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Lundi 21 décembre, le gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi “instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires”. Ce texte est présenté par le Premier ministre Jean Castex en procédure accélérée. Son ambition, telle qu’elle est exprimée dans l’exposé des motifs, est de substituer aux dispositions actuelles qui encadrent la politique sanitaire du gouvernement “un dispositif pérenne dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles”.
“Urgence pérenne”
Il s’agit ici de fixer le cadre légal de la politique sanitaire et non la politique sanitaire elle-même, qui est toujours appelée à évoluer en fonction de la situation. Cependant, la fixation d’un cadre légal pérenne de gestion des urgences sanitaires signifie bien que nous sommes entrés dans une phase où la situation sanitaire dégradée est aujourd’hui perçue comme étant, non plus une simple parenthèse, un mauvais moment à passer, mais en quelque sorte une “urgence pérenne”. Cette situation doit nous faire réfléchir à l’avenir des libertés publiques. En effet, ce qui peut être acceptable pour un temps court peut ne plus être acceptable pour un temps long.
Le caractère désormais durable de l’inquiétude sanitaire est en train de bouleverser de manière considérable nos modes de vie, notamment par le moyen de restriction des libertés publiques. Il est loin le temps où Emmanuel Macron s’exclamait : “Nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté”. Il s’exprimait ainsi lors d’un hommage rendu aux victimes du terrorisme. C’était le 11 mars 2020, seulement quelques jours avant le premier confinement. Neuf mois après, nous en sommes là : ce à quoi nous ne voulions pas renoncer face à la menace terroriste, nous y avons renoncé face à la menace sanitaire.
La possibilité d’une obligation de fait
Cependant, ce renoncement ne fait pas l’unanimité. Le débat sur la politique sanitaire fait rage ; et il divise profondément. Comment en serait-il autrement ? D’une certaine manière, qu’il ne divise pas serait presque inquiétant : cela signifierait qu’une partie de la population vit dans un tel état de peur que tout peut lui être imposé et qu’une autre partie de la population est paralysée sous l’effet de l’injonction morale à se conformer, pour “protéger les plus fragiles”, pour “ne pas exposer les autres”… Le consensus serait le signe d’un ordre moral sanitaire qui neutraliserait les défenses immunitaires de la société contre les atteintes aux libertés publiques, contre les abus de pouvoir, qui finissent toujours par arriver en temps de crise et de peur.
Très vite, désormais, le débat va se cristalliser particulièrement autour de la question du vaccin. Le gouvernement a déjà indiqué que celui-ci ne serait pas obligatoire, mais le projet de loi déposé le 21 décembre comporte une disposition qui ouvre la possibilité d’une obligation de fait, sur simple décret : “Le Premier ministre peut […] subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif”. La notion d’« exercice de certaines activités » est suffisamment large et floue pour imaginer pouvoir lui faire correspondre beaucoup de choses. Nous n’avons donc pas fini de nous diviser sur ce sujet. Il est possible que cette division soit toujours préférable au piège du consensus.
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