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Bioéthique : la technique est un ogre capable de dévorer tout ce qu’elle touche

PMA

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Dominique Folscheid - publié le 22/11/19

La législation bioéthique en projet nous place devant une fracture majeure dans notre société. Avec l’apparition de la reproduction hors-sexe et toutes ses conséquences, l’homme se soumet délibérément à la tyrannie dévorante de la technique, qui ne se contentera pas de la "PMA pour toutes" : la liste des autres transgressions annoncées est longue.

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Nous n’en sommes pas encore à la mi-temps du débat législatif, puisque le texte du projet de révision de la loi de bioéthique, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 15 octobre, doit être examiné par une commission spéciale au Sénat, avant sa discussion par les sénateurs, en séance publique, en janvier 2020. Mais on a déjà engrangé assez de grain à moudre pour constater qu’une fracture de plus vient d’apparaître au premier plan dans notre société. Une fracture majeure, de nature anthropologique cette fois, parce qu’elle concerne les représentations que nous nous faisons de notre humanité, nos options existentielles et ce qui en résulte pour guider notre action. Bref, c’est en termes de sens, c’est-à-dire à la fois d’orientation et de signification, qu’il convient d’aborder le sujet.

La conséquence logique du « mariage » pour tous

Qu’est-ce qui est en jeu dans l’actuel projet de loi ? Pour la une des médias et le grand public, c’est l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (PMA) aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires. D’aucuns, qui applaudissent à grand bruit, considèrent qu’il s’agit d’une révolution, alors qu’elle était inscrite dans la logique du « mariage pour tous ». En effet, à partir du moment où l’article 143 du code civil dispose que le mariage « peut être contracté par des personnes de sexe différent ou de même sexe », tous les effets du mariage sont de droit, dont celui de fonder une famille et d’avoir des enfants. Or quand deux femmes de même sexe se marient, elles ont beau être naturellement fécondes, le couple qu’elles forment est stérile. Si elles veulent des enfants, elles sont donc obligées de recourir à la PMA avec don de sperme, comme c’est également le cas des femmes célibataires. Ce qui se fait par insémination artificielle, ou via une fécondation in vitro, qui offre des avantages spécifiques en termes de contrôle et de sélection, et permet à l’une des femmes de donner ses ovocytes, l’autre portant l’embryon issu de la fécondation — créant ainsi des « co-mères ».

La révolution de la procréation artificielle

Ce qui nous renvoie à cette seule vraie révolution qu’est l’apparition de la reproduction hors-sexe, sans relation charnelle entre homme et femme, dont l’acte inaugural a été la naissance de Louise Brown en 1978, premier bébé-éprouvette apparu dans le monde depuis la nuit des temps.

“L’actuel projet de loi a au moins un mérite : celui de nous avoir ouvert les yeux.”

De cet événement inouï, nous avons eu bien du mal à tirer toutes les conséquences. Il a pourtant eu pour effet de couper en deux l’histoire de l’humanité, puisqu’il y a désormais un avant et un après Louise Brown. Un avant où la procréation naturelle était le seul moyen d’avoir des enfants, bloquant de ce fait l’accès technoscientifique à l’œuf et à l’embryon ; un après où cet accès nous ouvre des perspectives grandioses de sélection, modification, augmentation et amélioration des humains, voire de métamorphose de la condition humaine elle-même — tout le programme du transhumanisme. Parler de révolution se justifie donc, mais à condition de lui donner la forme d’un emboîtement de poupées russes et d’identifier correctement celle qui sert de matrice à toutes les autres.

Place à la technique !

De ce point de vue, l’actuel projet de loi a au moins un mérite : celui de nous avoir ouvert les yeux. Comme dans le conte d’Andersen, où seul un innocent petit garçon a le front de crier que le roi est nu, alors que ses faux-jetons de courtisans le déclarent vêtu, on peut proclamer que la Reine procréatique est enfin nue. En renonçant aux conditions d’accès à la PMA actuellement en vigueur, qui requièrent constat médical d’infécondité ou de stérilité, on élimine la couverture médicale pour laisser toute la place à la technique. Et ce n’est pas la piteuse solution consistant à faire prendre en charge la PMA sociétale par l’assurance maladie qui en tiendra lieu — comme si l’homosexualité et le célibat étaient des pathologies, et comme s’il n’existait pas tant de besoins urgents que notre système de soins laisse en déshérence.



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Le piquant de l’affaire est que de l’aveu même d’Agnès Buzyn, lors d’un « Téléphone sonne » de France Inter, la PMA dite « thérapeutique » n’était déjà même pas ce qu’elle prétendait être. Et le ministre n’a pas tort, puisque la PMA cesse d’être un palliatif médical à la stérilité sitôt qu’elle ne se contente pas des gamètes d’un couple formé par un homme et une femme, ce qui maintient la filiation, mais recourt à des donneurs extérieurs.

La technique est un ogre

Or si l’on se place au point de vue strictement technicien, la situation des personnes concernées par la PMA n’a aucune importance. Qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles, mariées ou célibataires, les techniques d’insémination artificielle comme de fécondation in vitro sont exactement les mêmes. De ces différences de situation entre les humains, tellement importantes à nos yeux, la technique n’a cure. Du moment qu’elle dispose de gamètes mâles et femelles et d’un utérus, quelle que soit leur provenance, elle peut produire des enfants. À ses yeux, qu’elle n’a pas, les donneurs eux-mêmes n’existent pas comme personnes, ils ne sont que des producteurs de matière première. Ce que confirment ministre de la Santé, gynécologues et journalistes, lorsqu’ils s’inquiètent du déficit de fournisseurs actuels et futurs, lorsqu’ils parlent de cette matière première en termes de « stocks ».

“La technique est un ogre, capable de dévorer tout ce qu’elle touche. Un ogre auquel le présent projet de loi offre bien d’autres nourritures.”

Reste l’épineuse question du recours à une gestatrice extérieure — la GPA —, nécessaire aux couples gays qui veulent avoir des enfants (sachant qu’en dehors des stars d’Hollywood, des couples hétérosexuels y ont aussi recours). Mais si cette question divise la France, avec une dominante de répugnance et d’hostilité à cette pratique (que le gouvernement, soucieux de faire passer la pilule de la “PMA pour toutes”, a reprise à son compte), elle ne pose aucun problème à la technique. Car le fait que les gamètes sont séparables du corps des donneurs, alors qu’un utérus ne l’est pas du corps de la femme, ne lui fait pas obstacle. Ce dont elle a besoin c’est d’un utérus, pas de la femme. Pour elle, un utérus n’est qu’un incubateur biologique, un élément transitoire anticipant l’utérus artificiel (que l’Amérique nous promet pour dans deux ans). Ce que confirment les gestatrices interrogées, qui avouent qu’elles ne s’investissent pas dans le bébé destiné à d’autres comme elles le font pour les leurs. Elles auront beau porter neuf mois l’enfant dans leur sein, elles auront beau en accoucher (la césarienne permettant d’en limiter la charge émotionnelle), elles ne seront pas des mères, conformément à leur contrat.



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Autant dire que la technique est un ogre, capable de dévorer tout ce qu’elle touche. Un ogre auquel le présent projet de loi offre bien d’autres nourritures, ce que la polarisation publique sur la “PMA pour toutes” a empêché de voir. Car des autres « avancées » annoncées, la liste est longue.

Les embryons se fabriquent et se détruisent

Si l’on a bien noté la possibilité pour les femmes de placer leurs ovocytes en banque pendant qu’elles sont jeunes et fécondes, afin de les utiliser plus tard quand leur viendra le désir d’enfant, le reste n’a guère éveillé l’attention. Il est pourtant question d’autoriser les femmes à recourir au don (de sperme, aussi celui d’ovocytes), sans avoir besoin de l’accord de leur conjoint ; de développer les tests génétiques à fin de « prévention » de maladies d’ordre génétique et autre ; d’introduire un troisième type d’avortement qui ne sera ni l’IVG ni l’IMG (interruption médicalisée de grossesse, suite à un diagnostic prénatal), mais permettra d’éliminer les embryons surnuméraires : ceux qui, implantés en surnombre pour augmenter le « rendement » de la PMA auront le mauvais goût de se développer alors qu’il faudrait qu’il n’en reste qu’un. Autrement, ils viendront enrichir le stock d’embryons congelés — on parle de 270 000 — dont on ne sait que faire.


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Au point de vue de la recherche, on n’est pas en reste. L’embryon expérimental et l’embryon transgénique sont dans les tuyaux (jusqu’au quatorzième jour de vie, ce qui correspond au « pré-embryon » cher aux Britanniques, sur lequel on a tout pouvoir), comme la recherche sur les cellules iPS, qui permettent de reprogrammer des cellules adultes, prometteuses en médecine mais capables aussi de produire des gamètes, comme on le fait déjà avec les souris. On nous parle également de chimères, de recours à l’outil CRISP-Cas9 pour modifier le génome, opération dont la fonction thérapeutique risque fort de n’être qu’un alibi, vu qu’il permet des modifications de toutes natures, transmises aux générations suivantes sitôt qu’on touche aux cellules germinales.



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BioéthiqueGPASociété
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