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Bien avant la grossière sortie du président de la République dans les colonnes du Parisien, j’échangeais avec un ami sur la douceur en politique. L’association des deux mots peut sembler un oxymore tant nous sommes habitués aux propos clivants, violents, excessifs de la part des candidats de tous bords et de plus en plus. Entre ceux qui veulent « emmerder » une catégorie de Français, ceux qui veulent ressortir le karcher ou désignent à la vindicte des catégories entières de population, on ne peut pas dire que la douceur soit la vertu première de la classe politique actuelle.
Serait-ce pour simplement exister ? Si l’on ne fait pas le buzz, si les médias ne reprennent pas vos propos parce que justement ils choquent, vous risquez de disparaître de l’arène et du paysage médiatique. Nous avons donc une surenchère quotidienne de petites phrases violentes qui pourrait correspondre à l’antique manière d’accéder au pouvoir par le plus violent chef de tribu à coup de massues, d’épées et d’angons pour défaire son adversaire. Mais je ne crois pas que la nécessité d’exister médiatiquement soit l’unique raison.
Les plus élémentaires vertus
L’absence de douceur vient du cadre démocratique lui-même et cette dureté structure le fait politique d’hier et d’aujourd’hui. Le vocabulaire est belliciste : il faut gagner les élections, se battre pour ses idées, entrer dans l’arène, vaincre son adversaire, défaire ses opposants… On pourrait attendre de candidates féminines qu’elles apportent un peu plus de douceur mais l’égalité homme-femme ne consiste ici, une fois de plus, qu’à permettre aux femmes de se conduire aussi mal que les hommes et à devenir des « tueuses ». Les sentiments guerriers sont flattés et d’ailleurs la fin est toujours une victoire célébrée par ceux qui ont gagné, place de la Bastille, place de la Concorde ou à la pyramide du Louvre.
Je doute que nous arrivions un jour à un monde de bisounours policés et peut-être la douceur en politique ne peut-elle naître que d’une autre façon une fois que l’on a accepté qu’un combat doit avoir lieu avec des vainqueurs et des perdants. Nos élites n’ont pas été formés par des études classiques et c’est bien dommage car avant d’obtenir des compétences en matière économique à HEC ou en gestion de l’appareil d’État à l’ENA, il faudrait apprendre à vivre avec un minimum de vertus. Ce socle des études classiques formait des hommes (et des femmes) avant de former des cerveaux et nous manquons des plus élémentaires vertus parmi nos politiciens.
ll n’y a pas de politique chrétienne mais il y a une manière chrétienne de faire de la politique et quand je dis chrétien je devrais peut-être juste dire humaine et sérieuse.
Oh ! je ne vais pas parler ici de vertus théologales avec la foi l’espérance et la charité qui relèvent de nos convictions chrétiennes, mais nous pourrions réfléchir aux vertus cardinales : la justice, la force, la prudence et la tempérance. C’est un crible utile pour juger des paroles et des actes de nos candidats. Aucun Machiavel politique ne se réfèrera à ces vertus car elles l’empêcheront d’arriver à ses fins.
Louis Daufresne, dans sa dernière tribune ici-même, montre bien la manœuvre politicienne des petites phrases du Président sortant. Ces propos ne relèvent ni de la justice (dans la nécessité de comprendre les opposants au passe vaccinal), ni de la prudence (dans le maintien de l’unité de la Nation malgré de légitimes oppositions), ni de la tempérance (dans le caprice enfantin d’avoir envie d’emmerder certaines personnes) et finalement d’aucune force d’âme en cédant à de vulgaires calculs politiciens. Si la violence devient le principe de gouvernement et de victoire démocratique dans notre pays, nous ferions bien de nous taire lorsque nous parlons de la Chine, de la Russie, du Kazakhstan ou de la Birmanie.
Quatre question s à se poser
Nous allons devoir voter et chaque fois que nous entendrons parler nos candidats et examiner leur programme posons-nous ces quatre questions : premièrement, est-ce que cela est prudent ? Comment discerner le bien véritable et choisir les moyens proportionnés pour l’accomplir ? Deuxièmement, est-ce que cela est dans la tempérance ? Comment maîtriser ses désirs (ou idéologies) en évitant d’imposer ses caprices aux autres ? Troisièmement, est-ce que cela est juste ? Comment donner à chacun ce qui lui est dû sans privilégier ou exclure quiconque ? Quatrièmement, est-ce que cela relève de la force d’âme ? Y-a-t-il du courage dans les décisions et les idées et de la noblesse dans leur mise en œuvre ?
Il n’y a pas de politique chrétienne mais il y a une manière chrétienne de faire de la politique et quand je dis chrétien je devrais peut-être juste dire humaine et sérieuse. Les Français sont fatigués et cette petite phrase de saint Paul devrait être rappelée : « Et vous les parents, n’exaspérez pas vos enfants ; vous risqueriez de les décourager » (Co 3, 21). Exaspérer pour ne pas dire autre chose, car saint Paul n’était pas grossier.