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La GPA est-elle cette « ligne rouge infranchissable »du gouvernement, comme l’ont répété à maintes reprises les ministres lors des débats sur la révision de la loi de bioéthique ? En apparence oui, mais la rhétorique est trompeuse. Que s’est-il passé à l’Assemblée nationale, quelques jours avant l’adoption de la loi en première lecture ?
Épisode n° 1, le 3 octobre, treize députés emmenés par Jean-Louis Touraine (LREM) obtiennent par effet de surprise le vote d’un amendement en faveur de la GPA. Leur texte assimile les jugements étrangers rendus après GPA à des jugements d’adoption plénière pour établir la filiation d’un enfant à l’égard des « parents » commanditaires. Cet amendement est directement contraire aux engagements pris par la France en ratifiant la Convention de La Haye sur l’adoption internationale. Selon ce traité, une adoption ne peut être reconnue que si les consentements des parents biologiques « n’ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d’aucune sorte », et seulement si « le consentement de la mère, s’il est requis, n’a été donné qu’après la naissance de l’enfant ». L’objectif est de prévenir « l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants ». Avec cet amendement GPA-Touraine, les jugements étrangers doivent être déclarés exécutoires sur le territoire français, sans que puissent « être opposés ni le mode de conception de l’enfant, ni le fait qu’il serait antérieur à la naissance de ce dernier ».
Fausse machine arrière
Épisode n° 2, le gouvernement se déclare défavorable à l’amendement et décide de le soumettre à nouveau au vote… après avoir longuement hésité. Pourquoi ? Tout d’abord, le calendrier de ce « cavalier législatif » n’était pas opportun, à trois jours de la manifestation organisée par le collectif Marchons enfants ! contre l’ouverture de la PMA à tous. Le vote de l’amendement, donnant raison aux opposants au projet de loi bioéthique, fragilisait ce projet. Par ailleurs, le gouvernement estime que « l’opinion de la majorité des Français n’est pas encore mûre pour la GPA » (sic) ; il préfère donc continuer la stratégie du « cliquet » qui consiste à mettre en œuvre des étapes moins voyantes mais qui « crantent » les situations, de manière à ne jamais pouvoir revenir en arrière et se contraindre à toujours avancer.
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Épisode n° 3, le 9 octobre 2019, lors de la séance finale de l’examen du projet de loi1, le gouvernement réunit ses troupes (il y avait 169 députés de tous bords présents dans l’hémicycle) pour supprimer l’amendement GPA-Touraine. Certains médias croient pouvoir écrire que l’Assemblée fait marche arrière. En réalité, il n’en est rien. Rappelons qu’Emmanuel Macron, lors de sa campagne pour la présidence de la République, avait indiqué qu’il assurerait que « les enfants issus de la GPA nés à l’étranger voient leur filiation reconnue à l’état-civil français ». Le gouvernement a simplement choisi de ne pas passer par la voie législative. Le garde des Sceaux Nicole Belloubet explique que le gouvernement s’engage à publier une « circulaire permettant d’établir une application homogène du droit sur l’ensemble du territoire » et à trouver des solutions pour simplifier les procédures d’adoption, avec notamment la recherche d’une plus grande célérité dans l’examen de ces procédures.
Un procédé interdit, une procédure… simplifiée
La règle édictée par le gouvernement sera donc la suivante : établissement automatique de la filiation pour le parent biologique mentionné sur l’acte de naissance étranger, et demande d’adoption par le « parent d’intention » à son retour en France ; la procédure de recevabilité de cette demande sera simplifiée, accélérée, et en réalité automatique. En effet, on ne voit pas bien comment la demande d’adoption pourra être refusée. Il est évident que les candidats se garderont bien de faire état du contrat signé à l’étranger avec la mère porteuse, impliquant le versement d’une somme en contrepartie de la remise de l’enfant. Des avocats complaisants se chargeront de leur constituer un dossier bien propre. Il s’agit, en outre, d’un détournement de la procédure de l’adoption.
Une dualité hypocrite
Comme l’ont souligné les députés courageux qui se battent contre les dispositions iniques du projet de révision de la loi de bioéthique, le vote de cet amendement et les mesures annoncées témoignent d’une dualité hypocrite. Le gouvernement a refusé d’envisager un texte réprimant le recours à la GPA. Il s’est retranché derrière l’article 16-7 du Code civil qui dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Ce texte est insuffisant puisque des ressortissants français se rendent à l’étranger pour recourir en toute légalité à la GPA et reviennent en France avec l’enfant commandé, sans être inquiétés. Au lieu de s’emparer de cette situation, le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir aux juristes et députés qui demandent à la France d’initier un processus au niveau international pour abolir universellement la GPA. Et, tout en affirmant condamner la GPA, il s’apprête à faciliter les démarches à accomplir pour organiser légalement le retour en France des contrevenants à la loi, avec leur enfant. Il n’y a donc aucune dissuasion, aucune interdiction effective. Au contraire, c’est un blanc-seing donné à ces personnes et un effacement définitif organisé par l’État du lien de filiation entre l’enfant et la mère qui l’a mis au monde.
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Il ne fait aucun doute que la loi qui bouleverse l’ordre naturel et la filiation en instituant la PMA pour tous, prépare la légalisation formelle de la GPA. Tous les arguments invoqués pour justifier la PMA pour tous sont pertinents pour justifier la GPA : notion d’égalité mal comprise, prétendue contrainte pesant sur les candidats à la GPA obligés de se rendre à l’étranger, soi-disant injustice économique du recours à la GPA hors de France, et bien sûr l’existence d’enfants victimes d’une pratique condamnée en France. Avec ce quitus accordé par l’État français, le nombre d’enfants issus de GPA qui vont être déclarés en France ne va pas diminuer.
La schizophrénie du droit français
La réponse du garde des Sceaux à ces objections, ce mercredi 9 octobre, est une nouvelle illustration de la faiblesse argumentaire qui a été dénoncée tout au long de la discussion parlementaire. À Emmanuelle Ménard (NI, Hérault) qui soutenait que l’argument d’égalité serait utilisé dans un futur proche pour justifier la GPA, sa réponse a été que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules « ne pourra pas entraîner de glissement vers la GPA au nom du principe d’égalité car en la matière, le principe d’égalité au sens juridique du terme ne peut en aucun cas jouer ». On reste confondu devant la vacuité de cette rhétorique.
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Dernière digue à avoir sauté, la Cour de cassation qui, elle aussi, a renoncé à protéger les droits de l’enfant. Le 4 octobre, elle accordait aux époux Mennesson la transcription intégrale à l’état-civil français des actes de naissance de leurs enfants nés par GPA d’une mère californienne en 2000, lesquels actes de naissance désignaient les époux français comme père biologique et « mère légale ». Il s’agit bien d’une décision à portée idéologique et politique puisque, contrairement à ce qui est fréquemment affirmé, l’absence de transcription des actes de naissance étrangers à l’état-civil français n’empêche pas de faire produire en France des effets à ces actes de naissance : l’article 47 du Code civil indique en effet que « tout acte de l’état-civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi ».
La décision de la Cour de cassation, qui rappelait dans son arrêt l’interdiction de la GPA en France, confirme la schizophrénie du droit français. Ou plus exactement, tout comme le tour de passe-passe du gouvernement l’a également montré, un véritable détournement du droit pour justifier une exploitation de l’homme par l’homme.
[1] L’ensemble des articles et des amendements déposés a fait l’objet d’un vote un à un, et le vote général sur l’ensemble du projet de loi a été programmé au mardi 15 octobre.