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C’était un orchestre pas comme les autres. Nous sommes en mars 2014. Le groupe de musique de heavy metal Metallica fait sa tournée en Amérique du Sud. Des dizaines de milliers de fans se précipitent à Bogota, Quito, Lima, mais aussi en Argentine et au Chili. La première partie du spectacle est étonnante. De jeunes Paraguayens arrivent sur la scène immense, avec des instruments… pour le moins étranges. Le saxophone est fabriqué avec une gouttière et des pièces de monnaie. Le violon est un ancien pot de peinture auquel on a collé une fourchette et un bout de palette. La contrebasse? Un bidon d’huile. La guitare : des boîtes de conserve assemblées. Avec ces instruments, on joue du Mozart, du Piazzolla, du Beethoven… Le succès est immense, la foule écoute et chante à l’unisson, bouleversée. La musique n’est pourtant pas du plus haut niveau, mais l’on sent bien que quelque chose vibre.
De la décharge à la musique
Ces jeunes musiciens paraguayens viennent de la décharge de Cateura au Paraguay. À l’initiative de cette belle histoire : Favio Chavez, technicien environnemental et passionné de musique. Il propose en 2006 aux enfants de la décharge de monter un orchestre. Il convainc les parents, mais il manque d’instruments. Nicolas Gomez, employé municipal, imagine alors de les fabriquer en recyclant des déchets récupérés sur le site. L’orchestre de Cateura est né.
Une histoire qui ressemble à un conte de fées où de jeunes musiciens voyagent et deviennent un symbole pour les déshérités.
Résultats? Favio Chavez coche les trois cases du développement durable : Personne, Planète, Profit. Planète? «Le monde nous envoie ses déchets, nous lui renvoyons de la musique» : telle est la devise de l’orchestre de Cateura. Cette métamorphose a quelque chose de magique qui fait rêver et remplit d’espoir. Profit? Les concerts donnés par nos jeunes Paraguayens rapportent! «Les tournées financent les projets sociaux de l’orchestre : ainsi, non seulement 150 enfants du quartier suivent des cours à l’école de musique, mais certains peuvent aussi entamer des études supérieures payées par des universités. Les bénéfices recueillis ont aussi permis à plusieurs familles d’être relogées» (Arte). Aucune subvention ne leur est accordée, et les besoins sont encore bien loin d’être couverts dans un quartier aussi défavorisé. Quelques centaines d’enfants accompagnés, pour 35.000 habitants, ce n’est pas grand-chose, mais voilà un point d’ancrage qui n’est pas seulement symbolique. Pas un enrichissement orienté pur profit cependant, mais plutôt un développement économique.
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Personne ? C’est ici que le projet prend tout son sens. Les jeunes apprennent le temps long de l’apprentissage d’un instrument, contribuent à transformer l’image de leur quartier d’Assomption : la déchetterie devient un joyeux orchestre recyclé! La culture s’installe dans un lieu miséreux! Une histoire qui ressemble à un conte de fées où de jeunes musiciens voyagent et deviennent un symbole pour les déshérités. Des antihéros capables de construire un avenir meilleur pour eux-mêmes et leurs familles.
Le pouvoir déclencheur
À l’origine, un homme sans autre pouvoir que celui d’y croire.Favio Chavez est un authentique leader, à la fois déterminé et discret. Avant que cette histoire commence en 2006, Cateura n’est qu’une déchetterie sans espoir. Un homme a cru possible de transformer son quartier. Il est allé chercher au fond de lui l’amour de la musique pour faire rêver les autres. Il a convaincu les familles. Il a été un déclencheur. Il s’est entouré de personnes qui ont partagé son projet. Sans elles, rien ne pouvait avancer. Son pouvoir a consisté à transformer leur vision et à gagner leur adhésion.
On se méfie généralement du pouvoir. On le désire pour en profiter ou on le craint pour ses abus. Mais ici, le pouvoir prend le visage d’une initiative qui redessine le monde, et lui apporte une nouvelle coloration. Le pouvoir déclencheur d’une seule personne peut rassembler, donner envie, changer la donne, améliorer sensiblement la vie des autres. À son plus haut niveau, le pouvoir sert l’humain. Avec, pour Favio Chavez, cette discrétion, cette absence de fanfaronnade qui assure sa crédibilité.
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