Fondée en 1971 par l’abbaye bénédictine de Fontgombault dans l’Indre, l’abbaye de Randol est née de la volonté du père abbé de trouver un nouveau lieu pour accueillir les frères de la congrégation de Solesmes toujours plus nombreux. Contacté dès les années 1966 par l’évêque de Clermont-Ferrand qui lui exprime le désir de réimplanter des bénédictins dans sa région désertée, le père abbé se rend en Auvergne à la recherche d’un lieu propice.
Après plusieurs mois de recherche dans différents monastères abandonnés, rien ne semble convenir jusqu’à ce que le moine qui accompagne l’abbé durant son périple lui parle de la vallée de la Monne, un endroit idyllique où le bénédictin avait crapahuté lorsqu’il était scout et dont il avait toujours gardé d’excellents souvenirs. Un matin, le père abbé s’y rend et c’est l’évidence. Il est alors persuadé que depuis plus de 1000 ans cette vallée attend les moines. Il déclare même : “Si saint Bernard de Clairvaux devait fonder une nouvelle abbaye, il l’a fonderait ici”. Fort de cette conviction, il sort de sa poche une médaille miraculeuse, la bénie et la jette dans la vallée. Le soir même, les moines apprennent que le terrain est disponible.
Très vite le père abbé rencontre des architectes et martèle cette phrase qui va devenir le leitmotiv de tout le chantier pendant douze ans : “On construit pour 1000 ans !” Le choix de l’architecte se porte sur Louis Piessat, élève de Tony Garnier, grand maître du béton armé. Car c’est le matériau qui est choisi pour réaliser cette nouvelle abbaye flambeau neuve. Si les matériaux suggèrent une grande modernité dans la conception, le plan de l’abbaye respecte cependant l’ordonnancement classique des abbayes millénaires. L’abbé Bertrand de Hédouville, deuxième abbé élu en 2003, témoigne auprès de Aleteia de cette architecture respectueuse de la vie bénédictine : “Le monastère a été conçu autour du cloître comme dans toutes les abbayes. Le béton, s’il peut surprendre, n’enlève rien à l’harmonie des lieux. Au contraire, la sobriété et la qualité des volumes répondent à la finalité des lieux, celle du recueillement”.
Construite sur les pentes naturelles du terrain, l’abbaye s’échelonne sur cinq niveaux. À l’intérieur, une trentaine de moines âgés de 26 à 93 ans se consacrent à une vie contemplative en suivant la Règle de saint Benoît. Une vie rude, faite de prières et de silences, mais centrée autour d’une grande joie, celle de s’approcher du Christ un peu plus chaque jour. Dans cette abbaye aux lignes pures, les moines s’y sentent bien. “Nos cellules ne sont ni trop petites ni trop grandes. On peut y vivre sans que cela soit du luxe. Quant au cloître, sa taille est parfaitement adaptée. Il nous permet de faire des petits pèlerinages”, raconte le père abbé.
La chapelle, cœur de l’abbaye
Au cœur de ce paradis tranquille, la chapelle est le centre névralgique de la vie des moines. C’est là qu’ils se retrouvent huit fois par jour pour prier et chanter le grégorien. La journée débute à 5h du matin avec les Matines pour s’achever sur l’ultime prière du soir, les Complies, à 20h15. Sept offices quotidiens qui entourent la célébration du sacrifice du Christ, la messe, centre de la vie monastique. Cette chapelle, dans laquelle les fidèles peuvent pénétrer, est à l’image du reste de l’abbaye, d’une grande sobriété mais percée d’une belle lumière qu’apprécie tout particulièrement le père abbé. Le chœur, construit en forme d’ellipse, permet aux frères de garder une certaine intimité. Tout autour les vitraux offrent, tout au long de la journée, une douce lumière qui change au fil des heures. “Cela fonctionne comme un cadran solaire, c’est très beau”, souligne l’abbé Bertrand de Hédouville qui est particulièrement sensible à la beauté de cette chapelle qui invite indéniablement à la contemplation. “Tous ceux qui entrent sont admiratifs de son élévation. Elle est le signe de l’élévation de notre âme, de l’âme commune de nos frères. Nous sommes tendus vers Dieu et aidés par cette lumière.”
Le fromage, la grande spécialité des moines de Randol
Entre les temps de prière, les moines s’affairent au travail, deuxième grand pilier de leur vie monastique. Chez eux, la spécialité c’est le fromage ! Ils en proposent d’ailleurs cinq variétés différentes : “Nos fromages participent grandement au rayonnement de l’abbaye”, convient le père abbé qui souligne que la production est issue exclusivement du lait de vaches de l’abbaye et entièrement affinée dans les caves. Une petite librairie, où les livres sont scrupuleusement choisis invitent à cheminer dans la foi catholique, connaît également son petit succès malgré la concurrence des ventes en ligne. À cette activité s’ajoute l’accueil des pèlerins qui viennent jusqu’à Randol pour y trouver le repos du corps et de l’âme pendant quelques jours. L’hôtellerie, qui a été aménagée dans les anciennes maisons abandonnées du village de Randol, est très prisée. À tel point qu’on se bouscule pour venir ! “Ce village d’accueil est une bénédiction car il a suscité de nombreuses vocations. Pas spécialement chez nous, mais parfois dans d’autres communautés. C’est une joie !”, confie le père abbé.
Plus de cinquante ans après sa fondation, l’abbaye, qui n’a jamais eu besoin de gros travaux d’entretien, a réalisé un diagnostic auprès d’architectes. Malgré la trace de quelques fissures, ces derniers ont été rassurants : “Elle va durer 1000 ans !” Depuis deux ans donc, les moines entreprennent des travaux pour protéger quelques murs, refaire les gouttières, restaurer la coupole et le village qui accueille les pèlerins. Un chantier chiffré à 600.000 euros répartis en trois tranches. “Des travaux ordinaires mais qui sont nécessaires pour que notre abbaye perdure dans le temps”, conclue celui qui veille, avec affection, sur celle qui assure une présence bénédictine dans les terres d’Auvergne.