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Le brave Charles Dubec-Crépin me regarde tous les jours dans la sacristie de mon église. Curé de Saint-Paul entre 1481 et 1501, il commence sa charge curiale sous Louis XI, exerce sous Charles VIII et meurt sous Louis XII. Pendant son office, Savonarole gouverne Florence et meurt brûlé vif, un certain Christophe Colomb découvre de nouvelles routes et de nouveaux empires, le petit Martin Luther voit le jour ainsi que Soliman le Magnifique, les oliviers gèlent en Provence et Alexandre VI Borgia est l’improbable pape de 1492 à 1503. Chaque fois que je le regarde, je m’applique à penser qu’il ne sert à rien de se lamenter sur les temps en espérant que tout ira mieux demain ou en craignant que l’effondrement final est pour demain : la situation quotidienne est juste normalement catastrophique et nous n’avons que le retour du Christ à attendre.
Résumée en quelques lignes, chaque époque contient son lot de problèmes insolubles et l’annonce de catastrophes définitives à venir. Il n’est pas possible d’appliquer à l’Histoire le déterminisme des sciences et rien ne peut être définitif dans les perspectives d’une situation même si elle a été justement posée. Cette Histoire est façonnée par la liberté des hommes qui la construisent mais nous avons souvent le sentiment d’être un petit bouchon de liège pris sur les flots de cette histoire qui nous emporte.
Une génération inquiète
Une vaste étude publiée par The Lancet Planetary Health a été menée auprès des jeunes sur le climat (7/9/21). Le pessimisme domine concernant l’avenir : trois quarts des jeunes sondés pensent que le futur est effrayant et plus de 50% estime que l’humanité est condamnée. L’éco-anxiété frappe cette génération des 16-25 ans et les chercheurs alertent sur la santé mentale des jeunes en raison de cette inquiétude face au climat. Bien sûr on pourrait répondre qu’ils n’ont pas encore l’âge de s’inquiéter d’autre chose et que d’autres problèmes prendront le pas sur leur anxiété en vieillissant. Mais cette étude menée dans dix pays (Australie, Brésil, France, Finlande, Inde, Nigéria, Philippines, Portugal, Royaume-Uni, États-Unis) nous oblige à prendre en compte l’inquiétude de cette génération, inquiétude qui nous a été épargnée quand nous étions jeunes.
Il serait facile de balayer d’un revers de la main ce souci en leur montrant qu’il y a des problèmes bien plus graves, aujourd’hui et pour l’avenir du monde, ou prendre une posture éco-sceptique qui épargne de poser les vraies questions. Les “adultes” ne seraient-ils pas aveuglés par leur conscience des problèmes passés et qui ont été plus ou moins réglés au fil des siècles pour ne plus pouvoir discerner les problèmes à venir et auxquels nous n’avons jamais été confrontés ? Par ailleurs, il s’agit d’une urgence planétaire et non plus simplement de sursauts politiques d’une nation ou d’un continent. La mondialisation qui avait commencée avec les premières guerres mondiales il y a cent ans se poursuit par une mondialisation des échanges médiatiques et économiques, mais aussi une mondialisation des problèmes écologiques.
La réponse de l’écologie intégrale
Les problèmes du passé se réglaient par une guerre, des rétorsions économiques, l’envahissement du prédateur ou différentes actions qui renversaient les tyrans. Cette panoplie à la disposition des peuples pour faire advenir un monde meilleur semble être une boîte à outils inutile aux problèmes écologiques qui se posent et nous ne pouvons pas rassurer les jeunes générations en leur disant que nous allons envahir la Chine qui pollue trop (!) ou en leur disant que leur vote sera capital alors que la France ne représente qu’1% de la production mondiale de CO2. Ils sentent bien qu’un problème global nécessite une réponse globale et leur sentiment d’impuissance n’en est qu’accru.
La parole du Christ donne la vie et à chaque époque nous sommes ces porteurs d’espérance et nous pouvons changer le monde.
Mais un chrétien dira que la situation est juste normalement catastrophique : notre espérance chrétienne peut leur offrir une prise de conscience sur une nécessaire écologie intégrale qui seule permettra la résolution de ces problèmes et l’apaisement de leur anxiété. Là encore, Laudato Si’ doit être étudié et proposé aux jeunes générations comme un ferment d’espérance chrétienne pour les problèmes de notre temps et d’espérance existentielle pour leur vie personnelle. Ne laissons pas nos jeunes dans l’anxiété d’une vie qui n’a pas de sens et dont l’avenir semble condamné par des problèmes mondiaux : la parole du Christ donne la vie et à chaque époque nous sommes ces porteurs d’espérance et nous pouvons changer le monde. Notre salut ne vient pas de la Terre mais la Terre — jusqu’à notre propre existence — nous est donnée par Dieu : c’est dans cette structuration de nos responsabilités et de notre vocation que nous pouvons et devons à la fois agir et être apaisés.