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Naissance par GPA en France : un double détournement et un précédent ?

PREGNANT, WOWAN, HOSPITAL

vectorfusionart | Shutterstock

Blanche Streb - publié le 02/05/22

En raison de la guerre, des mères porteuses ukrainiennes sont recueillies en France par leurs couples commanditaires. Pour contourner la loi, dénonce Blanche Streb, on les fait accoucher sous X., sans rien faire pour éradiquer à la base une pratique illégale.

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La guerre en Ukraine agit comme un nouveau révélateur des drames inextricables que génère la pratique des mères porteuses. Tolérée dans ce pays, elle fait l’objet d’une véritable industrie qui exploite les femmes en situation de précarité, qui trouvent, par ce biais, une source de revenus. Attirés par les tarifs attractifs, de nombreux étrangers y ont recours, que la GPA soit admise ou pas dans leur propre pays. La députée des Français établis hors de France, Anne Genetet, estime que deux bébés y naissent chaque semaine pour des clients-parents français. 

Accouchements sous X

Plusieurs enquêtes ont rapporté ces dernières semaines la situation désespérée dans laquelle la guerre a plongé ces mères porteuses ukrainiennes et leurs enfants. Depuis, une dizaine d’entre elles sont réfugiées en France. Ainsi, Katarina est arrivée en mars, recueillie par le couple commanditaire. Elle est venue seule, elle n’a pas pu emmener avec elle ses enfants, deux filles de dix et trois ans, restées avec leur grand-mère. C’est donc sur notre sol, sur lequel la GPA est prohibée, que ces mères porteuses mettent au monde les enfants.

Deux bébés GPA sont déjà nés, un dans la région lyonnaise et l’autre en Vendée. Or en France est déclarée automatiquement comme mère la femme qui accouche. Pour contourner cela, les accouchements sont réalisés “sous X”. Dans le cas d’un couple commanditaire homme-femme, l’homme — souvent père biologique — effectue une reconnaissance paternelle prénatale de l’enfant pour établir sa filiation paternelle, et la femme lance ensuite une requête en adoption plénière de l’enfant de son conjoint. Ne s’agit-il pas, ni plus ni moins, à la fois d’un double détournement : celui de l’accouchement sous X puis de l’institution de l’adoption, mais aussi d’un « précédent » inédit ? 

Une femme enceinte qui ne souhaite pas garder son enfant peut choisir d’accoucher sous le secret et de le confier à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Toutefois, il est laissé à la mère la possibilité de revenir sur sa décision et de reprendre son enfant dans un délai de deux mois. L’enfant pourra demander, à sa majorité, à connaître sa mère soit auprès du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop), soit auprès du président du Conseil départemental. Évidemment, accouchement sous X et GPA sont incomparables. Dans le premier cas, la femme qui vivait une grossesse inattendue choisit de laisser sa chance à la vie et de confier son enfant. Dans le second cas, la grossesse est délibérée et l’abandon programmé par contrat avant même que l’enfant ne soit conçu. Dans le premier cas on tente de réparer un préjudice subi par l’enfant en le confiant à une famille. Dans le second cas, le préjudice est orchestré. 

Le détournement d’une mesure dérogatoire

L’accouchement sous X est permis par la loi et a été validé par la jurisprudence, notamment la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit d’une possibilité laissée à la mère de ne pas donner son identité lors de l’accouchement tout en étant prise en charge. L’objectif ? Protéger la santé et parfois la vie de la mère, de l’enfant ou des deux. Cette mesure dérogatoire est donc utilisée ici dans un autre but, à savoir priver l’enfant de sa filiation maternelle. Au fond, il s’agit d’obtenir par l’accouchement sous X ce que le contrat de GPA a prévu, alors même que ce contrat est nul d’une nullité d’ordre public dans notre droit. Notre code civil dispose en effet que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Le parquet peut donc poursuivre ces couples pour provocation à l’abandon d’enfant, explique leur avocate, maître Clélia Richard. Mais le fera-t-il ? L’agence de GPA qui a réalisé l’entremise entre le couple français et Katarina, quant à elle, a cessé de la payer et la menace de poursuites judiciaires si elle ne revient pas accoucher en Ukraine. Sympathique ! On mesure là la manière dont sont traitées les mères porteuses, comme un maillon dans une chaîne lucrative, comme un moyen dans une fabrication d’enfants. 

La tactique du fait accompli

Si pallier à l’urgence et sauver ces femmes et ces bébés est fondamental, il convient que notre pays passe des paroles aux actes et agisse enfin pour l’abolition de cette pratique au plan mondial. L’impact de ce “précédent” est difficile à évaluer. Depuis longtemps, la GPA progresse dans notre pays par une tactique du “fait accompli”, contre lequel justice et politique restent lâchement passives, témoignant d’une complicité coupable. Ces drames, tout comme ceux que la crise sanitaire avait déjà mis en lumière, sont un révélateur de l’urgence d’accords internationaux pour interdire la GPA. Quand il n’y a pas aucune bonne solution à un problème, c’est le problème à la base qu’il faut traiter. Mais comme le disait Einstein, “on ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés”. 

Tags:
BioéthiqueGPAGuerre en Ukraine
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