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L’Europe face au défi de l’accès au gaz

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Jean-Baptiste Noé - publié le 30/12/21

Le géopoliticien Jean-Baptiste Noé décrypte tous les jeudis les grands événements de l’actualité internationale. Vivant depuis plusieurs décennies dans l’abondance énergétique, l’Europe a perdu la notion des pénuries et des manques. L’arrêt de plusieurs centrales nucléaires conjugué aux tensions sur le marché du gaz lui fait redécouvrir la nécessité d’un accès sûr à l’énergie.

Y aura-t-il des coupures d’électricité cet hiver ? Si la plupart des ministres de l’Énergie se veulent rassurants, rien n’est moins sûr au regard de la situation du secteur énergétique en Europe. Plusieurs pays ont réduit le nombre de centrales nucléaires en fonctionnement. L’Allemagne d’une part, la France qui a fermé ou mis en révision plusieurs réacteurs, la Belgique, qui a récemment confirmé son retrait du nucléaire d’ici 2025. Or celui-ci fournit 40% de l’électricité à la Belgique. Il va être difficile pour les Belges de trouver à remplacer une telle quantité énergétique en quatre ans. Pour ce faire, beaucoup de pays comptent sur l’énergie intermittente, type éolienne, mais dont la nature même de l’intermittence fragilise l’approvisionnement. La seule solution est donc de se rabattre sur des énergies non intermittentes, type gaz ou centrales à charbon. Si l’Allemagne a une grande maîtrise des centrales à charbon, ce qui lui permet de subvenir à une partie de ses besoins, ce n’est pas le cas des autres pays d’Europe. 

Les mirages de l’abondance

Le gaz est donc en train de devenir la source énergétique essentielle pour les Européens. Il a l’avantage de pouvoir fonctionner tout le temps, à l’inverse des éoliennes, et d’être abondant. Mais avec l’épuisement des gisements de la mer du Nord, l’Europe ne dispose plus de ressources gazières sur son sol. Les pays doivent donc soit acheter du gaz à la Russie, soit le faire venir d’Afrique ou de Méditerranée orientale. Trois zones qui recèlent des dangers géopolitiques majeurs.

Sur la question énergétique, l’Europe s’est fragilisée et s’est placée dans une situation de grande dépendance. 

Raymond Aron disait que l’énergie est “le sang de la géopolitique”, tant il est vrai que sans elle, et quelque soit sa forme, un pays ne peut rien faire et aucune économie ne peut fonctionner. Grâce aux développements techniques et industriels, l’Europe s’est mise à l’abri des pénuries, fournissant à ses habitants un confort jamais atteint dans l’histoire. Si cela rend la vie indubitablement plus agréable, le risque est aussi de ne plus se rendre compte du prix des choses et de leur valeur. Vivant dans l’abondance de nourriture, d’énergie, de matières premières, ne craignant plus les famines ou les ruptures d’électricité, bon nombre d’Européens finissent par croire à la présence naturelle de ces biens, sans prendre conscience du travail nécessaire pour l’obtention de cette fin. Or sur la question énergétique, l’Europe s’est fragilisée et s’est placée dans une situation de grande dépendance. 

Entre les mains russes

Le secteur énergétique allemand est aujourd’hui dépendant du gaz russe, comme demain la Belgique quand les réacteurs nucléaires auront cessé de fonctionner. Un gaz qui arrive notamment par le gazoduc Nord Stream 2, qui passe à travers la mer Baltique. Si demain la Russie coupe ce gaz, ou bien si une guerre venait à se déclencher en Ukraine empêchant le transport de l’énergie, l’Europe de l’Ouest serait dans une situation bien délicate. Le continent reçoit une partie de son gaz depuis l’Afrique, en provenance notamment du golfe de Guinée via le Nigéria. Un gazoduc qui traverse ensuite le Sahara et passe par l’Algérie pour rejoindre l’Espagne et l’Italie. Alger a annoncé couper le gaz à destination du Maroc, afin de punir son voisin qui s’attache au Sahara occidental. Si demain l’Algérie venait à couper le gaz en direction de l’Europe, ce serait une difficulté supplémentaire pour le continent. 

Restent les gazoducs qui transitent par la Turquie et l’Asie centrale, ainsi que les gisements en Méditerranée orientale. Un appoint indispensable et nécessaire, mais que se partagent plusieurs pays. 

Réseau mondial

En multipliant les accès au gaz, l’Europe se protège et évite d’être trop dépendante d’un seul gisement et d’un seul fournisseur. La dépendance énergétique est à double entrée : celui qui achète est tout autant dépendant que celui qui vend, et qui a donc besoin de cette manne financière pour faire tourner l’économie de son pays. C’est le cas de l’Algérie tout autant que la Russie. Cette double dépendance protège l’Europe, mais si tous les Européens ont besoin du gaz étranger, il faudra alors craindre des tensions internes pour le partage et la répartition de l’énergie. D’où l’utilité d’avoir des entreprises énergétiques de classe mondiale, comme Total Énergies en France et ENI en Italie. D’où aussi la nécessité de disposer d’un réseau nucléaire performant, qui permet non seulement l’abondance, mais aussi l’indépendance. Les développements technologiques récents allant vers une plus grande miniaturisation et une modification du processus de production nucléaire rendent aussi nécessaire la disposition de savants et d’ingénieurs capables de travailler sur ces nouvelles technologies. Il en va de l’indépendance des pays d’Europe et de leur maintien dans la compétition mondiale. 

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EuropenucleaireRussie
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