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Les âges de la vie se succèdent et l’homme de foi, à chacune de ces étapes, ne devrait tenir devant ses yeux qu’une unique et inébranlable perspective : servir Dieu de tout son corps et de toute son âme car tel est le signe d’un amour véritable et non point théorique ou exprimé du bout des lèvres.
L’exemple nous vient de haut et de loin. Dès l’origine des relations entre la créature et son Créateur, ceux qui furent donnés en modèle, qui apparurent comme des piliers et des phares, hommes et femmes, furent des serviteurs. Non point le serviteur occasionnel qui ne met guère d’enthousiasme à la tâche, mais celui qui retrousse ses manches, qui ne regarde pas l’heure et qui n’économise pas sa peine. L’écrivain argentin Leonardo Castellani, prêtre qui ne manqua point d’énergie pour accomplir la volonté du Maître à travers de multiples méandres, a cette formule puissante : “Ce qui est éternel, c’est l’âme de l’homme pour servir” (cité dans La Vérité ou le Néant). Et, ce faisant, il entend “servir” en son sens le plus puissant, à savoir “être utilisé”.
Mieux vaut se taire et être, que parler et ne pas être.
Le serviteur, toujours actif, ne rechigne pas et ne discute pas les ordres du maître, pas même ceux qui sont apparemment absurdes. Le serviteur de Dieu est un esclave, et cela est un titre de noblesse. Telle est l’Ancilla (la servante-esclave) qui se déclare, en Marie toujours Vierge, donnée et consacrée à Dieu alors qu’Elle est soudain investie par un projet divin paradoxal et humainement absurde : une vierge va enfanter et une femme humaine va porter en son sein et enfanter le Fils de Dieu. Cela a pu se réaliser car cette jeune fille immaculée a ratifié son rang de servante, solennellement, comme réponse à l’Archange. Celle que nous allons fêter dans son Assomption, qui sera couronnée en Paradis, est d’abord et avant tout une servante. Il n’est pas étonnant que les apôtres, et leurs successeurs, prissent à leur tour ce titre de serviteurs. Le premier parmi eux, saint Pierre, se confessa lui aussi comme le serviteur des serviteurs, titre éminent, appelant à une grande humilité, transmis depuis à tous les papes.
Serviteur et ami
Qu’accomplit essentiellement un serviteur ? Les tâches les plus diverses, les plus ordinaires mais qui, en même temps, rendent la vie facile et confortable au seigneur. Sans lui, presque rien ne serait possible, ou, en tout cas, serait désordonné et chaotique. Il est admirable de tenir ce rôle, effacé et crucial. Personne d’importance ne portera jamais son attention sur le serviteur, présent comme une ombre et silencieux comme une carpe. Saint Ignace d’Antioche, s’adressant aux communautés chrétiennes persécutées durant ce Ier siècle, insiste sur le point suivant : “Mieux vaut se taire et être, que parler et ne pas être.” Voilà un rappel ou un conseil qui ne devrait pas tomber dans l’oreille d’un sourd. Le serviteur ne met pas son grain de sel dans les conversations qu’il entend, sans les écouter. Il ne rapporte rien et ne divulgue rien à l’extérieur. Il garde pour lui ce dont il est témoin. Il ne s’étale pas en public en fanfaronnant, s’il est un serviteur exemplaire bien entendu. Le chrétien est amené à devenir, de mieux en mieux, un tel serviteur, jusqu’au moment où le Maître ne l’appellera plus “serviteur” mais “ami”, comme le dit Notre Seigneur à ses apôtres au seuil de sa Passion tout en leur lavant les pieds et en leur répétant qu’ils ont raison de le regarder comme Maître, ce qu’Il est et demeurera vraiment.
Saint Pie X eut un jour cette formule : “On n’applaudit pas le serviteur dans la maison du Maître” alors que les fidèles rassemblés dans la basilique Saint-Pierre laissaient s’exprimer bruyamment leur joie à son passage. Lui, le serviteur des serviteurs, rappelait avec à-propos qu’il ne faut pas se tromper d’objet de dévotion. Celui qui nous appelle ses amis, qui nous a donné l’exemple d’un service entier allant jusqu’au sacrifice de sa vie, n’en est pas moins notre Roi. Comme toujours, la relation entre Dieu et l’homme qu’Il révèle est paradoxale puisque soudain, grâce à Lui, le serviteur se retrouve dans la familiarité du Maître et investi par Lui de la charge de sa maison, de son royaume. Le Christ a donné les clefs à saint Pierre, misérable serviteur au moins pendant la vie publique et la Passion de Notre Seigneur. Dieu fait confiance à ses serviteurs et pourtant Il ne cesse d’être trompé, trahi. Jamais Il n’affiche sa déception et Il ne retire pas à l’homme les talents qu’Il lui a remis. Dieu est, par excellence, le modèle de ce “présupposé favorable” cultivé par saint Ignace de Loyola.
L’exemple de Marthe et Marie
Un des épisodes évangéliques majeurs mettant en valeur le service est celui où Marthe et Marie, sœurs de Lazare, reçoivent — comme elles le faisaient régulièrement — Notre Seigneur dans leur maison de Béthanie. Il s’agit d’un service à double visage à savoir celui des préoccupations matérielles et celui de la croissance de la vie intérieure. Le peintre espagnol Velázquez, à plusieurs reprises, a représenté cette scène. Une des versions, actuellement à la National Gallery de Londres, est particulièrement parlante car, comme cela était souvent le cas dans la peinture hollandaise, le Christ et les deux sœurs sont en arrière-plan, presque minuscules, tandis qu’au premier plan sont campées deux servantes, l’une jeune et rubiconde, l’autre âgée et fripée. La jeune servante est le Nouveau Testament et elle travaille : elle écrase les épices, ail et piment rouge, ingrédients pour repousser le mal, pour tuer le péché. Elles seront utilisées pour apprêter les poissons, symboles du Christ, avec les œufs, symboles de la Résurrection. L’Ancien Testament, vieille servante qui a rempli son rôle et qui va se reposer de ses longues années de labeur, montre du doigt le Maître entouré de Marthe et Marie, chacune dans sa mission, tandis que la jeune cuisinière nous regarde afin que nous nous fixions désormais sur l’Évangile. Elle a beaucoup de recettes sous le coude et les préparera avec soin et amour pour notre plus grand plaisir.
Celui qui met en ordre
Nous réduisons trop souvent le champ d’action du service à des tâches subalternes et matérielles. Le service est plus que cela, puisqu’il est à la fois action et contemplation. Il est aussi, de cette façon, ce qui lie les choses entre elles, ce qui met en ordre. Une bonne servante, un bon majordome sont ceux qui ont l’œil à tout, au moindre détail. À cela se reconnaîtra le serviteur bon et fidèle. Lorsque le Maître rentrera de voyage, il trouvera ses serviteurs alignés devant la porte du château, comme ces domestiques dans les prestigieuses demeures britanniques. Le Maître les passera en revue, adressant un mot à chacun, demandant des comptes à ceux auxquels des choses importantes avaient été confiées, mais tous devront répondre exactement de la mise à profit, ou non, de ce qu’ils avaient reçu. Dans la parabole des talents, Notre Seigneur fait ainsi parler le maître de retour chez lui : “Serviteur bon et fidèle : parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup : entre dans la joie de ton maître. […] Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne où je n’ai point semé, et que je recueille où je n’ai rien mis. […] Jetez ce serviteur inutile dans les ténèbres extérieures : là seront le pleur et le grincement de dents” (Mt, 25. 21, 26, 30).
Prenons le temps de réfléchir soigneusement sur notre sens du service et sur le contenu de celui qui est attendu de nous par Dieu. Nous serons surpris de découvrir qu’il faut réajuster bien des angles d’attaque et que notre dévouement envers le Seigneur est plutôt tiède car nous posons tant de conditions et d’exigences avant de nous consacrer, plus ou moins, à Lui. Puissions-nous suivre les traces, même de loin, de la Sainte Vierge et être accueillis, en temps voulu, à notre dernier jour, par le Maître nous couronnant pour l’éternité de la charge de serviteur traité en ami.