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“Je suis vraiment désolée, il y a quelque chose qui ne va pas.” À dix-neuf semaines de grossesse, Becky et Richard apprennent que leur bébé tant attendu est en danger de mort. L’échographie a révélé une tumeur sur le poumon de leur fille à naître, l’empêchant de se développer normalement. “Les médecins nous ont renvoyés à la maison pour choisir entre avorter ou permettre au bébé de mourir naturellement au cours des prochains jours, se souvient la future maman, nous avions le cœur brisé.” Et pourtant une alternative existait, Becky et Richard ont pu en bénéficier, et la petite Annie est aujourd’hui en bonne santé. C’est la chirurgie fœtale qui a permis ce miracle, à travers les mains du professeur Basky Thilaganathan, directeur de la médecine fœtale à l’hôpital St-George de Tooting (Royaume-Uni).
“Il n’est pas toujours possible de dire aux parents ce qu’ils veulent entendre, explique le professeur Basky, mais nous essayons de donner de l’espoir.” Pour Annie, l’espoir résidait en une opération in utero délicate, utilisant une aiguille et un laser pour bloquer le vaisseau sanguin alimentant la tumeur. Le risque que le bébé ne survive pas à l’opération existait “mais nous savions que c’était notre seul espoir” se souvient Becky. La petite fille est née en octobre dernier, avec des poumons fonctionnels grâce à l’intervention.
La chirurgie fœtale, un espoir pour les familles
C’est le cas pour le spina bifida, deuxième maladie rare la plus répandue en France après la trisomie (environ 1,3 enfant sur 1.000). Chez ces fœtus, le tube neural qui est à l’origine de la moelle épinière et du système nerveux ne se ferme pas complètement en début de grossesse, ce qui empêche les vertèbres de se souder correctement. La moelle épinière se trouvant directement au contact du liquide amniotique, les lésions s’accroissent jusqu’à ce que la chirurgie vienne refermer cette ouverture anormale. Plusieurs handicaps découlent de cette agression de la moelle épinière, parmi lesquels l’incontinence urinaire, la paraplégie, l’hydrocéphalie ou des troubles cognitifs…
Dès le diagnostic posé, les médecins proposent l’interruption médicale de grossesse, acceptée par la majorité des parents(1) . Pour la quinzaine de bébés qui naissent toutefois en France chaque année, le tube neural est refermé chirurgicalement dès la naissance. Si cette opération est réalisée pendant la grossesse, elle est plus risquée —avec un risque de fausse-couche d’1/100 — mais permet de réduire le degré de handicap de l’enfant à naître(2). “Cela peut faire la différence entre quelqu’un qui peut marcher et quelqu’un qui ne peut pas”, explique le Dr Bassel Zebian, neurochirurgien au King’s Hospital à Londres. En France, cette opération in utero est possible depuis 2014, en Angleterre depuis 2019, en partenariat avec la Belgique.
Cette opération signifie que j’ai fait de mon mieux pour elle.
Helena, par exemple, une mère britannique, a été opérée en Belgique par le professeur Jan Deprest, chirurgien fœtal. “Auparavant, le bébé devait être opéré après la naissance, mais maintenant que nous pouvons réaliser l’opération pendant la grossesse, la malformation est corrigée beaucoup plus tôt, ce qui permet de réduire les dommages causés à la colonne vertébrale. Cela augmente les chances que l’enfant puisse marcher et avoir plus de contrôle sur sa vessie et ses intestins.” Helena était inquiète vis-à-vis du risque de fausse-couche, “mais j’ai senti que je devais le faire pour elle, explique-t-elle, pour lui donner toutes les chances d’une qualité de vie meilleure”. “Cette opération signifiera que j’ai fait de mon mieux pour elle.”
Elle a été opérée le 8 décembre dernier, anesthésie locale pour elle, générale pour son bébé, qui ressent déjà parfaitement la douleur. La grossesse a pu se poursuivre jusqu’à la césarienne, le 19 mars et Mila — une abréviation de Milagro, qui signifie miracle en espagnol — est née en bonne santé. “J’ai ressenti une telle joie !” raconte Helena avec émotion. “Les médecins ont surveillé attentivement Mila les premiers jours, mais il n’y avait aucun signe de paralysie. Maintenant, elle peut sentir ses orteils, elle a des mouvements presque normaux et sa vessie et ses intestins fonctionnent normalement. Bien qu’il y ait un peu de liquide sur son cerveau — l’un des symptômes les plus mineurs du spina bifida — les médecins ne sont pas inquiets.”
(1) Selon France Assos Santé, sur 100 spina, 80% des parents choisissent l’IMG. Il y a cinq ans, on comptait même 95% d’IMG en cas de spina bifida, mais un nombre croissant de parents s’opposent à l’interruption de grossesse, d’une part parce que les femmes ont des enfants de plus en plus tard et craignent de manquer ensuite de temps pour tomber à nouveau enceinte, d’autre part pour des questions religieuses.
(2) Une étude menée par des chercheurs de l’université de Pennsylvanie, publiée en 2011 dans le New England Journal of Medicine, a montré que l’opération in utero améliorait sensiblement les chances des enfants touchés par cette malformation. L’étude a porté sur 158 cas, détectés avant la 26e semaine de grossesse. 50% d’entre eux ont été opérés in utero, et les autres à la naissance. Au bout d’un an, seulement 40% des enfants opérés in utero avaient eu besoin d’un shunt (intervention pour dériver le liquide céphalorachidien), alors que la proportion était de 82% dans l’autre groupe. Les petits patients opérés en prénatal étaient aussi beaucoup plus souvent autonomes pour marcher à trente mois que ceux opérés à la naissance (42% contre 21%)
Pour en savoir plus : Gènéthique.