenir une voie vers le transcendant, vers le mystère ultime, vers Dieu, précisément en raison de sa capacité essentielle à ouvrir et élargir les horizons de la conscience humaine, à la renvoyer au-delà d’elle-même, à se pencher sur l’abîme de l’infini. »
Lire aussi :
La beauté, chemin de paix ?
« La beauté authentique ouvre le cœur humain à la nostalgie, au désir profond de connaître, d’aimer, d’aller vers l’autre, vers ce qui est au-delà de soi. Si nous laissons la beauté nous toucher profondément, nous blesser, nous ouvrir les yeux, nous redécouvrons la joie de la vision, la capacité de saisir le sens profond de notre existence, le mystère qui nous enveloppe et auquel nous pouvons puiser la plénitude, le bonheur et la passion de l’engagement quotidien », affirme encore le pape Jean Paul II dans son discours aux artistes en 1999.
Le monde d’aujourd’hui n’est pas indifférent à l’art, bien au contraire
Le monde d’aujourd’hui est marqué et traversé par une sorte d’hyper-sensibilité, en tout cas d’hyper-sollicitation visuelle. Parmi toutes ces images, dont certaines peuvent pervertir le regard, l’art est capable detoucheret de rejoindre l’homme moderne qui cherche Dieu sans le savoir, et qui doit apprendre à regarder, car « le regard que je pose sur l’autre décide de mon humanité » (Benoît XVI).
L’art, sous toutes ses formes, envahit les sociétés contemporaines, à tel point qu’il est parfois devenu un produit de consommation. Les hommes et les femmes de notre temps sont ainsi plus susceptibles de s’ouvrir à la rencontre avec Dieu par cette voie d’accès, ce chemin qu’est la beauté. Cela rejoint les interrogations sur la question du regard. On voit beaucoup de choses, dans une sorte de boulimie d’images, mais on ne sait plus regarder. Cela vaut aussi dans l’éducation : on voit les jeunes mais on ne les regarde pas : les regarder, cela relève de la conversion.
Lire aussi :
L’art, une “voie royale” pour conduire l’homme à Dieu
Si l’on apprend à regarder on voit Dieu
C’est le merveilleux titre du livre du père Marie-Eugène de l’Enfant-JésusJe veux voir Dieu. Oui, notre Dieu a cela d’extraordinaire qu’il se donne à voir, à toucher même, qu’il permet donc une expérience sensible de la foi.
Pendant très longtemps, les théologiens prônaient la beauté comme une expérience « dernière » : la beauté venait après la bonté et la vérité. C’est ce que dit saint Augustin, pour ne citer qu’un seul des géants de la pensée chrétienne. Mais l’on peut aussi considérer la beauté comme première, comme voie d’accès à la bonté et à la vérité. C’est ce qu’Hans Urs Von Balthasar défend. La beauté est une promesse, la gloire de Dieu manifestée, une propédeutique. La vraie beauté n’est qu’une promesse, qui, bien que belle pour elle-même, ne l’est véritablement que pour ce qu’elle promet. L’annonce du kérygme n’est pas exprimée verbalement. Elle se donne à voir, à toucher. Elle montre le Verbe.
« La beauté sauvera le monde »
Les derniers papes se sont adressés aux artistes dans cet esprit, en rejoignant la pensée d’Hans Urs Von Balthasar qui considérait que la beauté était une promesse qui ouvre à la bonté et à la vérité. On cite souvent la phrase de Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde. » Elle est extraite du roman l’Idiot (1868) dans lequel Hippolyte Terentiev, un jeune homme, s’adresse au prince Mychkine le héros du roman : « Est-ce vrai Prince, vous avez dit un jour que la beauté sauvera le monde. Messieurs, s’adressant à tous avec vigueur, le prince affirme que le monde sera sauvé par la beauté, mais quelle beauté sauvera le monde ? » Et le prince ne répond pas. La réponse chrétienne est qu’il y a plusieurs beautés sensibles, esthétiques, mais qu’elles ne reflètent qu’une seule beauté qui est Dieu. La première beauté esthétique touche de manière sensible, c’est-à-dire par les sens, la vue et l’ouïe notamment. Mais elle ne peut se suffire à elle-même. Une beauté qui n’a d’autre ambition que de nous donner du plaisir s’évanouira avec l’émotion qu’elle produit. Mais l’expérience sensible du beau, celle que prônait Socrate, permet d’accéder à une seconde beauté, métaphysique et éthique, celle de Platon, où le beau est identifié au vrai et au bien.
Lire aussi :
L’éducation par l’art : savoir regarder, le début pour apprécier le bel amour ?
Il faut rechercher cette beauté
Il faut rechercher, poursuivre cette beauté qui doit être ordonnée à la Beauté pour être vraiment belle. Sans cela, la beauté, qui apparaît d’ailleurs ambivalente dans les Écritures, peut pervertir : « Au lieu de faire sortir les hommes d’eux-mêmes pour les ouvrir à des horizons de véritable liberté, en les attirant vers le haut, elle les emprisonne en eux-mêmes et les rend encore plus esclaves, privés d’espérance et de joie. Il s’agit d’une beauté séduisante mais hypocrite, qui éveille le désir, la volonté de puissance, de possession et de domination, et qui se transforme bien vite en son contraire, prenant le visage de l’obscénité, de la transgression ou de la provocation gratuite » (Benoît XVI).
Le dialogue entre les artistes et l’Église
Pour donner force, puissance et sens à son œuvre, l’artiste a besoin d’aller puiser à la source et de s’appuyer sur les pasteurs. L’art chrétien serait-il mort ? Non ! On associe l’art chrétien à l’art figuratif : le lien entre art et incarnation explique un tel rapprochement. Notre Dieu, en se faisant homme, s’est donné à voir, donc à représenter. Mais l’art chrétien peut malgré tout, et l’histoire l’a prouvé, emprunter les chemins de l’abstraction. Il existe aujourd’hui de grands artistes chrétiens, des artistes courageux. Mais il y a aussi urgence que se noue, se re-noue, un vrai dialogue entre les artistes et l’Église car l’art chrétien ne peut s’envisager isolé de la communauté qui porte la foi.
Lire aussi :
Et si le mystère du sacré se cachait dans les plis ?
L’Église doit redevenir inspiratrice de création
Pendant des siècles, l’art chrétien fut le fruit d’un fécond dialogue entre les artistes et les clercs, les prêtres et les théologiens. L’Église d’aujourd’hui n’est plus (ou alors exceptionnellement) mécène. Elle ne commande plus d’œuvres. Pourtant, il est essentiel, et Jean-Paul II y a invité à plusieurs reprises, que le dialogue entre magistère et art soit renoué. L’Église doit redevenir initiatrice et inspiratrice de création. Ce dialogue est nécessaire et il est fécond. Et cela peut être d’une extrême simplicité : faire découvrir une belle page d’Évangile à un artiste qui va s’en saisir pour la représenter. Tous les artistes ont besoin de cela en fait, d’être nourris. Et quelle meilleure nourriture que la parole de Dieu ? L’art chrétien ne peut pas être créé seul, de manière autocentrée. Il faut qu’il émerge des richesses de la communauté tout entière, ce qui passe par le dialogue.
Paul VI s’adressait ainsi aux artistes : « Nous avons besoin de vous. Notre ministère a besoin de votre collaboration. Car, comme vous le savez, notre ministère est celui de prêcher et de rendre accessible et compréhensible, et même émouvant, le monde de l’esprit, de l’invisible, de l’ineffable, de Dieu. Et dans cette opération, vous êtes des maîtres. C’est votre métier, votre mission ; et votre art est celui de saisir du ciel de l’esprit ses trésors et de les revêtir de mots, de couleurs, de formes, d’accessibilité ».
Le dialogue de l’Église et des artistes est toujours très fécond
Il y a des précédents historiques qui illustrent cette fécondité du dialogue entre l’Église et les artistes : dans la première moitié du XVIe siècle, le monde artistique connaît une crise, « le maniérisme », qui est un moment où l’effet était poursuivi pour lui-même, au détriment même de la vérité qu’il prétendait représenter. Les critiques des protestants n’étaient ainsi pas injustifiées. Que s’est-il passé ? Lors du concile de Trente, les pères conciliaires ont demandé que la question soit envisagée, non par le magistère de l’Église, mais pastoralement. La conséquence fut presque immédiate. Une remarquable fécondité, des chefs-d’œuvre absolus sont nés de ce dialogue entre les artistes et l’Église.
Lire aussi :
Cinq clefs pour décoder une peinture religieuse
L’un des très bons exemples de cette fécondité du dialogue est l’œuvre de Caravage. Caravage est un peintre très puissant qui touche énormément les gens et qui est aussi aujourd’hui un « chemin » d’évangélisation formidable. Son œuvre s’est produite dans un dialogue constant avec l’Église, un dialogue parfois vif mais un vrai dialogue : et l’art se nourrit de cela. Il y a vraiment un devoir de la part de l’Église d’inspirer pour susciter des vocations nouvelles. Quand l’art chrétien est essoufflé, il a besoin de se renouveler en retournant à la source : l’Écriture et la prière, et en communauté, pas seul. C’est un défi pour aujourd’hui.