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Transition : leitmotiv des commentaires ces jours-ci pour évoquer la fin programmée du gouvernement de Jean Castex. Ou pour s’interroger sur le profil de « mouton à cinq pattes » de celle ou celui qui lui succédera à Matignon, pour impulser aussi la transition écologique du pays… On a encore parlé de transition à la nomination surprise d’un septuagénaire à l’archevêché de Paris, Laurent Ulrich… Ce mot « transition » est interprété diversement. On lui colle souvent le sens déprécié, voire péjoratif, de passager, d’éphémère et donc d’inodore. Ce faisant, on commet un double contresens. Étymologique d’abord : le bon vieux dictionnaire Gaffiot donne la définition suivante du mot latin transitio : « action de passer, passage… » Contresens historique ensuite : bien des périodes ou des personnages de transition ont modifié le cours de l’histoire.
Ces transitions révolutionnaires
Quelques exemples cités à la volée : en Espagne, c’est un roi constitutionnel aux prérogatives limitées qui a défendu la transition démocratique de son pays, après quarante ans de dictature franquiste. En Afrique du Sud, c’est un ancien prisonnier politique du régime d’apartheid qui, élu président au soir de sa vie, a ouvert la voie du pardon et de la réconciliation entre Noirs et Blancs. En France, c’est un général « à titre temporaire » qui a lancé l’appel à la résistance du 18 juin 1940 ; c’est encore ce même général qui à la tête d’un gouvernement provisoire a rétabli la légalité républicaine le 3 juin 1944.
Il faut se garder de considérer ce qui semble transitoire comme quelque chose de momentané et d’insignifiant. L’histoire enseigne que les passages et les passeurs disposant a priori d’une durée ou de moyens limités peuvent jouer un rôle et avoir une portée considérables.
L’histoire de l’Église catholique n’est pas non plus avare de transitions qui se sont révélées déterminantes, voire révolutionnaires. « Pape de transition » : on appelle ainsi le presque octogénaire Jean XXIII quand il succède à Pie XII en 1958. À la stupéfaction générale, il convoque le concile Vatican II, l’un des événements marquants du XXe siècle, qui a engagé l’Église catholique à évangéliser radicalement son rapport au monde. En 1978, le patriarche de Venise devient pape sous le nom de Jean-Paul 1er. Il ne « règne » qu’un mois. Pour le coup, il est un pape de transition. Nonobstant, il humanise durablement la fonction papale par sa simplicité personnelle ; et il innove en choisissant de porter conjointement les noms de ses deux prédécesseurs. Enfin, élu à 77 ans, après un pontificat tourmenté et un autre à la longévité historique, Jorge Bergoglio, dit François, passe pour un pontife de transition. Lui-même en accepte l’idée en évoquant souvent la brièveté de son pontificat… Non content de probablement souffler en 2023 son dixième anniversaire, il affiche un bilan qui, objectivement, n’est pas celui d’un pape ayant expédié les affaires courantes !
Comme la figure de Jean-Baptiste
Il faut donc se garder de considérer ce qui semble transitoire comme quelque chose de momentané et d’insignifiant. L’histoire enseigne que les passages et les passeurs disposant a priori d’une durée ou de moyens limités peuvent jouer un rôle et avoir une portée considérables. Si la crise est, comme on dit, une opportunité pour vivre des recommencements, la transition peut être une bénédiction pour amorcer des processus d’évolution, de transformation ; les chrétiens diront, de transfiguration. Comment ne pas penser à la figure évangélique de Jean-Baptiste ! Prophète à cheval entre l’Ancien et le Nouveau Testament, il est le passeur entre les deux rives du Jourdain où sur l’une se tient le Christ. Il est aussi celui qui dit : « Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue » (Jn 3, 30). C’est la grandeur des femmes et des hommes de transition, que de s’avouer humblement arrimés au Seigneur, pour accomplir des missions souvent supérieures à leurs seules forces et volontés.