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« Saint Pierre est un signe d’espérance pour les pécheurs »

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St Peter the apostle

Adam Jan Figel/Shutterstock

Saint Pierre, Michael Pacher (1435–1498), Belvedere Museum of Vienna.

Agnès Pinard Legry - publié le 07/11/21

Modeste pêcheur, Pierre est l’homme qu’a choisi Jésus pour être le chef de l’Église. Constamment tiraillé entre son engagement et ses doutes, entre ces aspirations et ses faiblesses, il est mystère autant qu’une évidence. "Sans Pierre, il n’y a pas d’unité", explique à Aleteia l’historien Christophe Dickès, qui vient de publier "Saint Pierre, le mystère et l’évidence". Entretien.

Il est l’homme le plus cité dans le Nouveau testament après Jésus. Pierre, simple pêcheur de Galilée, est celui que Jésus a choisi pour être à la tête de son Église. « À trois reprises, on voit Pierre recevoir une mission et à trois reprises il n’est pas à la hauteur du moment », explique à Aleteia l’historien Christophe Dickès, qui vient de publier Saint Pierre, le mystère de l’évidence. « Eh bien en dépit du fait que Pierre ne soit pas à la hauteur au cours de ces trois événements, Jésus lui confie son Église ! Vous avez là un résumé de l’histoire de l’Église elle-même : de ses grandeurs mais aussi et surtout de ses insuffisances et même de ses fautes. Il s’agit pour nous d’un mystère… ».

Aleteia : Que représente saint Pierre pour les catholiques ?
Christophe Dickès : Pierre est avant tout le premier chef de l’histoire de l’Église. C’est pour cette raison qu’on dit qu’il est le premier pape, même si le terme de pappa en grec apparaît bien plus tard, au IVe siècle. À l’époque, ce terme n’était pas réservé à l’évêque de Rome. Ce n’est que bien plus tard, au moment de la réforme grégorienne au XIe siècle, que l’expression de pape deviendra exclusive et réservée au pontife romain. En fait, on connaît peu de choses de Pierre : on se rappelle son reniement, ses maladresses et ses interrogations auprès de Jésus… et c’est à peu près tout. J’ai souhaité par cet ouvrage lever le voile sur la réalité de cet homme cité 154 fois dans le Nouveau Testament. Ce qui est peu pour l’historien mais beaucoup pour les évangiles et les Actes des Apôtres. En effet, Pierre est le personnage le plus cité après Jésus.

Modeste pêcheur, rien ne le prédisposait à ce qu’il occupe la première place…
Effectivement, j’essaie de montrer dans mon livre que Pierre était un homme comme les autres. Jésus aurait pu choisir un grand prêtre, un soldat ou un homme comme Jean-Baptiste… Non, il choisit un simple pêcheur de Galilée, habitant loin de Jérusalem. On dirait aujourd’hui un « provincial ». Peu cultivé, Simon Pierre pratiquait une activité répandue, la pêche, dans le cadre d’une petite coopérative. Son bateau était son seul bien mais un véritable investissement pour l’époque avec un matériel important : des lignes, des filets courts et longs qui permettaient de travailler selon différentes techniques mentionnées d’ailleurs dans les évangiles. C’est un des points qui m’a le plus frappé : les évangiles nous révèlent les techniques de pêches de l’époque. J’ai ainsi fait des recherches sur cet univers en essayant de comprendre ce qu’était un pêcheur dans la Palestine du Ier siècle.

Tout le monde, croyant ou non-croyant, a déjà entendu cette phrase : « Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Église ». Que dit-elle de lui et de l’Église ?
Ces mots sont extraits de l’Évangile de Matthieu. Jésus confie son Église à Pierre dans les environs de Césarée-Philippe. Il s’agit d’un moment essentiel de l’évangile même s’il ne faut pas oublier l’Évangile de Luc au cours duquel Jésus dit à Pierre d’affermir ses frères dans la foi. Un passage auquel il faut enfin ajouter le dernier chapitre de Jean, quand Jésus demande de paître ses brebis. À trois reprises, on voit Pierre recevoir une mission et à trois reprises il n’est pas à la hauteur du moment. Chez Matthieu, Jésus lui dit juste après lui avoir confié son Église : « Arrière de moi Satan ! ». Chez Luc, le Christ lui annonce qu’il a prié pour que sa foi ne défaille pas. Chez Jean, Pierre dit aimer Jésus mais en amitié : il ne s’agit pas d’un amour inconditionnel. Eh bien, en dépit du fait que Pierre ne soit pas à la hauteur au cours de ces trois événements, Jésus lui confie son Église ! Vous avez là, un résumé de l’histoire de l’Église elle-même : de ses grandeurs mais aussi et surtout de ses insuffisances et même de ses fautes. Il s’agit pour nous d’un mystère…

Pierre est le chef et le porte-parole des apôtres, celui qui prend le glaive au jardin des Oliviers, qui entre le premier au tombeau ou prend la parole après la Pentecôte.

Vous dites aussi que Pierre est une évidence. Pourquoi cela ?
Parce que sans Pierre, il n’y a pas d’unité. Oui, on peut reprocher bien des choses à Pierre et avant tout son triple reniement… mais sans Pierre, il n’y a que division. Prenez le dernier chapitre de saint Jean au cours duquel Jésus confie son troupeau à Pierre. Nous savons que ce chapitre a été écrit par le communauté Johannique qui était attristée par la mort de son chef, saint Jean lui-même. Elle comprend alors que la seule solution pour elle est de « rallier » la communauté de Pierre. Elle le fait dans un souci évident d’unité.  

Comment Pierre s’est-il imposé en « leader » des apôtres ?
Pierre ne s’impose pas. C’est un trait de sa personnalité que l’on retrouve au fil de l’ Évangile et des Actes des apôtres. Il ne revendique pas la première place. J’écris que, bien conscient de ses faiblesses, il n’a pas de prétention ni d’ambition personnelle. D’ailleurs, il n’a pas écrit lui-même d’évangile. Le père Fabre nous explique qu’il fait ainsi « comme un pas de côté ». Il ne veut pas être au centre. Et pourtant, il est bien le chef et le porte-parole des apôtres. Il est surtout le premier des apôtres à poser un acte de Foi à Césarée-Philippe. Il est aussi celui qui prend maladroitement le glaive au jardin des Oliviers, qui entre le premier au tombeau ou prend la parole après la Pentecôte. Il est aussi le premier à baptiser un païen.

Comment s’est-il retrouvé de Jérusalem à Rome ?
Nous avons peu d’éléments sur la présence de Pierre à Rome. Cependant, aucun historien sérieux ne contexte le fait qu’il y soit mort. Les débats portent davantage sur le nombre de séjours de Pierre dans la capitale impériale : pour certains, il y serait allé qu’une seule fois. Pour d’autres, comme Mgr Minnerath, il y serait venu à plusieurs reprises. Il est difficile de trancher une telle question, faute de sources. Même l’année de sa mort est contestée. Je crois, pour ma part, qu’il a bien été supplicié à Rome sous Néron, à la suite du fameux incendie de Rome en 64. L’épisode n’est pas glorieux : la communauté chrétienne est, comme en Orient, divisée. D’après Clément de Rome, pape de la fin du Ier siècle, nous comprenons que la tendance judéo-chrétienne intransigeante aurait dénoncé Pierre aux autorités. C’est l’hypothèse la plus probable. La tradition nous dit que Pierre a été crucifié la tête en bas. En fait, ces sont les évangiles apocryphes qui évoquent un tel supplice…  

Pourquoi associe-t-on Pierre et Paul ?
Ils sont malheureusement trop souvent dissociés du fait des mots de saint Paul lui-même : Pierre se serait réservé la conversion des juifs, Paul celle des gentils. Mais saint Luc, auteur des Actes, montre bien l’universalité du message pétrinien… Par ailleurs, vous auriez dit à un chrétien des premiers siècles qu’il faut séparer Pierre et Paul, il vous aurait regardé avec des yeux ronds. Toute l’iconographie chrétienne de l’époque montre l’association des deux hommes : c’est que l’on appelle la concorde apostolique. On représentait aussi Pierre recevant la nouvelle loi des mains de Jésus sous le regard et le témoignage de Paul : ce que l’on appelle la Traditio Legis. L’abside de l’ancienne basilique de Saint-Pierre de Rome, construite sous Constantin et détruite sous le pape Jules II au début du XVIe siècle, représentait le Christ entouré des deux apôtres.  

On dit du Pape qu’il est le « successeur de Pierre ». Pourquoi ?
François n’a pas succédé à Benoît XVI qui, lui-même, n’a pas succédé à Jean Paul II. Non. Chacun de ces papes a succédé à saint Pierre. Il en est ainsi du pouvoir pétrinien qui se transmet dans une tradition inscrite dans les Actes des apôtres par l’imposition des mains. Pour les protestants, il n’y a eu qu’un pape : Pierre. Pour les catholiques, cette succession s’inscrit dans cette tradition apostolique qui concerne à la fois les évêques, successeur des apôtres, mais aussi le Pape lui-même, successeur de Pierre.   

Avec Pierre, quelle est l’espérance des chrétiens ?
Elle est essentielle. Dans les Actes des apôtres, Pierre s’identifie au Christ. Quant à nous, il nous est facile de nous identifier à Pierre lui-même avec ses faiblesses, ses fautes, ses peurs… mais aussi sa foi, ses élans, son enthousiasme… Comme l’écrit si bien la journaliste Alexia Vidot, nous sommes parfois au sommet du mont Thabor en adoration mais, ensuite, nous devons redescendre et reprendre nos petites vies avec nos petites habitudes et nos faiblesses, plus ou moins grandes. Pierre, nous dit aussi les chercheurs de l’école biblique de Jérusalem, est au centre du message évangélique parce qu’il reçoit le pardon et la miséricorde divine après son reniement. N’est-ce pas là un signe d’espérance pour tous les pécheurs ? Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Epître de Pierre nous demande de rendre compte de l’espérance qui est en nous. 

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Saint Pierre : le mystère et l’évidence, Christophe Dickès, éditions Perrin, novembre 2021, 24 euros.

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