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Il a laissé derrière lui une œuvre artistique prolifique et marqué, à jamais, la Bretagne de son empreinte. Né en en 1906 à Sarzeau, dans le Morbihan, Xavier de Langlais est un artiste pluridisciplinaire : peintre, graveur, écrivain, son attirance pour les arts a été inépuisable. En 1922, après un passage à l’école des Beaux-arts de Nantes pendant quelques années, il rejoint celle de Paris et s’éloigne de sa terre natale. Étonnement, c’est là-bas que son amour pour la Bretagne le rattrape. En 1928, de retour dans sa région d’origine, il rejoint le mouvement Seiz Breur, un collectif d’artistes bretons de l’entre deux guerres qui défend le renouveau de l’art breton.
Un artiste animé par la foi
Si son amour pour la Bretagne transcende sans conteste son œuvre, c’est surtout sa foi profonde qui a fait germer en lui ses plus beaux chefs-d’œuvre. En témoignent encore les nombreux chemins de croix qui ornent les murs des églises bretonnes et devant lesquels les fidèles continuent de se reccueillir. Animé par des valeurs chrétiennes sans lesquelles il ne peut travailler, Xavier de Langlais fonde naturellement l’Atelier breton d’art chrétien avec l’architecte James Bouillé. De là commence alors une carrière de décorateur d’églises. De 1936 à 1966, il va décorer pas moins de dix-huit églises et réaliser neuf chemins de croix.
Sa première grande œuvre, on peut l’admirer dans la chapelle de l’Institution Saint-Joseph de Lannion (Côtes-d’Armor) construite dans les années 1930. La chapelle d’origne étant trop petite, on décide de l’agrandir. Jacques Bouillé et Xavier de Langlais sont choisis pour mener à bien ce projet d’envergure. À l’intérieur, le jeune peintre réalise la grande fresque qui décor le mur du chœur. On y voit des scouts rendant hommage à la Sainte Famille. Le plus saisissant est sans doute son chemin de croix. Très expressifs, les visages témoignent d’une grande variété d’émotions passant de la douceur à la douleur. Dans tous ces chemins de croix, le visage du Christ est celui sur lequel il porte le plus d’attention et les expressions sont souvent d’une grande intensité. Gaétan de Langlais, l’un des quatre fils de l’artiste et ardent admirateur de l’œuvre de son père, témoigne auprès d’Aleteia de son attachement pour le chemin de croix de Lannion : “C’est l’une de mes œuvres préférées. J’aime l’énergie qui s’en dégage, son coup de crayon est vigoureux.”
Témoin direct de la vie de l’artiste, Gaétan de Langlais se souvient de la foi profonde qui animait son père : “Elle tenait une place essentielle dans sa vie. Il l’avait héritée de sa propre mère, elle-même profondément chrétienne. Ses pensées, inscrites dans son Journal de peintre, en témoignent”. Fidèle défenseur de l’œuvre de son père, Gaétan de Langlais continue, aujourd’hui de promouvoir sa riche production et tente aussi de racheter ses plus belles toiles dont de nombreuses sont chez des collectionneurs privés.
Un artiste à la recherche du Beau
Tel un sacerdoce, l’amour de Xavier de Langlais pour l’art religieux va ainsi irriguer toute sa carrière artistique. Les commandes affluent et son talent s’affine au fil des années. Perfectionniste, il a un profond désir de faire toujours mieux, quitte à détruire ses premières toiles qu’il estime, tout à coup, indignes. Une obsession de la perfection qui transparaît dans ses écrits, notamment lorsqu’il parle de son travail à la chapelle de Lannion : « C’est pour le moment ma meilleure chose, à beaucoup près. Je le dis toujours de mon dernier travail. Et chaque fois j’ai raison ! Aux yeux des autres comme aux miens. C’est la terrible preuve par neuf, des progrès à accomplir encore. Pour la première fois, je m’exprime presque pleinement dans certaines parties. Quelle leçon qu’un pareil travail ! Aurai-je deux fois dans ma vie une aussi belle occasion de me révéler ! ». Son fils, qui a lui-même été témoin de ces destructions, raconte avec tristesse ces coups de sang qu’il ne comprenait pas : “Il m’est arrivé une fois de le disputer fortement. Il avait détruit une œuvre représentant un aveugle que je trouvais sublime. Il l’avait découpée en petits morceaux. Pour me consoler, il m’avait offert l’étude préparatoire. C’est tout ce qu’il me reste”, se souvient-il encore avec peine.
Des destructions, il y en a eu de nombreuses. Et pas seulement de son fait. En 2016, un incendie accidentel détruit le chemin de croix qu’il avait réalisé pour l’église de Trémel (Côtes-d’Armor). Un choc pour toute la famille. “Ce qui est malheureux, c’est qu’il s’agissait de l’une des œuvres préférées de mon père”, raconte avec tristesse Gaétan de Langlais. “Il avait même fait des copies exactes de deux stations qu’il aimait particulièrement. Heureusement, nous avons encore cela”. Actuellement en restauration, l’église de Trémel devrait rouvrir l’année prochaine. Un artiste a d’ailleurs été engagé pour faire la copie exacte du chemin de croix de Xavier de Langlais qui retrouvera ainsi sa place dans l’édifice.
“Chaque jour, je loue et remercie Dieu pour m’avoir accordé ce don de création”
Les œuvres de Xavier de Langlais en Bretagne sont si nombreuses qu’il serait impossible de toutes les citer. Mais l’une attire davantage l’attention. Elle se situe à Saint-Brieuc. En 1956, l’artiste est invité à décorer la chapelle de l’ancien évêché. Un décor impressionnant, de douze mètres de long, aujourd’hui replacé dans le cloître du nouvel évêché. Cette œuvre, aux couleurs vives, représente les principaux saints évangélisateurs de Côte d’Armor comme saint Brieuc, saint Pol de Léon ou encore saint Tugdual. Le 5 septembre 1956, alors qu’il travaille sur cet extraordinaire décor, il écrit : « De plus en plus je suis passionné par ce magnifique métier qui est le mien, le métier de peintre ! J’éprouve toujours le même émerveillement devant un mur blanc ou une feuille de papier vierge et chaque jour, je loue et remercie Dieu pour m’avoir accordé ce don de création qui me dispense à la fois tant d’inquiétude et tant de joie !”
Parmi son importante production, les “tableaux de mission” font figure d’ovni. Très à la mode à partir du XVIIe siècle, ils étaient destinés à l’enseignement de la religion. Tombés en désuétude dans la deuxième moitié du XXe siècle, ils ont pourtant marqué toute une époque, notamment la Bretagne, et Xavier de Langlais en fut le dernier représentant. « Le sujet me plaît indéfiniment. Ce n’est que peu à peu que j’ai compris ce qu’il était possible de tirer de ces grandes compositions symboliques. Lutte du bien et du mal, de la vie et de la mort… », écrivait l’artiste en 1936 dans son Journal. Des œuvres saisissantes dont certaines sont exposées actuellement dans la chapelle des Ursulines de Lannion jusqu’à l’automne.
Au sommet de son art avant l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, Xavier de Langlais voit sa production religieuse ralentir au sortir du conflit. Les commandes religieuses se raréfiant, il se tourne davantage vers la gravure où il excelle tout autant. Un pan de son œuvre méconnu du grand public mais très riche, comme en atteste son fils qui a recensé pas moins de 700 œuvres gravées. Touché, lui aussi, par la fibre artistique, Gaétan reconnaît l’avoir héritée de son père : “Mon sens artistique s’exprime personnellement à travers la photographie. Mais la foi qui m’anime et mon amour pour l’art viennent de mon père, assurément. C’est un héritage extraordinaire”, raconte-t-il avec émotion en se rappelant des visites qu’il faisait, adolescent, dans l’atelier de son père. “J’étais médusé par son habileté”, se souvient-il. Xavier de Langlais est assurément un artiste à redécouvrir.
Exposition Xavier de Langlais, chapelle des Ursulines à Lannion, jusqu’au 9 octobre 2021.