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Moine trappiste à 32 ans, Charles de Foucauld quitte sept ans plus tard la vie cistercienne et s’installe trois années à Nazareth en tant qu’homme à tout faire auprès des clarisses. Il y partage son temps entre le travail manuel, l’adoration et la méditation de l’Écriture, notamment sur la vie cachée de Jésus à Nazareth, et décide de l’imiter dans le silence et la discrétion. Il se sent désormais poussé à accepter d’être prêtre afin de rejoindre les peuples les plus lointains.
Ordonné le 9 juin 1901, il s’établit au sud du Maroc, à Beni-Abbès. Là, il construit non pas un ermitage mais une fraternité, une “Khaoua”, c’est-à-dire un lieu ouvert à tous : chrétiens, musulmans, juifs. Disponible aux pauvres, rachetant des esclaves, donnant l’hospitalité à tous ceux de passage, il partage son temps entre de nombreuses heures de prières (notamment la nuit), ses activités manuelles et agricoles et les visites qu’il reçoit. Charles de Foucauld s’installe finalement en 1905 à Tamanrasset, venu rejoindre dans le massif montagneux du Hoggar des hommes et des femmes, des Touaregs, que le désert isolait du monde. Il se voulait frère de tous, gratuitement, sans prédication, respectueusement et sans distinction de religion ou d’origine, en menant un quotidien ordinaire et dépouillé.
L’œuvre de Charles de Foucauld continue de porter du fruit
“Vivant à Tamanrasset depuis plus de 20 ans, l’annonce de la canonisation de Charles de Foucauld produit en moi une joie intérieure, renouvelle ma foi et vivifie ma présence en pays musulman”, confie à l’Aide à l’Église en Détresse (AED) sœur Martine Devriendt, de la Congrégation des Petites Sœurs du Sacré-Cœur de Charles de Foucauld, dont la spiritualité s’inspire du futur saint. “L’annonce de cette canonisation confirme de manière officielle dans l’Église les intuitions de cet homme, d’autant plus que ces intuitions me paraissent très actuelles où que nous vivions : prière, vie sobre, amitié, proximité des personnes en situation de précarité.”
“L’annonce de cette canonisation confirme de manière officielle dans l’Église les intuitions de cet homme (…)”
Et à Tamanrasset, petit village au début du XXè siècle devenu une ville cosmopolite de 150.000 habitants, cette vocation s’illustre encore et comme Charles de Foucauld en son temps par la présence notamment des Petites Sœurs, qui est fraternelle, discrète, contemplative, tournée vers le service, au milieu des musulmans du pays et ce, sans aucune velléité de prosélytisme. Dans le sillage de Charles de Foucauld qui a écrit dans ses Carnets de Tamanrasset : “Mon apostolat doit être l’apostolat de la bonté. En me voyant, on doit se dire : “Puisque cet homme est si bon, sa religion doit être bonne”. Si l’on me demande pourquoi je suis doux et bon, je dois dire : “Parce que je suis le serviteur d’un bien plus bon que moi. Si vous saviez combien est bon mon Maître JESUS””.
Reconstituer une présence chrétienne et féminine est une priorité
La Congrégation des Petites Sœurs du Sacré-Cœur de Charles de Foucauld fait partie de la douzaine de congrégations religieuses dans le monde se réclamant, à l’instar de groupes de laïcs, de la spiritualité du futur saint. Contemplatives au cœur du monde, les Petites Sœurs sont nées en 1933 et sont arrivées à Tamanrasset en 1952, à proximité de l’ermitage du bienheureux qui y a passé les onze dernières années de sa vie.
Comme l’explique sœur Martine à l’AED, la présence féminine chrétienne à Tamanrasset est importante car les femmes peuvent pénétrer dans les familles et avoir ainsi accès à toutes les couches de la population musulmane, en particulier les plus pauvres et les plus fragiles : les femmes, les enfants, et en particulier celles et ceux qui ont un handicap et qui sont très nombreux. Cela se concrétise par l’écoute des femmes, des visites à domicile, à l’hôpital, dans les prisons, ou encore à travers des démarches administratives, médicales, ou lors des moments de deuils ou de fête.
“Parmi eux, nombreux sont chrétiens, et les sœurs sont pour eux source de réconfort et de soutien spirituel.”
“Tamanrasset, qui se situe tout au sud du diocèse de Laghouat-Ghardaïa, est devenu un carrefour où toute l’Algérie et l’Afrique se croisent”, raconte sœur Martine Devriendt. Les gens du terroir sont Harratins, Touaregs et côtoient des Algériens venant de toutes les régions du pays : Arabes, Kabyles, Mozabites… Les années de terrorisme (1992 à 2000) ont poussé beaucoup de gens du Nord à chercher plus de tranquillité dans la région qui compte aussi de nombreux migrants subsahariens. Les Nigériens et les Maliens viennent pour travailler et les “autres subsahariens” espèrent aller vers l’Europe. Parmi eux, nombreux sont chrétiens, et les sœurs sont pour eux source de réconfort et de soutien spirituel. “Une mission partagée avec les trois Petits Frères de Jésus de Tamanrasset et bientôt un nouveau prêtre qui attend son visa. Cela fait 15 mois qu’il n’y a plus de prêtre pour la paroisse”, explique sœur Martine à l’AED.
Depuis cinq ans, elle est la seule de sa communauté à vivre sur place, les sœurs âgées ayant dû rentrer en France. Pour la congrégation, reconstituer une véritable présence et fraternité chrétienne et féminine à Tamanrasset est alors apparu comme une priorité. “Comme c’est le cas de bien d’autres congrégations, surtout dans les lieux de frontières, nous ne pouvons plus maintenir seules ces communautés, par manque de renouvellement de personnes. Nous ne pouvons plus penser à des communautés de sœurs de la même congrégation ou de la même spiritualité. Il s’agit maintenant de faire fraternité dans la diversité des charismes des congrégations et de femmes laïques, qui veulent s’engager pour un temps plus ou moins long”, écrivaient les sœurs en septembre 2019.
Le lieu de vie des sœurs bientôt totalement reconstruit
Elles lançaient alors un appel aux dons pour reconstruire le lieu de vie existant et ainsi offrir un accueil plus adéquat, autonome et sécuritaire, à celles qui se sentiraient appelées à vivre dans la réalité de Tamanrasset. L’AED a décidé de cofinancer ce projet. « La réponse est arrivée avec l’annonce de la canonisation de Charles de Foucauld, ce qui est providentiel, et rend notre projet encore plus actuel », a écrit à la fondation sœur Isabel Lara Jaén, prieure générale des Petites Sœurs du Sacré-Cœur du Père de Foucauld. Le bâti initial – en toub (terre) – nécessitait d’être abandonné. Peu pratique, difficile d’entretien, compliqué à rénover, sans confort (petites chambres, manque d’aération et de lumière, toilettes à l’extérieur…), il a été totalement démoli. La construction de quatre studios offrira une indépendance nécessaire pour des femmes venues d’horizons bien différents avec certes une large autonomie mais aussi avec un projet de mission commun : une vie de prière et une vie solidaire au milieu des musulmans et auprès des migrants subsahariens chrétiens.
Le gros-œuvre est aujourd’hui terminé. Les travaux de finition devraient être terminés pour le début de l’automne. Parallèlement à la recherche de fonds en septembre 2019, les sœurs avaient lancé un appel dans le journal catholique français La Croix pour inviter laïques ou religieuses désireuses de vivre pour au moins un an en fraternité. “Quelques personnes devaient venir voir et la pandémie de Covid-19 a empêché tout voyage ces derniers mois. Mais l’appel est toujours d’actualité !”, ne se décourage pas pour autant sœur Martine.
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