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Longtemps, dans la tradition de l’Église occidentale, plus sensible à la Passion et à la Croix, la résurrection de Jésus a été comprise comme un miracle qui authentifiait la doctrine et la divinité de Jésus. Une théologie assez sommaire voyait dans sa levée d’entre les morts la récompense due à ses mérites. Sa victoire s’apparentait à un couronnement. Que manquait-il à cette conception étriquée de Pâques ? Le lien entre son destin singulier et celui de l’humanité était mal établi. Or, Jésus n’est pas un être isolé. Nouvel Adam, il a toujours agi en tant que chef de l’humanité nouvelle.
La Résurrection est plus qu’un miracle
L’événement de la Résurrection ne fait pas exception à cette règle. C’est en tant que “Premier-né d’entre les morts” (Col 1,18) qu’il quitte le tombeau. Autrement dit, il est “premier de cordée” et à ce titre il nous extirpe de nos tombeaux. Ce qui signifie qu’il est plus que LE Ressuscité, qu’une exception parmi le règne universel de la mort. Sa levée du séjour infernal n’a pas vocation à rester une belle prophétie qui attendra la fin du monde pour se réaliser en notre faveur. C’est dès maintenant que ce mystère glorieux touche dans ses profondeurs le sort de l’humanité. Il faut donc abandonner la conception de la Résurrection comme miracle apologétique, simple preuve du statut hors norme du fils de Marie, pour voir en elle l’œuvre de salut arrivée à son point décisif. Davantage que le Ressuscité, Jésus est surtout la Résurrection.
Jésus sort des enfers
Pour bien saisir cette nuance, il faut se demander de quel lieu Jésus s’extirpe le dimanche de Pâques. Est-ce uniquement du tombeau ? N’est-ce pas surtout des enfers ? Dans le premier cas, sa résurrection reste cantonnée à sa seule personne. En revanche, si c’est des enfers que Jésus est sorti, il devient celui qui délivre toute l’humanité des griffes de la mort et du pouvoir démoniaque. Pour illustrer cette réalité, rien n’est plus parlant que la célèbre fresque de l’Anastasis de l’église du monastère de Saint-Sauveur-in-Chora à Istanbul. On y voit Jésus tirer par les poignets Adam et Ève — de peur que leurs mains glissantes ne le laissent échapper — et les arracher de la sorte au pouvoir de la mort. C’est donc l’ensemble de l’humanité, représentée par nos premiers parents, que le Christ vient libérer des enfers. Ainsi, la résurrection de Jésus coïncide-t-elle avec celle des hommes et des femmes qui l’ont précédé et avec la résurrection de celles et ceux qui le suivront dans le temps de l’histoire. Voilà pourquoi le Ressuscité est aussi la Résurrection.
Au bénéfice de tous
Il faut rendre sa portée salvifique au mystère de la descente du Christ au séjour des morts et au combat qu’il y a livré. Le salut ne s’est pas opéré uniquement le Vendredi saint. Le Samedi saint et le dimanche de Pâques représentent également des événements de rédemption. Jésus ressuscite au bénéfice de tous. Le mystère de sa levée d’entre les morts n’est pas un fait extérieur à méditer à distance. Parce qu’il touche le chef de l’humanité, le Christ, chaque homme est en mesure d’intérioriser la victoire pascale dans son être le plus profond. En s’actualisant dans les sacrements, le mystère de la Résurrection devient nôtre. Il ne s’agit pas là d’un abus de langage. N’oublions pas que, chaque dimanche, c’est au Ressuscité que nous communions.