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La mondialisation n’est pas un phénomène nouveau. Il n’y a pas d’un côté la vision d’un monde fermé où chaque pays vivrait isolément, et de l’autre côté la vision d’un monde ouvert, riche de ses interdépendances. En effet, les nations, empires et royaumes ont toujours vécu le défi de l’altérité, tantôt pacifiquement, tantôt par la guerre. Ce que nous appelons mondialisation est la continuation de l’histoire, mais dans d’autres conditions et avec d’autres moyens.
Nous voyons d’une part le développement des moyens de transport et des techniques de communication, qui donne une ampleur tout à fait nouvelle au phénomène d’interconnexion et d’interdépendance. De ce point de vue, la mondialisation est un fait, lié au progrès des techniques. Nous avons d’autre part le processus de mondialisation dans sa dimension politique et économique, qui n’est pas d’abord un fait spontané, mais le fruit d’une volonté, et qui présente lui-même un double mouvement, en apparence contradictoire : une normalisation et une dérégulation. Depuis la fin des années 1980 en effet, le processus de mondialisation ne consiste pas à faire disparaître les nations, mais déploie une volonté d’établir des normes au niveau international et de contraindre, autant que possible, les États à travers ces normes. Parallèlement se déploie une libéralisation galopante, une dérégulation : libre échange des marchandises, des capitaux et des hommes.
Une bombe à fragmentation
Sur ces principes, la mondialisation a vu se déployer des caractéristiques nouvelles, notamment la financiarisation, le gigantisme et la puissance des firmes multinationales, l’émergence d’oligopoles (monopoles partagés) sur certains grands marchés mondiaux. La tendance fut de mettre ces puissances le plus possible hors d’atteinte des États pour sécuriser leurs investissements. Par exemple, les accords de libre-échange tentent d’introduire des dispositifs juridiques pour que les firmes puissent se retourner contre les États si ceux-ci portent préjudice à leurs intérêts.
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Aujourd’hui s’opère une prise de conscience : la crise de 2008 a démontré le danger des risques systémiques que la financiarisation fait peser sur le monde, et la puissance excessive des grands acteurs économiques et financiers est remise en cause. S’ajoute à cela une prise de conscience écologique et sociale. La crise des Gilets jaunes a montré que la mondialisation était une bombe à fragmentation sociogéographique pour nombre de nations, dont la France. La situation n’est politiquement plus tenable.
L’avenir est donc au retour du politique. Pour le philosophe Olivier Rey (Une question de taille, Stock), retrouver le choix politique passe par la nation : « La nation est la seule échelle où subsiste quelque chose du politique — ce pourquoi, dans la conjoncture actuelle, elle mérite d’être défendue. Inutile de dire que la souveraineté politique perdue au niveau de la nation se retrouvera au niveau supérieur : elle disparaîtra purement et simplement . » Voici donc que la nation, diabolisée hier comme facteur de guerre, est désormais vue comme facteur de souveraineté politique face aux prédateurs économiques, et appelée ainsi à retrouver ses lettres noblesse.
Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, 11 mars 2020