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L’un des grands intérêts du rapport de la Ciase sur les abus et agressions sexuels au sein de l’Église est d’offrir une réflexion renouvelée sur la notion d’autorité. Son analyse et ses recommandations peuvent s’appliquer aux organisations sociales, comme l’entreprise. À ce titre, le dirigeant chrétien y trouvera un intérêt certain. L’entreprise est en effet lieu d’exercice du pouvoir. Un lieu, physique ou remote (à distance), qui met en relation des personnes dans un rapport de subordination. Du pouvoir, il faut penser l’abus. Or, dans l’entreprise, communauté humaine non démocratique, l’abus se confond souvent avec l’usage.
Une cartographie des risques
« Identifier toutes les formes d’abus de pouvoir — au travers d’un travail s’apparentant à une cartographie des risques. » Cette phrase tirée de la recommandation numéro 3 du rapport de la Ciase est intéressante à plusieurs titres. Au sein de l’entreprise, l’abus de pouvoir n’est pas un risque, c’est une pratique courante, au moins un effet systémique.
Dans un grand groupe ou dans une PME, il est conseillé de prendre en compte et d’établir une cartographie des risques. Mieux identifier les postes sujets à l’abus pour former les personnes voire juguler les situations est un impératif. Pour le dirigeant chrétien, c’est un appel à un travail de discernement sur ses pratiques, ses habitudes pour se remettre en cause et détecter les situations d’abus comme de souffrance.
La conscience critique
Deuxième enseignement utile de la Ciase en direction des entreprises, l’exercice du jugement critique. La recommandation 6 préconise d’« enseigner aux fidèles et, en particulier, aux plus jeunes et aux adolescents, l’exercice de la conscience critique en toutes circonstances ». Ce passage pose un clair-obscur sur l’esprit critique au sein de l’entreprise. Nous savons tous quels sont les risques de l’esprit grégaire : le troupeau tremblant collé à la ou le dirigeant(e)…
L’esprit critique, dans sa forme bienveillante, est rare ; le courage de s’élever contre une situation ou d’apporter un esprit contraire l’est tout autant au sein des entreprises. Chaque personne chargée de diriger, et de trancher, devrait au contraire faire fleurir l’esprit critique au moment des analyses et les valoriser comme un enrichissement. Sanctionner, faire taire, railler ou laisser la meute des N-2 éteindre une voix différente n’apporte finalement que l’appauvrissement de l’action ou des concepts qui la sous-tendent.
Faire advenir le sujet
L’expression populaire « ce n’est pas parole d’Évangile » nous revient en tête avec ce passage de la recommandation 3 : « Souligner que les Évangiles doivent être source d’inspiration pour un accompagnement où l’enjeu est de faire advenir le sujet et non pas de le dominer dans une manipulation. »
L’abus naît de la position dominante, il prospère aussi à l’ombre des « faux prophètes », ceux qui savent manipuler un texte, pervertir des situations. C’est ainsi que l’on peut écraser l’humain au nom du chiffre d’affaires, détruire des personnes au bénéfice de ce monstre froid que peut devenir l’entreprise. Au sein d’une entreprise respectueuse des personnes, ne pas manipuler la vérité au service du chiffre d’affaires devrait être une attention constante.
La charité en commun
Comment « de mauvais arbres ont pu porter de bons fruits » ? Cette question extraite de la recommandation numéro 5 associe effroi et espérance. Oui, de mauvais arbres ont poussé dans certaines communautés offrant des situations détestables d’abus et de violences sexuels. Pourtant, sur ces mauvais arbres, de bons fruits sont nés. Cet espoir montre que, même au sein d’une communauté ou d’une entreprise, le collectif, la charité en commun, le bon sens humain, peuvent venir contrecarrer les abus.
Si l’ensemble des 45 recommandations de la Ciase n’a pas vocation à s’adresser au monde de l’entreprise, leur approche de la notion d’abus reste instructive. L’entreprise d’inspiration chrétienne peut progresser dans la dynamique de ces recommandations, voire s’imaginer comme une « entreprise à mission » qui ne vit pas que pour le chiffre d’affaires. Une fine ligne, mais un beau chemin !