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En 1967, le dictateur communiste Enver Hoxha a proclamé l’Albanie “premier état athée du monde”. Sous son régime, toutes les formes de culte ont été interdites. De nombreux croyants, y compris des chefs religieux de ce pays des Balkans, ont été arrêtés ou exécutés. Les lieux de culte ont été transformés en entrepôts et en salles de cinéma. Mais, comme cela arrive souvent, la persécution n’a fait que grandir la communauté des croyants dans la clandestinité.
La vie de sœur Marije Kaleta, une religieuse franciscaine du nord de l’Albanie, en est un exemple. Son oncle, un prêtre, l’a encouragée à entrer au couvent dans les années 1940, des années avant l’arrivée au pouvoir d’Enver Hoxha, lorsque la majorité musulmane et les minorités chrétiennes du pays pouvaient encore pratiquer librement et vivre en paix. Mais sœur Marije n’a pas pu prononcer ses vœux définitifs avant que les autorités ne ferment son couvent et ne la renvoient chez ses parents. Cela ne l’a pas empêchée de mener sa vie d’évangélisatrice. Sœur Marije a fini par baptiser secrètement des enfants et donner la communion aux catholiques qui se cachaient, en particulier aux malades et aux mourants. Elle est décédée le 2 janvier 2022 dans son couvent de Shkodër, dans le nord de l’Albanie, a rapporté la Catholic News Agency. Elle avait 92 ans.
Sa vie clandestine avait été révélée en 2014, à l’occasion du voyage d’une journée du pape François en Albanie. Alors qu’il rencontrait des prêtres, des religieux, des séminaristes et des membres de mouvements laïcs ecclésiaux à la cathédrale Saint-Paul de Tirana, la capitale de l’Albanie, sœur Marije a révélé lors de la rencontre avec le souverain pontife comment, pendant la persécution des croyants, elle a appris “à maintenir la foi vivante dans le cœur des fidèles.”
Des chrétiens au sein du parti communiste
Apparemment, son secret s’est pourtant ébruité. Un jour, elle a été abordée par une femme qu’elle savait être membre du parti communiste. Cette dernière avait une petite fille dans les bras et “elle a couru vers moi en me demandant de la baptiser”, raconte la religieuse. Craignant qu’il ne s’agisse d’un piège, la sœur lui a répondu qu’elle “n’avait rien pour la baptiser”. La réaction de la mère a surpris sœur Marije : “Elle voulait tellement que je baptise son enfant, qu’elle m’a dit qu’il y avait un petit canal avec de l’eau juste à côté… Elle a insisté pour que je baptise cette petite fille, et voyant sa foi, j’ai enlevé ma chaussure, qui était en plastique, et je l’ai remplie avec l’eau du canal et je l’ai baptisée”, a raconté sœur Marije lors de la rencontre avec le pape François.
Comme c’était souvent le cas en Union soviétique et dans ses pays satellites, il y a avait des chrétiens clandestins qui souhaitaient que leurs enfants reçoivent les sacrements. Sœur Marije a également a expliqué comment, grâce à l’accord de prêtres cachés, elle conservait le Saint-Sacrement chez elle, dans une armoire pour pouvoir l’apporter aux malades et aux mourants.
“Quand j’y pense, je me demande comment nous avons pu supporter toutes ces terribles souffrances, mais je sais que le Seigneur nous a donné la force, la patience et l’espoir”, a-t-elle confié au Pape. “Le Seigneur a donné de la force à ceux qu’il a appelés, en fait il m’a remboursé de toutes mes souffrances ici sur terre” a-t-elle conclu en ajoutant qu’après la chute du régime communiste au début des années 1990 et la réouverture des églises, elle a pu retourner à la vie religieuse, réalisant sa vocation “partagée par tant d’autres prêtres et sœurs.”