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Il y a cinquante ans, son habit d’académicien posé sur son cercueil, François Mauriac recevait, sous les voûtes de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les derniers hommages de la France, en présence du monde des lettres, des corps de l’État, du président Georges Pompidou et d’une foule nombreuse de simples fidèles, lecteurs loyaux du maître de Malagar. François Mauriac est aujourd’hui bien oublié. La figure fluette de cet homme aimable, au timbre grave et à l’esprit de feu, tout occupé de Dieu et des hommes, est un peu sortie des mémoires littéraires. Une adaptation cinématographique de Thérèse Desqueyroux (1927) au commencement des années 2010 (Claude Miller) et la publication d’une biographie fleuve à la fin des années 2000 (Jean-Luc Barré, Fayard) n’ont guère relancé l’actualité de celui qui fut, pourtant, prix Nobel de littérature en 1952, après avoir été élu à l’Académie française en 1933.
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Il est vrai que tout déroute, chez ce génie littéraire né en 1885, dans l’esprit contemporain. Romancier épris de l’étude du cœur et de l’âme, dénonciateur des attachements démesurés aux biens matériels et du carcan créé par l’ordre social devenu une fin en soi, il décrivit presque exclusivement cette bourgeoisie bordelaise dont il était issu. Ces propriétaires terriens, exploitants de pinèdes, juristes et hommes d’affaires étaient sa famille. Il a porté sur cet univers un regard lucide, dont il a décrit les nuances sous toutes les formes. Pour autant, il n’est jamais devenu un écrivain sociologue ou naturaliste. L’âme fut toujours son souci. Que ce soit dans Le Baiser au lépreux (1922), Le Nœud de Vipères (1932) ou Les Chemins de la mer (1939), pour ne citer que trois œuvres parmi les plus connues ; et même dans Mémoires d’un adolescent d’autrefois (1969), l’un de ses derniers ouvrages, peu de temps avant sa mort, il ne s’est jamais départi de cette manière d’étudier à fond les mentalités et le cœur de ses personnages sous le regard d’un Dieu que certains cherchent, que d’autres fuient, que quelques-uns ignorent, mais qui, lui, ne cesse pas d’appeler.
Des amis partout
Homme du monde, Mauriac avait dans ses amitiés la même profondeur d’esprit, et il n’est pas étonnant de trouver ses amis partout. Il fréquenta Gide le sulfureux, Claudel le catholique, côtoya des royalistes comme Henri Massis ou Jacques Bainville sans jamais se départir de son attachement à la démocratie chrétienne. Cette ouverture d’esprit n’est pas un effet de l’esprit mondain, c’est le reflet de la grande droiture de cet homme qui décelait le talent chez les autres et s’y attachait. Cette droiture le conduisit au Figaro aussi bien qu’à L’Express, collaborer à la NRF comme à la Table ronde.
Cette même droiture, enfin, lui fit condamner et l’hitlérisme et le parlementarisme décadent durant les années 1930. Cette droiture encore lui fit prendre la défense de la démocratie contre tous les fascismes et condamner avec force la main tendue aux communistes avant 1939. Cette même droiture, encore et toujours, lui fit accueillir le maréchal Pétain avec soulagement en juin 1940, sans jamais cesser de tourner ses regards vers l’espérance gaullienne jusqu’au dernier jour de sa vie. Il fut de la résistance des lettres contre le nazisme. Surveillé par la Gestapo à la fin de la guerre, il se leva contre les excès de l’épuration et demanda la grâce de Robert Brasillach.
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Le même souci d’humanité fit de lui un opposant farouche de l’usage de la torture en Algérie, demeurant un fervent de De Gaulle, pour lequel il manifesta en 1968. Démocrate-chrétien encore et toujours, un peu moderniste il faut le dire, il marchait avec les étudiants en direction de Chartres, malgré un âge déjà avancé, et revenait, tous les ans, à Malagar, sur la terre de ses ancêtres.
Toujours proche
En nos temps d’agressivité inculte, où les censeurs refusent toute complexité, François Mauriac est un auteur à redécouvrir. Parce qu’il a parlé de l’âme, il ne nous est pas si étranger. Parce qu’il a lutté toute sa vie entre Dieu et Mammon, pour toujours revenir à Dieu et finir dans ses bras, comme il l’exprima dans Dieu et Mammon (1929) et dans Souffrances et bonheur du chrétien (1931), ainsi que dans Ce que je crois (1962), il sera toujours proche. Du haut du ciel, François Mauriac porte sans doute sur la France qu’il aima son regard calme, profond et toujours pétillant d’une joie discrète, celle des vives intelligences, modelées par une haute culture, animée de Dieu.
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