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La date exacte de la nativité du Seigneur Jésus nous est inconnue. Depuis le IVe siècle, on célèbre pourtant Noël le 25 décembre, aux alentours du solstice d’hiver. On en sait la raison. Avec un brin de mauvaise foi apologétique, saint Jérôme s’enthousiasme en feignant de ne pas se rendre compte qu’il inverse la causalité :
Même la création donne raison à notre prédication, le cosmos est témoin de la vérité de notre parole. Jusqu’à ce jour passent les jours les plus sombres, à partir de ce jour les ténèbres diminuent. La lumière s’accroît, les nuits s’affaiblissent ! Le jour s’agrandit, l’erreur diminue, la vérité se lève. Car c’est aujourd’hui qu’est né pour nous le soleil de la Justice.
Lumière pour les nations
Après tout, peut-être que saint Jérôme a raison en inversant la causalité. Peut-être que l’Église n’a pas fixé la date de la célébration de Noël pour la plaquer sur le solstice d’hiver, et s’assimiler au passage ce qui était valable de l’héritage païen naturaliste. Peut-être que c’est l’inverse qui est vrai. Peut-être que Dieu, dans sa sagesse, a décidé de toute éternité du retrait progressif de la nuit et de l’avènement corrélatif du jour à cette période de l’année pour préparer le jour unique entre les jours de la naissance de Jésus et lui conférer d’emblée une signification cosmique. En tout cas, au milieu de la nuit, c’est donc l’avènement de la lumière en Jésus-Christ que nous célébrons en cette fête de Noël.
La nuit de Noël est lumineuse pour qui sait voir avec les yeux de la foi.
Dans la mangeoire de la crèche, la chair de l’enfant Jésus est transfigurée comme elle le sera plus tard sur le Thabor. Elle éclaire Marie et Joseph, le bœuf et l’âne, d’une lumière surnaturelle. Dans les tableaux de Georges de La Tour, une bougie est toujours placée tout près du corps de l’enfant-Dieu, mais masquée habilement par une main, pour suggérer que c’est bien la chair du Christ qui illumine la scène. Ce qui est un artifice en peinture est une réalité pour notre foi : l’enfant-Dieu est lumière pour les nations. La nuit de Noël est lumineuse pour qui sait voir avec les yeux de la foi.
La découverte des anges et l’abandon des parents
Qui peut contempler dans cet enfant de la crèche le visage de Dieu ? Les bons anges, bien sûr, qui découvrent le Verbe éternel et jusque-là incorporel sous la forme d’un petit d’homme. D’abord muets de stupeur, ils se reprennent et chantent la gloire de Dieu manifestée dans ce petit enfant. Dans un recoin de l’Enfer, Satan lui, éructe contre ce Dieu qui a choisi de s’abaisser en prenant un corps humain si faible et si éloigné de la perfection des êtres purement spirituels. Lucifer, “celui-qui-porte-la-lumière”, ne supporte pas cette autre lumière, plus puissante, plus pure, aveuglante pour les orgueilleux, qui émane de l’enfant Jésus. Il se vengera, c’est sûr ! Mais les bons anges assisteront Jésus jusqu’à la fin de son pèlerinage sur la terre, et l’enfant-Dieu accomplira sa mission.
Qui peut contempler dans cet enfant de la crèche le visage de Dieu ? Marie et Joseph, bien sûr, qui avaient attendu la naissance de Jésus avec un mélange de crainte et d’espérance. Parce qu’elle était sans péché, et parce qu’elle portait l’enfant en son sein, Marie l’attendait d’une manière unique, à la fois maman comme toutes les mamans et mère immaculée de Dieu. Joseph, comme tous les pères, en était réduit à faire de son mieux, totalement impliqué et pourtant un peu étranger. Cet enfant, c’était le sien, en dépit de tout, il le savait : Jésus l’avait adopté comme père bien avant que lui ne l’ait adopté comme fils. Et pourtant, pour Marie comme pour Joseph, déjà l’enfant Jésus leur échappe, puisque les bergers frappent à la porte, suivis bientôt des mages.
Des réprouvés et des savants
Qui peut contempler dans cet enfant de la crèche le visage de Dieu ? Les bergers venus des alentours. Parlons-en, des bergers ! Au rebours des représentations pieuses, ces bergers n’étaient peut-être pas des enfants de chœur. S’ils fuyaient la compagnie des hommes pour rester auprès de leurs bêtes, ce n’était peut-être pas seulement pour le charme champêtre des pâturages. Certains d’entre eux avaient peut-être quelque crime sur la conscience. Pourtant, à l’appel de l’ange, les bergers se lèvent comme un seul homme pour aller adorer l’enfant-Dieu dans la crèche. C’est pour eux, les marginaux et peut-être les criminels, que cet enfant est venu. Dostoïevski en a l’intuition dans ses Souvenirs de la maison des morts, où les bagnards du fond de la Sibérie, “outre la vénération innée qu’ils ont pour ce grand jour [Noël], pressentent qu’en observant cette fête, ils sont en communion avec le reste du monde, qu’ils ne sont plus tout à fait des réprouvés, perdus et rejetés par la société, puisqu’à la maison de force on célèbre cette réjouissance comme au dehors. Ils sentaient tout cela, je l’ai vu et compris moi-même.” Sous l’unique lumière de Jésus-Christ à la crèche, bagnards de Sibérie et bergers de Bethléem se rejoignent dans une commune vénération de leur Sauveur, celui qui leur communique par sa grâce la dignité que les hommes leur refusent.
Ce n’est plus dans les lignes de la main ou le mouvement des étoiles que se dévoile la vérité, mais dans le visage d’un enfant qui est Dieu.
Qui peut contempler dans cet enfant de la crèche le visage de Dieu ? Les mages venus d’Orient, dans le sillage incertain d’une étoile. Ceux-là sont des savants. Ils avaient pressenti d’emblée que Jésus était la lumière des nations, le vrai soleil de justice auquel l’étoile ne faisait que rendre hommage. Ils auraient pu errer dans les ténèbres de l’erreur. Car l’astrologie prétend lire dans les étoiles un destin qui s’impose à Dieu comme aux hommes, selon une trajectoire nécessaire. L’horoscope, du côté du rédacteur comme du côté de ses lecteurs, se pique d’une maîtrise orgueilleuse du réel par la prévision de l’avenir. Les mages ont scruté les étoiles, eux-aussi, mais pour mieux faire l’offrande de leur liberté en s’agenouillant devant l’enfant Jésus, qui s’offre lui-même comme l’éternel présent. Ce n’est plus dans les lignes de la main ou le mouvement des étoiles que se dévoile la vérité, mais dans le visage d’un enfant qui est Dieu.
La création et tous les peuples
Qui peut contempler dans cet enfant de la crèche le visage de Dieu ? Le bœuf et l’âne, parce que c’est “la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore” (Rm 8, 22). Ils n’ont pas d’âme spirituelle pour connaître et aimer le petit roi de la crèche. Mais ils participent à leur manière à son avènement. La louange de la création sera récapitulée plus tard lorsque le pain et le vin deviendront le moyen que Jésus choisit pour perpétuer sur la terre sa présence réelle et s’unir aux chrétiens de tous les temps. En attendant que le pain et le vin deviennent le corps eucharistique du Christ pour l’Église, le bœuf et l’âne réchauffent le corps de l’enfant Jésus. Rien dans la Création n’est laissé à l’ombre, la lumière du Christ est pour tout l’univers.
Qui peut contempler dans cet enfant de la crèche le visage de Dieu ? Tous les peuples de la terre. Dans le grand commentaire du Livre des Mutations – ouvrage fondateur de la culture chinoise –, plusieurs siècles avant Jésus-Christ, l’auteur fait dire à Confucius :
Connaître l’infime amorce ne tient-il pas de l’esprit à son comble ? […] L’homme de bien, dès qu’il voit l’infime, passe à l’action, sans attendre la fin de la journée.
Devant l’enfant Jésus de la crèche, l’homme de bien, d’où qu’il vienne, quelle que soit sa culture ou sa religion, peut être inspiré par l’Esprit-Saint et reconnaître l’infime amorce. Avant la fin de la journée, c’est-à-dire avant le Jugement dernier, cet homme de bien s’unira à Jésus-Christ. Les lumières faibles et trop diffuses des sagesses du monde peuvent mener à la seule vraie lumière, Jésus-Christ.
…Et chacun d’entre nous
Qui peut contempler dans cet enfant de la crèche le visage de Dieu ? Tout le monde, grâce à Dieu ! Il reste de la place pour tous ceux qui ont l’humilité nécessaire. C’est ainsi que Madame Louise, dernière fille de Louis XV, carmélite à Saint-Denis de 1770 à 1787, se plaisait à s’imaginer en balayeuse dans la crèche : “Ô qu’il est doux d’habiter dans cette étable sainte ! Où sous les traits d’un enfant, L’on peut voir le Tout puissant, Sans crainte, sans crainte, sans crainte. Souffrez ici, mon Jésus, que je sois balayeuse, Dans ce bienheureux réduit ; Je frotterai jour et nuit. Heureuse, heureuse, heureuse.” De la même manière qu’une princesse française peut se faire carmélite et se désirer balayeuse pour se mettre à hauteur du petit roi de la crèche, chacun d’entre nous peut trouver sa place auprès de l’enfant-Dieu. C’est ce bonheur humble et lumineux qui nous est offert en cette fête de Noël.