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Il y a quinze jours je reçois le « texto » d’une journaliste qui rédige un article sur l’archevêque de Paris, Mgr Aupetit. Elle me propose de parler librement, « évidemment en off », en me promettant que mon nom ne serait pas cité car, m’écrit-elle, « la liberté de parole semble si limitée » que le « off » est indispensable. Elle me donne en fait un blanc-seing pour baver librement. Je n’ai pas répondu et, devant son insistance le lendemain matin, je lui écris que je ne suis pas intéressé car les témoignages anonymes sont comme les lettres anonymes : on les jette sans en tenir compte.
Un article est ensuite sorti dans Le Point, entièrement à charge, comportant des erreurs et des points de vue univoques. Visiblement cette journaliste n’a pas manqué d’informateurs anonymes, certainement prêtres, pour raconter des événements et en tirer des conclusions hâtives. Un autre journaliste, du Parisien cette fois-ci, m’appelle après la parution de cet article pour que je confirme ou infirme les faits cités et que je révèle qui — à mon avis — a révélé tout cela. Je suis resté longuement au téléphone avec lui et nous avons parlé de la méthode et de l’objectif de ce genre d’article à scandale sans entrer dans les faits sur lesquels il voulait mon avis qu’il pensait éclairé.
Un devoir d’honnêteté
Le travail de journaliste est bien trop important dans une société de l’information pour être pris à la légère. Il existe un devoir d’honnêteté, un sérieux travail en amont, une qualité de rédaction, une vérification des sources, un équilibre de la pensée et une remise en perspective nécessaires pour que ce soit véritablement un travail de qualité. Pour ceux qui sont approchés par les journalistes qui recherchent des informations, il est nécessaire que la même probité soit en place et on doit l’attendre de chrétiens, de prêtres et en particulier de prêtres diocésains au sujet de leur évêque. Vais-je dire quelque chose sur quelqu’un que je ne pourrais pas lui dire en face ? Si je ne peux pas lui dire en face, est-ce par peur, par carriérisme, par jalousie ou parce qu’aucune instance de dialogue n’existe ? Lorsque cette journaliste m’écrit que la « liberté de parole semble si limitée », de quoi parle-t-elle ?
Depuis vingt-cinq ans et trois archevêques que je sers je n’ai jamais eu de problèmes pour leur dire ce que j’avais à leur dire et nous n’étions pas forcément d’accord. Je n’ai jamais demandé un rendez-vous sans être reçu et écouté. Ensuite, chacun accomplit son travail du mieux qu’il peut et laisse les autres à la tâche pour laquelle ils ont été nommés. Les instances de dialogue existent, ceux à qui il appartient de juger assument leur responsabilité et il est inévitable que dans ce microcosme de vieux garçons célibataires et cultivés, les langues soient pendues, fourchues et vénéneuses : l’humaine nature sera toujours présente. Cependant si tous ceux qui ont quelque chose à dire le disaient à qui de droit, à bon escient et pour faire grandir, ne serait-ce pas l’occasion d’avancer de manière plus claire, sereine et efficace, et puis peut-être un peu plus évangélique aussi ?
Être soi-même dans le sérieux
J’ai proposé à ce journaliste du Parisien qu’il rédige un article sur la gouvernance de l’Église de Paris depuis 1981 — ou même 1968 — jusqu’à aujourd’hui, pour noter les évolutions mises en place, les continuités et les ruptures, l’adaptation au monde qui a tellement changé en cinquante ans. Si je sens que le travail sera sérieux, cela ne me gênera pas de témoigner nommément. S’il désire s’étonner, donner quelques coups de canifs, souligner des incompréhensions ou s’étonner des divers caractères des personnalités en place, il ne manquera pas de matière car aucun corps social n’est parfait et sa gouvernance l’est encore moins. Mais ce serait un travail intelligent, source d’une véritable information et il pourrait questionner non pas en off mais nommément les acteurs du diocèse sans devoir promettre un anonymat source de violences.
Il est toujours facile d’accuser les journalistes : ils ne racontent que ce dont on leur fait part et si l’on veut que ce travail soit de qualité encore faut-il être soi-même dans le sérieux des prises de paroles. Si je livre ces échanges avec des journalistes, ce n’est pas pour prendre la défense de Mgr Aupetit qui n’a aucunement besoin de moi : il agira comme il l’entend et le Saint Père est seul habilité à prendre des décisions pour le siège de Paris. Ma liberté de parole n’est limitée que par ma conscience. Mais avant de s’engouffrer dans des révélations et des inductions faciles, n’oublions jamais de passer au tamis de notre discernement ce qui nous est donné, pourquoi cela nous est donné et par qui. Et lorsque nous sommes sollicités pour témoigner, demandons-nous pourquoi nous acceptons de témoigner, de parler, de révéler ou de nous taire.