Nul ne le conteste : il faut se reposer pour vivre. Pourtant dans l’esprit d’un grand nombre, le repos est un “temps perdu” face aux exigences de l’efficacité permanente. Pour le père Maximilien Le Fébure du Bus, chanoine régulier de l’abbaye de Lagrasse, auteur de Éloge spirituel du repos(Artège), il y a une véritable controverse autour du repos. “La société occidentale travaille et court tout le temps. Quand elle s’arrête, c’est pour mieux travailler et courir encore plus vite ensuite”, constate-t-il en citant Pascal, le grand penseur chrétien : “Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre.”
Si le religieux prend le temps de méditer sur le repos authentique, c’est parce qu’il a été forcé à se reposer : “Il y a quelques années je suis tombé gravement malade. Une tumeur volumineuse au cerveau. Je me suis retrouvé cloué au lit, à l’hôpital d’abord, dans ma cellule ensuite. C’est une fois rétabli que j’ai mieux compris ces paroles du Seigneur Reposez-vous un peu. “Il m’a fallu cette expérience de maladie grave pour apprendre à me reposer, sans honte et sans scrupule”, confie-t-il à Aleteia. Pour lui, le repos ne s’improvise pas. C’est un vrai art qu’il faut apprendre aujourd’hui plus que jamais, pour en découvrir les vertus insoupçonnées :
Time is money…(le temps, c’est de l’argent). Cet adage anglo-saxon, considérant le temps comme une marchandise, s’est imposé un peu partout. Par conséquent, “toute perte de temps est un drame et tout gain de temps mérite récompense”, constate le père Maximilien. Cela signifie que le repos apparaît comme une “offense au rendement et à l’efficacité” qui évite à l’homme de s’interroger sur lui-même. Ce dernier reste alors “superficiel”, c’est-à-dire “à la surface de lui-même”. Alors que le vrai enjeu est de prendre du temps pour rentrer en soi-même. Le vrai repos permet de se recentrer, de retrouver l’unité intérieure en se connectant à “l’être” et en laissant de côté l’action et “l’avoir”.
2Accomplissement
Lorsque quelqu’un veut se reposer, il achève d’abord son travail : il pose l’outil, le stylo ou la souris de l’ordinateur. Ensuite, il s’installe dans son canapé pour écouter de la musique, ou dans son jardin pour profiter de quelques rayons de soleil. “En réalité, chacune de ces activités à part entière vont accomplir et réjouir son cœur. En se reposant, il expérimente une jouissance qui le comble, qui le transforme et qui le restaure. Le repos n’a donc rien à voir avec la paresse. C’est une action qui offre un état nouveau, un apaisement, une jouissance, un émerveillent de l’esprit et enfin un couronnement d’une tâche accomplie”, explique l’auteur.
3Unité du corps et de l’âme
Après sa renonciation, Benoît XVI a été interrogé par son biographe Peter Seewald. Il lui a demandé où il se sentait le mieux pour réfléchir. Le pape émérite lui a répondu : “A mon bureau, d’abord, ou, s’il faut que j’approfondisse vraiment ma réflexion, je m’allonge sur le canapé. Cela me permet de réfléchir positivement” ! Comme le remarque le père Maximilien, pour Benoît XVI qui avait toujours besoin d’avoir un canapé dans son bureau, “le repos physique permet la vie de l’esprit.” En cessant tout mouvement, le repos permet de trouver “une paix corporelle propre à la réflexion.” Cette unité entre le corps, l’esprit et l’âme restaure la personne, elle lui redonne le sens de la vie.
4Joie de l’âme
Si la “récréation” s’inscrit dans le rythme scolaire des enfants, elle a aussi sa juste place dans la vie des adultes. Rire, plaisanter, converser à table entre amis, jouer aux cartes ou visionner pour la énième fois LaGrande vadrouille, toutes ces formes de détente permettent de “se re-créer”, explique l’auteur. Pourquoi ? Parce qu’elles procurent le repos qui vise “l’affectivité de l’âme”. Saint Thomas d’Aquin, cité dans l’ouvrage, l’affirme très simplement : “le meilleur remède à la fatigue de l’âme, comme à celui du corps, c’est le repos. Ce qui repose l’âme, c’est le plaisir.” Et il précise : “Ces paroles et actions, dont l’unique objet est de réjouir l’âme, ce sont les plaisanteries et les jeux.” Bien sûr, à sa juste mesure !
5Voie d’accès à Dieu
Jésus se repose-t-il ? Comme tout homme, il a besoin de se détendre. Et il le conseille à ses apôtres quand ils rentrent d’une mission d’évangélisation : “Venez à l’écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu” (Mc 6,31). Son message est clair : il faut savoir s’arrêter. Mais se mettre à l’écart ne veut pas dire s’évader ni fuir la réalité. C’est le temps de contempler, de faire la louange, de s’émerveiller devant la vie. D’une certaine façon, le repos introduit à la liberté des enfants de Dieu. “Laisse ta peine en face de Dieu, et lui-même te procurera le repos, conseille un Père du désert. “Dès lors, cette disposition intérieure offre un accueil au Seigneur et permet de se reposer en Lui. C’est toucher déjà au repos éternel”, conclut le père Maximilien.