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« Tout est grâce » : cette formule revient souvent dans le langage chrétien. Certains la comprennent comme l’expression par excellence de la présence permanente du Seigneur à nos côtés. D’autres trouvent qu’elle prétend abusivement que toutes les circonstances de l’histoire et de nos vies peuvent être prises de manière positive. Une crise sanitaire comme celle que nous traversons, avec son cortège de morts, de solitude et d’inquiétude radicale, mérite-t-elle vraiment être considérée comme une « grâce » ?
Privés de sacrement…
C’est en général à Georges Bernanos qu’on attribue la paternité de cette formule. De fait, le Journal d’un curé de campagne s’achève par l’évocation bouleversante — et pacifiante — de la mort du curé d’Ambricourt, le héros du roman : « Il a prononcé alors distinctement, bien qu’avec une extrême lenteur, ces mots que je suis sûr de rapporter très exactement : “Qu’est-ce que cela peut faire ? Tout est grâce.” Je crois qu’il est mort presque aussitôt. » Bernanos en réalité ne faisait que citer sainte Thérèse de Lisieux. Dans ses Derniers entretiens, ses confidences de malade en fin de vie, bouleversantes d’humanité et de foi, sainte Thérèse rapporte qu’un jour il ne lui est pas possible de communier car elle ne parvient plus à déglutir. Elle ajoute, pour exprimer la communion de surcroît avec l’offrande du Christ que lui procure ce jeûne eucharistique obligé : « Tout est grâce. »
… mais non de la grâce du Seigneur
Bernanos, avec la profondeur et la justesse de sa foi, ne s’y est pas trompé car c’est aussi dans un contexte sacramentel qu’il reprend cette formule. Le curé d’Ambricourt, dont la maladie s’est soudain aggravée alors qu’il est loin de chez lui, a trouvé refuge chez un ancien prêtre. Ce dernier sait qu’il peut, malgré sa situation, lui donner l’absolution in articulo mortis mais qu’il ne peut pas en revanche lui administrer l’extrême onction. « Qu’est-ce que cela peut faire ? Tout est grâce » murmure le curé d’Ambricourt juste avant d’expirer.
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Sainte Thérèse et Bernanos, avec la lucidité singulière des mystiques et des romanciers, nous donnent des armes spirituelles pour vivre dans l’espérance les privations liturgiques du confinement. Ce jeûne eucharistique, mais aussi pénitentiel et baptismal, obligé et douloureux, nous prive de la célébration des sacrements mais pas de leur grâce, du don spirituel qu’ils procurent.
Ouvrir son coeur
Beaucoup en ce temps redécouvrent la « communion spirituelle », la « contrition parfaite », le « baptême de désir », ces expériences sacramentelles authentiques à distance des sacrements célébrés mais avec le désir d’y participer pleinement. Ces redécouvertes ne relativisent pas les sacrements eux-mêmes mais disposent en réalité à en accueillir les fruits avec davantage de profondeur le jour où il sera à nouveau possible de nous rassembler.
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Je pense, de tout mon cœur, douloureusement, aux malades et aux personnes âgées, qui meurent en ce temps aussi seuls que le curé d’Ambricourt. Même si je souhaite ardemment que leurs proches et des prêtres ne soient pas empêchés de les approcher chaque fois que c’est objectivement possible, je sais et je crois que la grâce du Seigneur ne leur fait pas défaut. Notre humanité tout entière est comme un grand corps malade matériellement incapable de communier sacramentellement. Cela n’empêche pas ceux qui ouvrent leur cœur au Seigneur, accompagnés par les images mobiles qui les rejoignent par toutes sortes de réseaux, d’accueillir vraiment la grâce du Christ, lui qui nous offre sa vie et nous rend capables de donner la nôtre par Lui, avec Lui et en Lui.
Une occasion de conversion
C’est aujourd’hui le Covid-19 qui nous empêche de remplir nos églises pour y célébrer l’eucharistie. Mais peut-être nos cœurs, avant même le confinement, étaient-ils trop souvent fermés au don de la grâce. On raconte, dans une biographie ancienne de saint Bernard, qu’un moine gravement pécheur a malgré tout communié pour ne pas perdre la face devant sa communauté. Il reçoit le corps du Christ mais ne parvient pas à déglutir : c’est après s’être confessé seulement qu’il pourra consommer corporellement l’hostie consacrée. Cette parabole du moine indigne nous invite tous à nous demander quel prix réel nous donnons aux sacrements en général, et à l’eucharistie en particulier, comme véritables « source et sommet » pour nos vies. Le coronavirus et la séparation liturgique qu’il nous impose comme tels constituent un mal à combattre. Mais cette situation maléfique peut devenir une occasion de grâce si nos cœurs acceptent de se convertir à davantage de foi et de charité, de disponibilité profonde au don de Dieu.
Approfondissement du désir
Le lendemain du jour où sainte Thérèse n’a pas pu communier, elle parvient à nouveau à déglutir et reçoit avec bonheur le corps du Christ, le soleil de sa vie. Le « tout est grâce » de la veille n’était pas relativisation du sacrement mais approfondissement du désir. Puisse le « tout est grâce » de notre désir aujourd’hui préparer pour les jours du déconfinement des lendemains de profond renouveau de la foi et de la charité.
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