“Alors, comment va Notre-Dame ?”. Cette question, Mgr Patrick Chauvet, recteur-archiprêtre de la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’a entendu des centaines de fois ces dernières années. “Elle va bien”, répond-t-il d’abord succinctement. Mais au fil des minutes, ses mots se font moins expéditifs et dévoilent l’espérance qui l’anime. Alors que ce vendredi 15 avril marque le troisième incendie de la cathédrale, il ne cache pas sa joie et son impatience de la voir renaître. “Il faut de la patience mais le temps passe vite”, assure-t-il. “Quand je suis dedans je vois la vie… Je me dis ça y est, on voit déjà un peu le bout du tunnel !”.
Aleteia : Trois ans après l’incendie que ressentez-vous en contemplant Notre-Dame ?
Mgr Patrick Chauvet : Un grand signe d’espérance. Quand je suis dedans je vois la vie, les effets sur le nettoyage des allées, des fresques dans le déambulatoire, les préparations pour refaire les voutes, les échafaudages… Je me dis ça y est, on voit déjà un peu le bout du tunnel !
Quel a été le temps le plus fort vécu au cours de l’année écoulée ?
Les fouilles archéologiques ! Nous avons découvert de belles pièces de l’ancien jubé de Notre-Dame [tribune formant une clôture de pierre ou de bois et séparant le chœur liturgique de la nef, ndlr], construit vers 1230 et détruit au début du XVIIIe siècle, donc bien avant Viollet-le-Duc. Nous avons également découvert un sarcophage, sans doute un chanoine inconnu. Au moment de la levée du corps, du sarcophage, j’ai tenu à être là. J’ai béni le corps, récité le Psaume 50, un “Je vous salue Marie” et un “Notre-Père”. Ce chanoine inconnu c’est un prêtre qui a donné vie au Seigneur et qui s’est consacré à Notre-Dame. J’ai donc voulu le consacrer une nouvelle fois à Marie, je tenais à ce qu’on ait du respect pour ce prêtre dont on ne connait pas le nom mais qui faisait partie de la vie de la cathédrale.
Quels vont être ceux de l’année à venir ?
Les mois qui arrivent vont être marqués par de grands travaux : les voutes à consolider, la voute à refaire, la charpente et puis il y a la flèche… Ce sont trois éléments essentiels ! Quand tout ceci sera fini, on pourra dire qu’on a fait l’essentiel de la restauration. Après viendra le temps de l’aménagement intérieur. Mais attention, quand la cathédrale rouvrira au culte en 2024, il faudra ensuite une dizaine voire une quinzaine d’années pour achever les travaux.
Entre la pandémie de Covid-19 et les différentes fouilles opérées sur le chantier, la date d’avril 2024 semble compromise pour la réouverture… Quelle autre date pourrait-t-on envisager ?
Ce sera vraisemblablement fin 2024. L’idéal serait de la faire coïncider avec une date mariale. Le 8 décembre, fête de l’Immaculée conception pourrait être une idée. Après il ne faut pas être plus royaliste que le roi ! D’abord la cathédrale doit être consolidée.
Des débats assez vifs ont accompagné les discussions et décisions autour de l’aménagement liturgique de Notre-Dame… Pourquoi ?
Ah la querelle des Anciens et des Modernes ! elle existe aussi pour la restauration de la cathédrale. D’un côté il y a les défenseurs de Viollet-le-Duc et de l’autre, non pas les détracteurs mais ceux qui veulent écrire une nouvelle page de Notre-Dame après le terrible incendie. Notre ancien archevêque (Mgr Aupetit, ndlr) a proposé plusieurs projets de qualité afin de signifier son attachement à sa cathédrale, son nouveau projet pastoral et son intérêt pour sa restauration. “Ouverte à tous, selon la juste compréhension du mot catholique, la cathédrale est constante dans sa raison d’être depuis huit siècle : la célébration du Mystère chrétien”, avait-il ainsi écrit en octobre 2020. Le projet choisi rappelle donc l’expérience cathédrale : accueillir et célébrer. Il y a plus de 2.300 célébrations liturgiques par an, c’est un haut lieu de la musique sacrée, au rayonnement mondial avec sa maîtrise et ses deux orgues, c’est un sanctuaire marial…
En tant que pasteur, quel est selon vous la priorité concernant l’aménagement liturgique ?
La finalité de l’aménagement liturgique est la louange pour le Seigneur. Que ce soit la façon d’accueillir les visiteurs et pèlerins à l’entrée, lorsqu’ils feront le tour de la cathédrale afin que ce soit un chemin spirituel… La cathédrale ne sera jamais un musée mais toujours, d’abord et avant tout, la demeure du Seigneur ! J’ai souvent dit qu’on entrait comme visiteur et qu’on pouvait en ressortir comme pèlerin. Comment dès lors aider les visiteurs à découvrir le Mystère chrétien. Certains visitent la cathédrale en trois minutes… Et passent à côté du mystère. D’autres veulent faire une expérience spirituelle : ces derniers, nous devons les accompagner pour les faire entrer dans le mystère du salut.
Le message de Notre-Dame de Paris est un message d’espérance. Il y a huit siècles comme aujourd’hui.
Ceci étant dit, nous devons aussi prendre en compte des questions d’ordre pratique : comment gérer 12 millions de visiteurs par an ? Comment, compte tenu d’autant de visiteurs, favoriser des lieux de dévotion ? Comment permettre à tous ceux qui le désir de recevoir le sacrement de réconciliation ?
Quel est le message de Notre-Dame de Paris pour aujourd’hui ?
Le message de Notre-Dame de Paris est un message d’espérance. Il y a huit siècles comme aujourd’hui. Et à chaque fois que je rentre dans la cathédrale, je peux vous assurer que la “petite fille espérance”, comme l’a qualifié Charles Péguy, devient de plus en plus grande. Et avec ses sœurs foi et charité, elle fait des merveilles. Notre-Dame de Paris en est l’un des merveilleux témoins.
Propos recueillis par Agnès Pinard Legry