Il ne manque pas de voix ces derniers temps pour revendiquer une place plus égalitaire de la femme dans l’Église. Certains, pour ne pas dire certaines, se voient cardinal, nonce, ou même curé ! Si nous ne pouvons que souscrire au fait qu’il faille donner plus de place à la femme dans l’Église et à ce qu’elle porte de charisme ou d’empreinte propre, nous pensons néanmoins que ces revendications “féministes” relèvent d’une vision trop étroite, et par ce fait même erronée, de l’Église.
Le pape François, dans son exhortation sur l’Amazonie, Querida Amazonia, rappelait qu’il ne fallait pas se limiter à “une approche fonctionnelle” de l’Église mais entrer dans sa “structure intime” (101). Pourquoi ? Parce que précisément, au regard de la femme, “ce réductionnisme [fonctionnel] nous conduirait à penser qu’on n’accorderait aux femmes un statut et une plus grande participation dans l’Église seulement si on leur donnait accès à l’Ordre sacré” (100). Cette vision, tout en cléricalisant les femmes, “diminuerait la grande valeur de ce qu’elles ont déjà donné et provoquerait un subtil appauvrissement de leur apport indispensable” (100). Il faut donc consentir à entrer dans la “structure intime” de l’Église si nous voulons comprendre pourquoi “sans les femmes, l’Église s’effondre” mais aussi comprendre ce que les femmes apportent à l’Église, d’une manière spécifique, prolongeant ainsi “la force et la tendresse de Marie” (101).
L’Église est mariale parce qu’elle ne cesse d’enfanter de nouveaux enfants par le baptême, d’en prendre soin, d’appeler chacun à grandir dans la foi, chacun à faire une rencontre personnelle avec son Fils, chacun à tenir la place à laquelle Dieu l’appelle.
L’Église pétrinienne et mariale
Cette “structure intime” se dévoile quelque peu quand on regarde avec Hans Urs von Balthasar les deux grandes figures qui caractérisent l’Église et la marquent de leur empreinte, Pierre et Marie. L’Église est pétrinienne et mariale. Pétrinienne parce que rattachée à la figure de Pierre, ce roc voulu par le Christ : “Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église” (Mt 16,18). De ce roc s’étend, à perte de vue, la succession apostolique, autour de ce roc s’organise le ministère apostolique, et avec lui le ministère sacerdotal. Sans évêques, pas de prêtres, pas de ministres ordonnés, pas de sacrements… L’Église, si elle n’était pas pétrinienne, ne serait qu’un corps désarticulé, pire encore un corps flasque, et sans vie ! Mais parce qu’elle est pétrinienne, institutionnelle, confiée à des hommes (viri) qui ont pour mission de représenter le Christ, elle est la garantie de la présence du Christ et de sa vie.
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Mais l’Église est également mariale. Mariale parce que rattachée à Marie, la Femme par excellence, celle qui au pied de la croix s’est entendue dire : “Femme, voici ton fils” (Jn 19,26) ; tout comme Jean, le disciple bien-aimé, s’est entendu dire “voici ta mère” (Jn 19,27). L’Église est mariale parce qu’elle ne cesse d’enfanter de nouveaux enfants par le baptême, mariale parce qu’elle ne cesse d’en prendre soin, d’appeler chacun à grandir dans la foi, chacun à faire une rencontre personnelle avec son Fils, chacun à tenir la place à laquelle Dieu l’appelle.
La première Église, c’est Marie
Pour Balthasar, l’Église est mariale avant d’être pétrinienne. En effet la première Église c’est Marie qui se tient au pied de la Croix et porte, seule, dans la foi, l’espérance de la Résurrection. Elle est celle qui croit, celle sur laquelle Pierre aurait dû s’appuyer avant que le coq ne chante, celle sur laquelle il peut s’appuyer aujourd’hui pour professer la foi de l’Église ou baptiser. L’Église est aussi, en Marie, ce premier rayon de sainteté. Et chacun, en vertu de son baptême, appartient à cette Église sainte.
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Mais si l’Église est mariale avant d’être pétrinienne, c’est aussi parce que chaque ministre qui constitue l’Église pétrinienne appartient d’abord à l’Église mariale. Pour être ordonné il faut être baptisé, confirmé, membre vivant de l’Église. Affirmer cela c’est déjà s’interdire de penser que l’Église pétrinienne et l’Église mariale pourraient être simplement juxtaposées. Non seulement l’Église pétrinienne puise dans l’Église mariale sa foi et ses ministres, mais elle féconde l’Église mariale, lui permettant ainsi de tendre au-delà d’elle-même, vers le Christ.
La vocation de la femme
Certes cette Église mariale est composée d’hommes et de femmes, mais elle est le lieu par excellence où peut s’épanouir, à la suite de Marie et de sa maternité ecclésiale, la vocation de la femme. La femme, d’une manière ou d’une autre, est appelée à être mère car faite pour donner la vie, pour la protéger, la faire grandir. D’une manière ou d’une autre cela veut dire aussi “spirituellement”. D’ailleurs, en dehors de l’Église, la femme investit souvent sa charge, d’enseignante, d’institutrice, de médecin, d’infirmière, sans parler de sa charge de chef d’entreprise, d’une forme de maternité spirituelle.
Oui, les femmes peuvent avoir une mission ecclésiale, elles peuvent enseigner, prêcher des retraites, accompagner, collaborer à telle ou telle tâche pastorale, mais, sans dénaturer sa complémentarité d’avec l’homme.
De plus, la femme est, en vertu de son aptitude à l’intériorité, un merveilleux instrument de la grâce et de l’action divines : “Elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur” (Lc 2, 19). Elle est témoin de ce qui ne se peut percevoir qu’avec le cœur, “sentinelle de l’Invisible”. Mais pour que cette maternité spirituelle s’épanouisse dans l’Église en divers bourgeons, encore faut-il que la femme soit accueillie et confortée dans son propre lieu de grâce par l’Église pétrinienne, et que cette dernière reçoive d’elle ce qu’elle porte et qu’elle a contribué, notamment par les sacrements, à faire grandir.
Alors oui, les femmes peuvent avoir une mission ecclésiale, elles peuvent enseigner, prêcher des retraites, accompagner, collaborer à telle ou telle tâche pastorale ou catéchétique, mais, sans dénaturer sa complémentarité d’avec l’homme, et surtout, comme le dit le pape François, “sans cesser de le faire avec le style propre de leur empreinte féminine” (QA, 103). Sans cela les femmes, et l’Église avec elles, perdraient ce qu’elles portent de plus grand et de plus spécifique, cette aptitude à révéler le Christ.
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