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Programmation, assistance numérique, console… Voilà un vocabulaire bien loin du monde de l’orgue classique. Pourtant, Gulliver, orgue modulaire transportable assisté par ordinateur est un véritable orgue. Ce drôle d’instrument en pièces détachées, d’une longueur de 8 mètres sur 4 une fois installé après une journée de montage, a été conçu par Henri-Franck Beaupérin, ancien organiste à la cathédrale d’Angers et aujourd’hui titulaire des grandes orgues de l’abbaye de Sylvanès (Aveyron).
Qu’est-ce qui a poussé cet artiste passionné originaire de Nantes et lauréat de plusieurs prix internationaux à se lancer dans une telle aventure ? « L’orgue, on ne sait pas trop comment ça marche : on ne voit pas l’organiste, ça sort de là-haut, c’est un peu bizarre. Il fallait un outil qui permette de présenter l’orgue au public » justifie Henri-Franck Beaupérin. Pour lui, tout a commencé en 2019, à Rouen. Jean-Baptiste Monnot, titulaire du grand orgue de l’abbatiale Saint-Ouen, vient de concevoir un orgue expérimental mobile offrant une large palette de sonorités qu’il a appelé « l’orgue du voyage ».
C’est le déclic pour Henri-Franck Beaupérin qui se voit offrir au même moment et de manière providentielle un orgue abandonné « d’excellente facture » qui dormait dans la chapelle du séminaire du diocèse de Nantes. Une récupération qui va le conduire à réaliser son rêve. En effet, une succession de « rencontres heureuses » lui permettent de mener à bien son projet : deux amis facteurs d’orgues, une équipe d’informaticiens et le concepteur de la console. « Tous ont participé, avec leur savoir-faire, leur dévouement et bien souvent une indéniable astuce, à la réalisation d’un instrument qui se devait d’être à la fois musicalement cohérent, techniquement fiable et artistiquement innovant » relit aujourd’hui Henri-Franck Beaupérin. L’instrument sera baptisé Gulliver, du nom du héros littéraire de Jonathan Swift, et inauguré le 7 juillet 2021 avant une grande tournée dans toute la France.
Grâce à cet outil expérimental « à ciel ouvert », l’univers de l’orgue n’a plus de secret pour le grand public qui assiste à ses concerts : une fois les modules installés à même le sol, « on peut s’y promener, comprendre d’où sortent les sons, pourquoi on entend tel son à tel endroit » détaille Henri-Franck Beaupérin. En outre, l’auditoire peut enfin voir l’organiste « de près » car ce dernier joue depuis la « console » qui se trouve à côté de l’instrument : composée d’un écran d’ordinateur, de quatre claviers et un pédalier, la console est un peu le poste de commandement de l’orgue.
Une communion avec le public
Mais comment est-ce possible de jouer une toccata de Bach sur un orgue à assistance informatique ? « Entre la console et les tuyaux, il existe une interface informatique qui reçoit en temps réel l’information des claviers. Elle indique tuyau par tuyau s’il faut aller jouer telle ou telle soupape. Un temps de programmation en amont du concert est donc nécessaire » développe l’organiste qui n’en finit pas de découvrir, grâce à ce système, « des possibilités infinies d’interprétations » même s’il « essaie de rester fidèle à l’esprit du compositeur ».
Par exemple pour interpréter les chorals de César Franck, il cherchera « des couleurs enveloppantes pour le Père, des couleurs tragiques pour le Fils crucifié et des couleurs plus lumineuses et virevoltantes pour l’Esprit ». Un panel d’interprétations qui n’est donc plus limité comme avec un orgue classique, et permet souvent, au gré des concerts, une « profonde communion » avec le public.
L’instrument Gulliver est déjà attendu en ce début d’année 2022 pour une série de représentations dans toute la France, dont un festival de musique expérimentale. Cette aventure exceptionnelle a contribué à dépoussiérer l’image austère de l’orgue. Et elle a permis de dévoiler au grand public son inestimable richesse musicale. Qui sait si parmi eux, certains mélomanes éloignés de la foi mais touchés au cœur par la magie de ces sons, ne seront pas un jour conduits à pousser de nouveau la porte d’une église ?