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La liturgie de ce dimanche des Rameaux rapproche dans une même célébration l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem et sa Passion. Le contraste entre la gloire des Rameaux et la descente dans l’obscurité de Gethsémani est saisissant. La foule réclame la mort de celui qu’elle acclamait quelques jours plus tôt. Dans ces deux récits — celui des Rameaux et celui de la Passion — Jésus apparaît comme roi : roi humble, roi humilié, roi exalté, roi en qui s’accomplissent les promesses de Dieu.
La foule reconnaît son roi
Le jour des Rameaux, la foule des disciples acclame Jésus : “Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur.” La prophétie de Zacharie semble sur le point de s’accomplir : “Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse” (Za 9, 9). L’âne est une monture modeste. Ce n’est pas celle d’un roi guerrier, mais d’un roi pacifique. Les guerriers sont montés sur des chevaux, pas sur des ânes ! L’oracle de Zacharie continue ainsi : “Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations” (Za 9, 10).
En la personne de Jésus, le Royaume de Dieu est inauguré dans le monde.
La foule qui se presse sur la descente du Mont des Oliviers connaît cet oracle et reconnaît Jésus comme le roi annoncé. Ces femmes et ces hommes espèrent que Jésus vient établir le Royaume de Dieu, où règneront enfin la justice et la paix. Ils ont raison. C’est bien ce que Jésus apporte. En sa personne, le Royaume de Dieu est inauguré dans le monde. Mais c’est par sa mort, sa résurrection et par le don de l’Esprit, et non par un coup d’État ou une conquête militaire, que son Royaume s’étend.
Sans le vouloir, Pilate a visé juste
Jésus apparaît également comme roi pendant sa Passion. Il est revêtu d’un manteau de pourpre et coiffé d’une couronne d’épines. Les soldats se moquent : “Si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même.” Le motif de la condamnation est placardé sur la Croix : “Celui-ci est le roi des juifs.” Ce manteau, cette couronne, ces moqueries, cet écriteau, ont pour but de tourner Jésus en dérision, mais aussi de blesser les juifs. Saint Jean ne s’y est pas trompé. Dans son évangile, il a retenu la réclamation des chefs des prêtres à Pilate : “N’écris pas ‘‘le roi des juifs”, mais “celui-ci a dit : je suis le roi des juifs”.” Ils sont scandalisés : Comment ! Désigner publiquement cet homme souffrant, condamné au supplice ignoble de la Croix, comme le roi des juifs, notre roi ! Quelle dérision ! Quelle insulte ! Mais Pilate répond : “Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit” (Jn 19, 21-22). Pilate a raison : Jésus est vraiment le roi messie annoncé par les prophètes d’Israël. Le gouverneur romain a voulu humilier Jésus et se moquer des juifs. Mais, sans le vouloir et sans le savoir, il a visé juste. Seulement, Jésus n’est pas roi à la manière du monde. Il l’est à la manière de Dieu. Lui seul, en donnant sa vie pour renverser le pouvoir du diable, du diviseur, permet la réconciliation et le rassemblement de toutes choses en Dieu.
Un jugement porté sur le monde
Le règne de Dieu grandit chez le fidèle qui cherche à faire la volonté de Dieu, et qui l’accomplit par la grâce divine. La Passion de Jésus met en pleine lumière les péchés des hommes : calculs de Pilate, jalousie et haine religieuse des grands-prêtres, hurlements de la foule si facilement influençable, trahison et vénalité de Judas, reniement de Pierre, lâcheté des autres disciples, violence brutale des soldats, etc. La Passion est un jugement porté sur le monde. Nous nous reconnaissons dans ces comportements. Impossible de faire les fanfarons après avoir entendu le récit de la Passion. Nous nous savons pécheurs et nous implorons la miséricorde divine.
Mais déjà brille la lumière de la résurrection. Loin de nous condamner définitivement, la mort de Jésus nous ouvre un chemin de vie. Percé à jour, le diable est délogé des positions qu’il occupait solidement. Dieu peut prendre sa place. Son royaume peut naître et grandir dans nos vies. Que cette Semaine sainte soit riche en grâces pour chacun d’entre nous et pour l’Église. Nous suivrons le Christ, roi humilié aux yeux des hommes, roi exalté par la puissance de Dieu. Suivons-le dans son combat et sa victoire contre le mal afin qu’il règne dans nos existences. Alors nous aurons part à sa vie et à sa joie.