La nomination du cardinal Fridolin Ambongo, haut prélat congolais, au sein du Conseil des cardinaux, est un signe évident de la confiance du pape François pour un homme qui porte sans relâche la voix de son peuple meurtri par la misère. Elle tient aussi sans doute à la volonté de Rome de maintenir un certain équilibre au sein de ce cercle composé de cardinaux des quatre coins du monde. Seul représentant africain et seul francophone à y être présent, le cardinal Abongo occupe dans les faits une place laissée vacante par son prédécesseur à Kinshasa, le cardinal Monsengwo, depuis son départ à la retraite en 2018.
L’ascension de ce membre profès de l’Ordre des frères mineurs capucins a connu un coup d’accélérateur ces trois dernières années. Nommé évêque en 2004 par Jean Paul II à l’âge de 44 ans, il s’est investi au milieu des années 2010 dans la commission “Justice et paix” de la Conférence épiscopale congolaise.
Début 2018, il est appelé pour être évêque coadjuteur de Kinshasa dans le but d’épauler le cardinal Monsengwo, alors sur le départ, et se préparer à prendre sa suite. En novembre 2018, il est installé archevêque de la capitale. Le pape François l’élève un an plus tard à la dignité de cardinal lors du consistoire d’octobre 2019. Il confie alors sa « surprise » et considère la décision du pape comme un encouragement de l’Église à poursuivre sa mission de pasteur qui « donne la voix à un peuple sans voix ».
“Le Congo est tombé dans les mains de brigands.”
Car ce fils de saigneur d’arbre à caoutchouc a très tôt fait des questions de justice sa matrice. Dans un pays marqué par la misère sociale, économique et écologique, ce théologien moraliste s’est illustré par son combat contre une caste politique qui, avec les puissances économiques internationales, capte les richesses naturelles du pays. “Le Congo est tombé dans les mains de brigands”, accusait-il en ce sens lors de la Nuit des Témoins 2019 organisée par l’Aide à l’Église en détresse, à Paris.
Lire aussi :
En RDC, « l’Église accompagne l’espérance du peuple »
Plutôt que de se mettre du côté des “prédateurs” qui exploitent le pays, “l’Église a choisi de se mettre aux côtés de son peuple”, poursuivait le haut-prélat, dans le sillage de la pensée du pape François. Un discours qui se concrétise dans les faits puisque l’Église catholique supplée au Congo les carences de l’État. La moitié des structures sanitaires et éducatives du pays sont ainsi gérées par elle.
Solide opposant au régime de Kabila
Solide opposant au régime de Kabila, président du Congo de 2001 à 2019, il s’était jeté dans la bataille pour une transition démocratique lors des élections de 2019. En vain. L’archevêque avait condamné un “déni de vérité” suite à un scrutin ayant conduit à l’élection de Félix Tshisekedi dans des conditions douteuses.
Au lendemain de cet échec, le jeune archevêque avait justifié dans les colonnes du Figaro la nécessité pour l’Église de se dresser en RDC comme un contre-pouvoir. “Face à un peuple abandonné, livré à lui-même, malgré l’abondance des richesses du pays, l’Église s’est comportée en bon samaritain qui vient au secours d’un peuple blessé au bord de la route, d’un peuple qui crie au secours”. Une image chère à François qui, dans sa dernière encyclique, Fratelli tutti, consacre un chapitre entier à la figure du bon samaritain.
Lire aussi :
En Afrique, « l’Église catholique se trouve du côté de l’homme »