Si sainte Faustine, la religieuse polonaise qui a consacré sa vie à transmettre à l’humanité les messages de Jésus sur la miséricorde divine, bien d’autres grands saints ont aussi témoigné de sa puissance dans leur vie. Comme par exemple la petite Thérèse. Un jour, elle a confié à une des novices du monastère de Lisieux : “Nous ne sommes pas des saintes qui pleurons nos péchés, nous nous réjouissons de ce qu’ils servent à glorifier la miséricorde du bon Dieu.”
Pour le père Denis-Marie Ghesquières, frère carme de la communauté d’Avon (Seine-et-Marne) et prédicateur de retraites spirituelles, la mission de sainte Thérèse consiste depuis des décennies à nous “faire connaître et aimer la miséricorde pour que nous nous offrions à elle de plus en plus profondément et dans toutes les circonstances du quotidien.” Thérèse, reconnue dans l’Église comme la sainte de la miséricorde, est loin d’être la seule. De nombreux saints ont passé leur vie à témoigner de l’amour absolu de Dieu, et de sa miséricorde sans limites, quoiqu’il arrive. “Si nous nous mettons à leur écoute, nous pourrons davantage expérimenter ce que Dieu veut nous donner. Et c’est inouï : le comble de la miséricorde divine consiste à nous rendre égaux à lui par amour et à nous faire participer à sa propre mission de salut pour tous. Recevoir les dons de Celui qui ne sait que donner, les reconnaître pour apprendre avec l’aide du donateur à se donner soi-même. Voilà l’enjeu !”, explique à Aleteia le père Denis-Marie Ghesquières.
Ainsi, c’est ce que nous vivons qui devient ce que nous sommes invités à offrir : nos défauts, nos faiblesses, nos péchés, nos impuissances, nos égarements, mais aussi nos épreuves et nos souffrances. “Toutes ces réalités si perturbantes et blessantes sont en fait un tremplin auquel il nous faut sans cesse consentir pour, à partir d’elles, approfondir notre désir de la vie nouvelle. Ces obstacles ne nous promettent pas de châtiments, de condamnations, de rejets de la part de Dieu. C’est en choisissant de faire confiance à la puissance de la miséricorde que nous sommes en quelque sorte déjà libérés”, conclut le religieux. Sainte Thérèse d’Ávila, Jean de la Croix, Thérèse de Lisieux, Élisabeth de la Trinité, une petite sainte du Chili, Thérèse des Andes, mais aussi Laurent de la Résurrection vénéré par l’ordre du Carmel… Ils l’ont tous très bien saisi. Décryptage avec le père Denis-Marie Ghesquières.
Sainte Thérèse d’Avila
Quand Thérèse d’Ávila (1515-1582) entre au monastère des carmélites de l’Incarnation, elle n’a que 20 ans. Cependant, après trois ans, elle doit le quitter à cause de ses problèmes de santé. Elle choisit de vivre cette épreuve en s’identifiant au Christ souffrant, même si elle lui est infidèle : quittant l’infirmerie, elle abandonne la pratique de l’oraison pendant plusieurs mois. Cette épreuve lui donne de reconnaître son incapacité à progresser par elle-même dans la vie spirituelle. Thérèse comprend alors que la principale infidélité est de se détourner du Christ qui est la miséricorde de Dieu.
Dans ses écrits, la carmélite décrit la réalité de la miséricorde ainsi : elle est tout d’abord permanente et nous accueille dans tout ce que nous vivons. Elle rattrape le temps que nous avons perdu à nous occuper de nous-mêmes, au lieu d’approfondir notre confiance en Dieu. Pour Thérèse, Dieu ne cesse de nous tendre la main. Il s’offre à nous comme notre véritable sécurité et notre providence. Cette miséricorde révèle la profondeur de l’amour de Dieu pour nous, elle nous rend de plus en plus amoureux de Lui. Voilà donc une porte pour aimer Dieu : le désir d’expérimenter toujours plus sa miséricorde.
Saint Jean de la Croix
Pour venir en aide à une personne en difficulté spirituelle, Jean de Croix (1542-1591) écrit une prière qui lui permettra de se confier à la miséricorde de Dieu. La réalité fondamentale de cette prière, c’est notre incapacité de nous sauver nous-mêmes. Le mystique part de la description d’un état spirituel d’impuissance, de solitude et de culpabilité. Mais assez vite, il nous donne une piste lumineuse : nos fautes offertes à la miséricorde de Dieu nous permettent de connaître Dieu !
Quel que soit le réel que nous traversons, il peut toujours devenir un chemin si nous nous tournons vers Dieu pour le lui offrir. Voilà l’essentiel de notre collaboration avec Lui : croire que Jésus est présent et en communion avec nous et qu’il veut nous communiquer ce qu’il est, quel que soit l’état où l’on se trouve et cela à tous les niveaux : psychologiques, physiques, moraux et spirituels. Centrée sur le Christ et sur sa miséricorde offerte quoi qu’il nous arrive, notre relation à toutes les réalités de la vie va se trouver transformée.
La difficulté consiste à accepter le réel intérieur et extérieur comme il est, sans vouloir le changer. Et à partir de ce vécu parfois bien douloureux, se remettre à la miséricorde : notre pauvreté et nos misères deviennent des invitations à nous abandonner à la miséricorde. Voilà ce qui compte vraiment !
Sainte Thérèse de Lisieux
Thérèse s’est offerte à la Miséricorde divine pendant la messe de la solennité de la Sainte Trinité le 9 juin 1895. Dans sa prière rédigée à cette occasion, la petite Thérèse dit trois fois “je désire”. Son désir, qui consiste à recevoir la sainteté de Jésus, et de communier à sa sainteté, embrasse toutes les demandes de Thérèse : “Mon Dieu, soyez vous-même ma sainteté !” Pour elle, le plus important est donc de lui faire de la place pour l’accueillir. Sa manifestation la plus profonde est l’Eucharistie. Car en communiant, nous participons toujours plus à l’offrande de Jésus à son Père.
Comme Thérèse, en communiant, nous pouvons offrir tous ceux qui refusent Jésus. Elle l’a bien compris : c’est ce refus de sa miséricorde qui blesse le plus Jésus. Car elle a traversé bien des épreuves – physiques, affectives et spirituelles. Étape par étape, elle a choisi d’accueillir Jésus souffrant au cœur de ses propres souffrances. Elle s’est ainsi ouverte à l’amour sans limites que Jésus offre, alors même qu’il traverse sa Passion et la mort. La puissance de son amour est sans limite : à nous de choisir de tout offrir sans mettre de limites.
Sainte Élisabeth de la Trinité
Élisabeth de la Trinité (1880-1906) utilise rarement le mot “miséricorde” car elle le remplace par le mot “amour” qui pour elle est bien la manifestation de la miséricorde divine. Elle rappelle sans cesse qu’il faut chercher à accueillir Jésus, pour tout lui offrir, quoi qu’il arrive. Et elle trouve une grande consolation à la pensée que Celui qui doit nous juger habite déjà en nous, qu’Il veut nous sauver tout le temps de nos misères qu’Il est toujours prêt à nous pardonner. Aimer Dieu, pour Élisabeth, c’est donc croire qu’il nous aime en dépit de tout ce que nous pourrions ériger contre Lui. Comme elle l’écrit dans une lettre :
“Il fera tout en vous, Il ira jusqu’au bout : car quand une âme est aimée de Lui à ce point, sous cette forme, aimée d’un amour immuable et créateur, d’un amour libre qui transforme comme il Lui plaît, oh ! Que cette âme va loin !”
Sainte Thérèse des Andes
Née à Santiago du Chili dans une famille chrétienne aisée, sainte Thérèse des Andes (1900-1920) mène une vie d’enfant ordinaire et équilibrée, entre études, devoirs domestiques, natation et équitation. Mais le jour de ses 15 ans, elle entend l’appel du Carmel. Deux ans plus tard, elle découvre sainte Thérèse d’Ávila et Élisabeth de la Trinité… La jeune fille décide à son tour de convertir toute son existence en louange de Dieu.
Après une correspondance assidue avec la mère prieure du carmel des Andes et plusieurs visites au monastère, elle demande son entrée en communauté ; ce qui lui sera accordé en 1919. Mais dès les premiers jours de son noviciat, elle tombe malade. Le 2 avril, Vendredi saint, Thérèse étant au plus mal, elle reçoit les derniers sacrements. Dans une lettre écrite à une amie peu après l’entrée au carmel, elle lui décrit sa confiance dans la miséricorde sous forme d’un message qu’elle a reçu du Christ :
“Sais-tu quelles sont les âmes qui jouissent le plus de ma Bonté ?, lui dit Notre Seigneur. Ce sont celles qui se confient le plus en moi. Les âmes confiantes m’arrachent mes grâces. Je suis tout Amour et la plus grande peine qu’on puisse faire à mon Cœur est de douter de ma Bonté. Non seulement mon Cœur est compatissant, mais plus il y a à remettre en état, plus il se réjouit, à condition qu’il n’y ait pas de méchanceté. Si tu savais le travail que je pourrais faire dans une âme pleine de misères si elle me laissait faire…”