Alors qu’il était en déplacement à Nagasaki, au Japon, le pape François a fermement dénoncé dimanche 24 novembre la logique d’une dissuasion nucléaire garantissant la paix. S’il « est faux de dire que le pape François est le premier pape à condamner la dissuasion nucléaire », il est néanmoins « le premier à s’en prendre à l’objet lui-même – l’arme atomique – plutôt qu’à la guerre atomique », résume pour Aleteia l’historien et journaliste Christophe Dickès.
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« L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune », a assuré le pape François dimanche 24 novembre lors de son déplacement au Mémorial de la paix de Hiroshima, l’une des deux villes japonaises frappées par des bombes atomiques en 1945. Pour Christophe Dickès, historien, journaliste et auteur de plusieurs ouvrages dont Le Vatican, vérités et légendes et L’héritage de Benoît XVI, « il est faux de dire que le pape François est le premier pape à condamner la dissuasion nucléaire ». Entretien.
Aleteia : Les propos tenus par le pape François sur le nucléaire constituent-ils une rupture par rapport aux précédents papes ? Christophe Dickès : Cette rupture n’existe pas vraiment. En effet, il existe une continuité dans le magistère. Tout d’abord, l’arme atomique est inévitablement liée à la question de la guerre. On cite toujours le mot de Paul VI (1963-1978) à l’ONU, le 4 septembre 1965 : « Plus jamais la guerre ! ». Mais on oublie celui de Pie XII (1939-1958) qui, dans son message radio de Noël en 1944, s’exclame « guerre à la guerre ! ». Or, dans les années 1950, le même Pie XII demande la proscription des guerres « capables […] de semer l’extermination totale de toute vie animale et végétale et de toute œuvre humaine sur des régions toujours plus vastes. » Il étend d’ailleurs sa condamnation aux guerres bactériologiques et chimiques. Il ajoute en 1955 cette phrase terrible : « Il n’y aura aucun cri de l’histoire, mais seulement la douleur inconsolable de l’humanité qui contemplera, désolée, la catastrophe due à sa propre folie. »
Sur le plan du droit, nous sommes dans une période où la théorie même de la guerre juste, qui trouve ses racines dans l’œuvre de saint Augustin, est remise en cause. Le symbole de cette remise en cause se trouve dans l’œuvre du grand juriste, Mgr Ottaviani. En effet, en 1936, dans son manuel de droit ecclésiastique, le futur cardinal reprend la théorie classique de la guerre juste. Mais au lendemain de la guerre de 1939-1945, il change complètement de point de vue et écrit : « Il n’existe plus aujourd’hui de guerre juste qui permette à un État de se livrer à une attaque en vue de recherche son droit. […] En pratique, il ne sera jamais permis de déclarer la guerre. » Pour lui, la technicité de la guerre et ses capacités destructrices sans précèdent rendent quasi illégale la guerre. Même la guerre défensive !