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Débattu à l’Assemblée nationale à partir du 24 septembre, le projet de loi bioéthique est actuellement examiné en commission spéciale. « Un tiers des articles ne me pose pas de problème, un tiers semble aller dans le bon sens mais pourrait être enrichi avec des gardes fous et un tiers franchit des lignes rouges sur le plan éthique », confie à Aleteia Thibault Bazin, député Les Républicains de Meurthe-et-Moselle.
Aleteia : Comment se passe l’examen du projet de loi ?
Thibault Bazin : Ce sont des discussions habituelles pour un projet loi examiné en commission spéciale, les amendements s’enchainent : il peut y avoir des amendements de suppression, de substitution… Globalement, cela permet de mesurer jusqu’où on va et quelle est la cohérence du projet. Il y a également parfois des amendements d’appel pour comprendre les intentions. C’est un exercice assez fastidieux mais nécessaire pour sortir du slogan et des titres. Le diable se cache parfois dans les détails, notamment en matière de bioéthique. Ce qui compte ce n’est pas la proclamation mais l’effectivité éthique : l’effectivité du principe d’anonymat, de gratuité, de dignité de la personne humaine… On voit bien que les mots utilisés trahissent parfois un manquement à la dignité humaine. C’est par exemple la question que je me pose sur le consentement libre et éclairé du don. De manière générale, il y a souvent de bonnes intentions derrière mais est ce que la finalité profondément humaine justifie tous les moyens ? Et quels vont être les impacts dans 18 ans ?
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Quelles sont vos inquiétudes ?
Sur les 32 articles que composent le projet de loi, un tiers des articles ne pose pas soucis, un tiers semble aller dans le bon sens mais pourrait être enrichi avec des gardes fous, je pense par exemple à l’intelligence artificielle et au traitement algorithmique de données massives. Le dernier tiers tend à franchir des lignes rouges sur plan éthique. C’est le cas par exemple de la destruction de l’embryon : on va passer d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration, d’une loi d’interdit à une loi de confiance. La société de demain attend-t-elle moins de contrôle et plus de confiance alors que même que le domaine de la recherche est soumis à une forte pression concurrentielle ? De la même manière, les cellules embryonnaires n’ont-elles absolument rien à voir avec l’embryon ? A entendre certains on a l’impression qu’il s’agit d’un simple matériau. Il y a vingt ans la science ne séparait pas ces deux notions, en quoi est-ce différent aujourd’hui ? Concernant la possibilité de faire des chimères la rédaction des articles me semble également floue.
“Actuellement moins de 5% des PMA se font avec des gamètes de tiers donneur, il n’est donc pas question de la rareté. Mais que va-t-il se passer quand ces gamètes deviendront rares et qu’on en laissera la gestion à des centres privés à but lucratif ?”
Un effet domino est-il à imaginer sur ces différents articles ?
Il y a l’effet domino et l’effet mikado. Le projet de loi spécifiait initialement que les gamètes seraient conservés uniquement dans des établissements publics ou privés à but non lucratif. Un point de vigilance que la ministre Agnès Buzyn a d’ailleurs rappelé en soulignant que le gouvernement était fermement opposé à un amendement visant à étendre cette possibilité aux établissements privés à but lucratif. Pourtant, un amendement permettant la conservation des gamètes par les établissements de santé privés a finalement été adopté. Actuellement la majorité des PMA se font avec les gamètes de l’homme et de la femme qui y ont recours. Moins de 5% des PMA se font avec des gamètes de tiers donneur, il n’est donc pas encore question de la rareté. Mais que va-t-il se passer quand ces gamètes deviendront rares et qu’on en laissera la gestion à des centres privés à but lucratif ? Autre exemple, l’article 1 ouvre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. L’article 3 prévoit que certaines données (non identifiantes) puissent être communiquées aux enfants issus de dons une fois leur majorité atteinte. Personnellement je suis plutôt favorable à la levée de l’anonymat. Mais à la différence d’aujourd’hui, les personnes qui seront concernées par ce troisième article auront soit deux mères auquel cas en cherchant leur donneur, consciemment ou inconsciemment, elles vont chercher à identifier leur père, soit une seule mère et dans ce cas en plus de chercher l’identité d’un père elles vont chercher l’identité de leur deuxième parent. C’est l’effet mikado.
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